A l’instar de tous les horizons de Russie, de nombreux saints et bienheureux ont en leur temps mené leur podvig à Saint-Pétersbourg et dans sa région. On se souviendra sûrement de la Bienheureuse Xénia, de Saint Jean de Kronstadt et de Saint Seraphim de Vyritsa, mais une myriade d’autres saints justes et moines leur tiennent compagnie dans ce coin de Ciel de notre Église Triomphante. Il en est ainsi de la Bienheureuse Lioubouchka. Comme Sainte Xénia, elle mena le podvig de folle-en-Christ, et de plus, elle fut aussi pendant des décennies, le pivot d’un intense vie spirituelle dans la région, mais s’étendant aussi jusqu’à la Laure de la Trinité Saint Serge. En effet, le Starets Naum (Baiborodine) de bienheureuse mémoire envoyait régulièrement ses propres enfants spirituels auprès de la Staritsa de Sousanino, à proximité de Vyritsa, pour y recueillir sa bénédiction et ses conseils. Plusieurs livres ont été écrits à son sujet. Le texte ci-dessous est la troisième partie d’une traduction en quatre articles; le début se trouve ici. Dans cette troisième partie du récit, la Bienheureuse Lioubouchka se retire à l’arrière plan, au profit d’un aperçu de la présence monastique russe en Terre Sainte.

La Bienheureuse Lioubouchka passa les dernières années de sa vie comme celles de sa jeunesse, en errance. Ils furent nombreux à l’inviter chez eux, mais elle n’accepta pas toutes les invitations. Quand elle demandait elle-même à rendre une visite, les gens considéraient cela comme une grande grâce. En 1995, elle visita pour la première fois le Monastère de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan à Vychny Volotchiok , où sa fille spirituelle, l’higoumène Théodora, était supérieure. Puis la Staritsa exprima le désir d’aller au Monastère Saint Nicolas de Chartom dans la région d’Ivanovo. «Père, emmène-moi chez toi», disait Lioubouchka à l’Archimandrite Nikon. «Chez moi?» Le Père Higoumène s’étonna et, ne croyant pas son bonheur, emmena Lioubouchka dans son monastère, où elle mena son podvig pendant environ un an.Ensuite, la Bienheureuse retourna au Monastère de Vychny Volotchiok. «Tu vas rester ici pour toujours?» demanda-t-elle à l’Higoumène Théodora. «Et vous, mère, resterez-vous avec moi?». Lioubouchka demeura songeuse et dit ensuite : «Oui, je resterai…». C’est dans ce monastère que la Staritsa s’en est allée au Seigneur. L’higoumène Théodora fut l’unique témoin des derniers instants de sa vie, de ses prières d’adieu et de la transfiguration de son visage. Elle considère cela comme un des grands dons du Seigneur au cours de sa vie. L’Higoumène Théodora naquit le 27 décembre 1955 dans le village de Beloucha, dans une famille pieuse de la région de Brest. Son arrière-grand-père fut un bienheureux. Avant de commencer à labourer, il priait les mains levées, sans cela il n’entamait aucun des travaux agricoles. La famille avait six enfants. Tous les frères sont devenus prêtres, les jeunes sœurs se sont mariées à des prêtres. Matouchka, l’aînée des enfants, devint higoumène. Lors du Saint Baptême, elle fut appelée Nadejda. Pendant de nombreuses années, elle a célébré son jour de l’ange en même temps que la Bienheureuse Lioubouchka, qui, selon son âge, aurait pu être sa mère, voire à sa grand-mère: lorsque naquit Nadia, la bienheureuse avait 43 ans. Leurs patronnes célestes, les Saintes martyres qui souffrirent pour le Christ, Amour et Espérance, étaient sœurs. Nadejda Piliptchouk étudia dans sa jeunesse dans une école technique de construction. Sur le banc de l’école, elle rêvait de tonsure monastique et écrivait des lettres à tous les monastères en activité, mais elle essuya chaque fois un refus. Dans ces années de la «stagnation», il était malaisé pour les jeunes d’entrer officiellement dans un monastère et beaucoup acceptaient le monachisme secret dans le monde.

