Rares
furent
en tous temps
les authentiques
vénérateurs de Dieu.
(Métropolite Innocent de Penza)

Aujourd’hui encore, nous ne réalisons pas combien nombreux furent les justes et les saints dans la Russie du XXe siècle, et notamment dans la Russie de la fin du XXe siècle. Certains seront glorifiés par l’Église, le podvig des autres restera connu seulement d’un cercle restreint, plus local. Le texte ci-dessous est la traduction de la vie d’un de ces héros de l’ascèse très peu connus en Occident. L’Higoumène Boris (Khramtsov) fut un fils spirituel de l’Archimandrite Naum (Baïborodine) de bienheureuse mémoire. Un saint homme, lui aussi. L’original russe est accessible librement sur l’internet, mais il fut également publié en 2005 sous forme de livre intitulé «Крестный Путь Игумена Бориса» (Le chemin de croix de l’Higoumène Boris) aux éditions Palomnik. La traduction ci-dessous ouvre la troisième partie du livre précité, intitulée : Les yeux tournés vers le ciel. Il s’agit de souvenir d’enfants spirituels du Père Boris. Le début du texte se trouve ici.

Servante de Dieu A. Le Père Boris dans ma Vie.

C’est à la Skite de Tchernigov que je fis la connaissance du Père Boris, en août 1994. Il y avait en moi un péché que je ne parvenais à confesser à personne. Quand je vis Batiouchka pour la première fois, je me dis : «A un aussi jeune, je ne le raconterai pas, pour rien au monde». Quand je me présentai à lui, il me donna sa bénédiction pour lire le psautier. Ce fut chose très malaisée ; de nombreux mots étaient incompréhensibles. Mais je lus tout, et pendant ce temps, Batiouchka s’occupait d’autres gens. Ensuite, il vint s’asseoir à côté de moi, et je lui racontai tous mes problèmes, avec facilité. Je m’en allai avec un sentiment d’allègement. A la maison, je me souvins d’autres péchés ; je me hâtai de retourner à la skite pour m’en libérer. Quand j’arrivai près de lui pour la deuxième fois, Batiouchka se tourna vers moi et dit : «Vous avez un Évangile, lisez-le». J’étais stupéfaite. J’avais effectivement dans mon sac un exemplaire de l’Évangile, mais il ne pouvait l’avoir vu.Batiouchka fut transféré à Varnitsa. Il s’installa dans une pièce à l’étage de la maison du monastère. Commencèrent à arriver des gens qui avaient besoin de l’aide et des conseils spirituels de Batiouchka, et des gens qui, tout simplement, n’avaient aucun endroit pour vivre et qui avaient entendu qu’à Varnitsa était arrivé un bon batiouchka qui ne rejetait aucun de ceux qui venaient à lui tant que ceux-ci n’étaient pas animé de la volonté de changer leur vie.
Avec une nouvelle connaissance, Nadejda, nous nous mîmes en route vers Batiouchka. Quand il nous vit, il se réjouit, avança vers nous comme s’il n’en croyait pas ses yeux, et dit : «Vous êtes venues?». Ainsi commença une nouvelle étape de mon existence. Une fois par mois, je courrais me confesser chez Batiouchka. Il s’en passa des choses lumineuses et miraculeuses à Varnitsa! Batiouchka accueillait toujours avec amour et il acceptait de converser. Régulièrement, il se passe des choses inhabituelles après lesquelles apparaissent de nouvelles forces qui permettent de vivre. Batiouchka me donnait consolation et espérance de choses meilleures. Progressivement, il devint la personne la plus importante dans ma vie.
Le matin, c’était avec tristesse qu’on regardait Batiouchka, épuisé, n’ayant pu restaurer ses forces par très courte nuit de sommeil, et qui sortait vers les gens. L’église était pleine à craquer et nombreux étaient ceux qui tenaient à la main des cahier entiers remplis pour la confession.
Jamais je n’oublierai la dernière Pâques à Varnitsa. C’était en 1997. Batiouchka célébra dans l’église saint Nicolas, restaurée l’été même. Il resplendissait, heureux dans ses majestueux ornements liturgiques de velours rouge. A la fin, il nous permit d’aller carillonner. Nous étions heureuses comme des enfants. Nous sonnions comme nous le pouvions, en riant!
Après, il y eut les agapes dans l’immeuble de briques rouges, construit par le marchand Kekinyne, en face de l’église Saint Nicolas. Les tables craquaient sous le poids des mets tous différents, si goûteux. Tous les paroissiens et tous ceux venus d’ailleurs purent se restaurer à satiété. Et chacun s’en allait, heureux, ravivé par l’Esprit, et avec la bénédiction de Batiouchka. C’est ainsi que, manifestant son amour sans cesser pour autant d’être un instructeur sévère, Batiouchka transformait notre vie jusqu’à sa racine.