L’Archimandrite Seraphim Tiapotchkine

Nadejda devint la fille spirituelle de l’Archimandrite Seraphim (Tiapotchkine). Un jour, elle alla le voir au village de Rakitnoe, avec son amie Faina. Le Starets amena deux croix, une grande et une plus petite, et il se mit à parler. Il parla longtemps, probablement, une demi-heure, mais Nadejda avait comme les oreilles fermées, elle n’entendait pas un seul mot, elle voyait juste les yeux du Starets, qui brillaient devant elle, merveilleux, terribles. Elle se souvint seulement de la dernière phrase: «Tu y parviendra, afin que les autres puissent être réconfortés!» Et il lui remit la grande croix, et à Faina l’autre, plus petite. Ce furent leurs futures croix de tonsure. Le Père Seraphim dit alors: «Quand vous serez revêtues de votre manteau, venez me voir, le jour même». En 1997, les amies s’installèrent près de la Laure de la Trinité-Saint-Serge. Nadejda Vladimirovna commença à travailler à la bibliothèque de l’Académie de Théologie de Moscou. Elle priait sans relâche afin d’être admise à servir le Seigneur au rang des moniales. Et le Seigneur exauça sa prière: le 21 février 1980, avec la bénédiction de Sa Sainteté le Patriarche Pimène, eut lieu la tonsure des servantes de Dieu Nadejda à laquelle on octroya la mantia et le nom de Théodora, et à son amie Faina le nom de Marcella. Se souvenant de l’instruction du Starets Seraphim, les fiancées du Christ voulurent se rendre à Belgorod le soir même, mais elles n’y furent autorisées: selon la règle, elles devaient rester cinq jours dans l’église de Dieu. Mère Théodora était très inquiète de n’avoir pas accompli la bénédiction du Starets, car on doit leur obéir doivent sans équivoque.
Elle pensait que cette désobéissance serait par la suite source de grandes tribulations. Quelques jours plus tard, les moniales nouvellement tonsurées furent envoyées en Terre Sainte. Là, Mère Théodora accomplit son obédience au réfectoire de la Mission Spirituelle Russe, puis elle fut nommée responsable de la discipline dans un Monastère de Jérusalem. Ce petit îlot de terre russe relie la Sainte Russie à l’histoire de l’Ancien Testament de notre Église, à ses prophètes, ses apôtres, à Marie, la Très Sainte Mère de Dieu et au Sauveur Lui-même, qui versa Son Sang sur la Croix pour nous, les pécheurs.

L’Higoumène Théodora (Piliptchouk)

En 1983, elle devint higoumène de ce monastère. Le Bienheureux Patriarche de la ville Sainte de Jérusalem et de toute la Palestine, Diodore Ier, éleva la moniale Théodora au rang d’higoumène et lui remit la croix pectorale et la crosse d’higoumène. Alors Mère Marcella lui dit «Tu te souviens comment le Père Seraphim a prédit que tu serais higoumène?» Matouchka Théodora admit qu’alors elle n’avait pas entendu un seul mot et ne se souvenait que de la dernière phrase. Il s’avère que le père spirituel connaissait déjà tout le chemin qu’elle allait parcourir.
Lorsqu’en 1865 l’Archimandrite Antonin (Kapustine) fut nommé à la tête de la Mission Spirituelle Russe à Jérusalem, il déploya une activité énergique en vue d’acquérir des terres en Palestine. La Russie lui doit le fait qu’à la fin du siècle dernier, un certain nombre de lieux liés aux événements évangéliques ont été sauvés pour l’Orthodoxie et sont devenus russes. Parmi eux, le village palestinien de Ein-Kerem, sur la colline éponyme, le lieu d’action de l’un des récits les plus précieux de l’Évangile : la visitation de la Très Sainte Mère de Dieu à la Juste Élisabeth. L’Archimandrite Antonin l’acquit en 1871.

L’Archimandrite Antonin Kapoustine

Déployé sur une terrasse de la colline, cette terre est immergée dans la verdure des vignobles et des oliviers. Ce n’est pas un hasard si le village arabe d’Ein-Kerem, qui était situé ici auparavant, signifie «source de vignes». Ici vivaient les parents de Jean-Baptiste, ici vit le jour le plus grand de ceux nés d’une femme. À une heure de marche, c’est le désert, où le Saint Précurseur lutta spirituellement, avant de sortir dans le monde avec son prêche de repentance. C’est précisément ici, après l’Annonciation archangélique, que vint, à travers gorges et chemins rocailleux, que la divine Mère de Dieu et y révéla à la Juste Élisabeth, sa proche parente, le secret céleste qui lui a été annoncé . «En ces jours-là, Marie se levant, s’en alla en hâte au pays des montagnes, en une ville de Juda. Et elle entra dans la maison de Zacharie, et salua Élisabeth»(Lc.1;39-40).
La «ville des Juifs dans la Montagne» est un lieu montagneux du Sud de la Palestine, appelée Judée. Sur le site de la maison de Zacharie et Élisabeth, où eut lieu la conversation inspirée de Dieu et transmise à l’humanité par l’Évangéliste Luc (Lc.1;39-56), et grâce aux efforts de l’Archimandrite Antonin, naquit une communauté monastique et le monastère de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan. Pour commémorer la visitation évangélique de la Très Sainte Mère de Dieu, en 1883, une fête spéciale fut instituée, et qui n’existe dans aucun autre monastère: «Le baiser de la Très Sainte Mère de Dieu et de la Juste Élisabeth». En mémoire de cet événement, l’Archimandrite Antonin écrivit ce tropaire: «Vierge inépousée et Mère Toute Pure, ayant reçu de l’Archange l’Annonciation, avec zèle Tu Te hâtas vers la ville des collines, et embrassas Ta parente la Juste Élisabeth, qui T’appela Mère du Seigneur et exalta le Seigneur Qui T’exaltait.Tu es bénie entre les femmes et béni est le fruit de Ton sein!»

Très Sainte Mère de Dieu de Kazan

La fête commence le 30 mars selon le calendrier de l’Église, le cinquième jour après l’Annonciation par l’Archange Gabriel. Depuis l’église de la Trinité de la Mission Spirituelle Russe, les sœurs transportent à la colline de la source des vignes l’icône de l’«Annonciation», et les sœurs du Monastère de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan sortent à sa rencontre avec l’icône du «Baiser». Après leur rencontre, les deux processions se réunissent en une seule, qui transporte leur précieuse charge au long les sentiers sinueux et escarpés du «pays de la colline». L’icône est déposée dans l’église de Kazan pour commémorer la route que la Vierge Bénie parcourut pour arriver ici il y a deux mille ans. L’icône de l’Annonciation est posée à la place de l’higoumène, vêtue d’un voile bleu descendant jusqu’au sol, tel une robe monastique. À côté se trouve la crosse d’higoumène. Pendant trois mois, l’icône reste en ce monastère, en mémoire du séjour de trois mois de la Toute Pure auprès de Sa parente. Pendant ces trois mois, la Très Sainte Mère de Dieu est l’Higoumène du monastère. L’higoumène terrestre du monastère se tient derrière l’icône. Les sœurs prennent la bénédiction d’abord de l’icône de l’Annonciation, puis seulement de la Mère et du prêtre. Le jour de la Nativité de Saint Jean le Baptiste, qui est également célébré solennellement dans ce monastère, l’icône est ramenée à la Mission. Tout au long de l’année, tous les mercredis a lieu un office de l’Acathiste de l’Annonciation à la Très Sainte Vierge Marie au cours duquel on chante aussi le tropaire particulier du «Baiser».
En 1883, l’Archimandrite Antonin construisit une église en l’honneur de l’icône de Kazan de la Mère de Dieu. Lors de la fête de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan d’été, après les vigiles, on lit douze acathistes à l’Invincible Conductrice, en mémoire de la délivrance miraculeuse du monastère, au siècle dernier, d’une épidémie de choléra. Il s’agit aussi c’est aussi d’un usage purement local. Dans les lieux saints où se sont déroulés les événements de l’histoire Sacrée, il règne une grâce spéciale. Le Créature y entend nos prières comme nulle part ailleurs. Le Seigneur a conduit Matouchka Théodora à servir en ce lieu théophore, béni, et superbe. Mais il n’était pas facile de mener son podvig là-bas: l’ennemi se venge cruellement des chrétiens, en particulier des moines orthodoxes qui travaillent pour le Seigneur en Terre Sainte. Le Monastère était à moitié détruit, les sœurs étaient durement attaquées. Lorsque Matouchka Théodora était responsable de la discipline, les moniales Varvara et Veronika (Vasilenko), mère et fille, furent tuées dans le monastère. Elles accomplissaient leur obédience au monastère depuis 1967, et se distinguaient dans le travail et la prière. Le matin du 20 mai 1983, les sœurs, inquiètes de leur absence à l’église, ont découvert leurs corps sans vie, étalés sur le sol, dans le sang, dans leurs cellules. L’examen médical a établi que le décès était survenu vers 21 heures le 19 mai à la suite de plusieurs blessures au couteau. La police réussit à trouver le meurtrier, qui a avoué l’atrocité. Le tribunal décida qu’il était mentalement irresponsable et les autorités l’ont simplement expulsé d’Israël. (A suivre)
Traduit du russe
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