A l’été 1997, quittant Moscou, je vins avec mon fils m’installer dans un village à vingt kilomètres de Varnitsa. Nous étions à l’église dès le premier dimanche qui suivit notre emménagement. Batiouchka regarda de notre côté et sourit. Je pensai que celui ou celle à qui était destiné pareil sourire devait être réellement heureux. Spontanément, je regardai autour de nous et découvris qu’il n’y avait personne, et que c’était à nous que Batiouchka avait souri. Je regardai à nouveau Batiouchka et lui sourit une fois encore, du même sourire. Ce sourire lumineux comme un soleil déversa en moi un immense bonheur tranquille. Nous rentrâmes heureux à la maison. Pour une raison que je ne compris pas, mon cœur s’attrista, le jeudi suivant. J’étais prête à aller à Varnitsa, mais finalement, je décidai de postposer le déplacement au dimanche. Quand j’arrivai à Varnitsa ce dimanche, je compris. Il s’était passé quelque chose. Tout le monde pleurait. Batiouchka semblait troublé, lui-aussi, mais il ne disait rien. Je pensai que Batiouchka allait partir en congé et que tous en étaient bouleversés. Après, il s’avéra qu’on avait décidé de transférer Batiouchka, quelque part. Des mois s’écoulèrent, sans qu’on n’apprenne quoi que ce soit. Personne ne savait précisément où se trouvait Batiouchka. Ensuite, N. Vint au village et dit : «Monte, on y va». Et nous nous retrouvâmes à Ivanovo. Je me souviens. Nous avons pris le repas du milieu de journée avec Batiouchka à la table du monastère. Joyeux, il mélangeait le thé au moyen d’une longue cuillère. Il n’avait pas baissé les bras.
Je l’ai rencontré aussi dans un village, près de Iaroslavl. L’église était si belle. A côté, près du cimetière se dressait une énorme meule de foin,. Je demandai à Batiouchka pourquoi tout s’était passé comme cela, car tout doit se passer selon la volonté de Dieu, selon ce que Dieu permet. Et Batiouchka répondit : «Oui, tout ça, c’est Dieu Qui l’a permis. Les startsy m’ont demandé de construire une église à Antouchkovo». Notre Batiouchka accomplit cette bénédiction. Sur le lieu de l’apparition, en 1423, de la Croix Vivifiante du Seigneur, avec l’aide de Dieu et les efforts de Batiouchka et de ses enfants spirituels, une église fut érigée et une communauté monastique créée.
Un jour, quand j’arrivai à Ivanovo, j’entendis ces paroles de Batiouchka: «Habitue-toi à une vie de voyages». Et de l’été 1998 à janvier 2000, je vécus aux côtés de Batiouchka. Alors, je fis de plus près sa connaissance, et commença une vie très difficile. J’étais bouleversée, je pleurais, je disais que je ne pouvais pas vivre comme ça. Batiouchka me consolait : «Tout ira bien». Là où je préparais la nourriture de Batiouchka, il faisait son apparition pendant cinq à dix minutes, et puis se précipitait vers les pèlerins qui l’attendaient toujours. Batiouchka mangeait rapidement, remerciait toujours «Sauve, Seigneur!» «Et cela, disait-il en montrant sa vaisselle sale, nous te le laissons». Ainsi passèrent les jours, l’un après l’autre. J’ai toujours été triste de ce que Batiouchka ne fût pas facile avec moi. Il voyait ma situation et priait. Une autre obédience vint s’ajouter : enseigner la langue russe dans le cadre des cours de formation spirituelle. Batiouchka surveillait tout de façon très attentive. Je me souviens qu’il prenait mes cahiers de cours et y apportait des corrections de sa main. Lui-même enseignait. Il donnait les cours de liturgie et de catéchisme. Les élèves aimaient beaucoup ses leçons. Ils restaient assis comme fascinés. Il commençait ses journées en faisant la leçon, ensuite, il allait s’occuper des affaires du monastère. Nous, ses assistants, il n’avait ni le temps ni l’énergie de nous consoler, et nous devions suivre le rythme dans lequel vivait le père. Je n’ai pu tenir qu’un an et demi. Plus tard, je me suis posé la question: comment Batiouchka pouvait-il tenir?
J’avais pour obédience de transporter Batiouchka en voiture. Un jour, Batiouchka entra dans la voiture et il était complètement différent, difficile, renfrogné. Je demandai avec étonnement «Qu’est-ce qui vous arrive?» Et lui de répondre : «Regarde-toi de l’extérieur». Batiouchka m’apprit cela, me montrant comment j’étais.
Parfois, dans la voiture il chantait. Mais c’était rare. C’était ainsi que Batiouchka soignait son âme, épuisée par le fardeau des tribulations et des soucis.
Des cas de clairvoyance du Père Boris, il y en eut une multitude; en voici quelques-uns. (A suivre)

Traduit du russe