Saint Seraphim de Vyritsa : «Protège tes petites côtes» (9)

Le texte ci-dessous est la suite de la traduction ( proposée en plusieurs parties) d’un résumé détaillé de la vie de Saint Seraphim de Vyritsa écrite par Alexandre Archakovitch Trofimov à partir de son livre qui compte 240 pages. L’original russe du résumé traduit ici, agrémenté de nombreuses photographies, a été publié en six parties sur le site de l’auteur, le 14 mars 2014.

Le Père Ioann Mironov se souvient : «Le jour de sa mort, le 3 avril 1949, le Père Seraphim m’a miraculeusement appelé chez lui. La veille, il m’a transmis un message par l’intermédiaire du Père Grigori Selivanov: «Que Vanya vienne» et il a précisé la date. Je suis donc parti le 3 avril par le train le plus matinal… A cette heure-là, seuls les plus proches étaient déjà informés de la mort du Juste. Le père Alexis Kibardine a célébré la première pannychide. J’ai eu l’honneur de prier avec lui. Quand nous avons transporté le Père du lit à la table, il semblait que nous portions seulement la mantia; il était si léger».

L’Archiprêtre Ioann (Mironov)

Le premier jour après la mort du Père Seraphim, une femme, venue prendre congé du Starets, amena sa petite fille aveugle auprès cercueil et dit:

-Embrasse la main de grand-père.
La fillette embrassa la main, et immédiatement, elle vit.
Pendant trois jours, il y eut un flot ininterrompu de gens qui s’approchaient du cercueil. Le Patriarche Alexis Ier avait ordonné au Métropolite Grigori (Tchoukov) de Leningrad d’annuler les cours au Séminaire et à l’Académie pendant trois jours après la mort du Starets. Le cercueil pour le funérailles du Starets fut envoyé par le Métropolite Grigori.
Le Père Seraphim avait promis au Père Alexis Kibardine tous ses accessoires et livres liturgiques. L’icône miraculeuse du Sauveur fut envoyée au Patriarche Alexis I. Les autres icônes furent offertes à l’église de Kazan à Vyritsa. On y conserve donc aujourd’hui encore l’icône de Tikhvine de la Très Sainte Mère de Dieu, l’icône de Saint Seraphim de Sarov et l’icône de Saint Panteleimon, transmises par le Starets Seraphim.
Les funérailles du Père Seraphim furent célébrées la veille de la fête de l’Annonciation dans l’église de Kazan à Vyritsa. A cette époque le trajet en train à vapeur jusque Vyritsa prenait deux heures, sans les arrêts. Le voyage durait près de trois heures. Le jour des funérailles et de l’enterrement du Starets, le train à vapeur du matin ne put emmener tous ceux qui voulaient monter dans les wagons, on n’aurait pu en glisser un de plus. La foule se jeta littéralement sur le chef de la gare:
– Il faut attendre deux heures pour le prochain train. Organisez-nous donnez-nous un convoi supplémentaire d’urgence!
Questionnés au sujet de la raison de leur empressement, les gens répondirent :
– À Vyritsa, le Starets Seraphim est décédé, nous arriverons en retard pour l’enterrement.

Photo : Pravoslavie.ru

Et les retardataires étaient nombreux. Il y avait beaucoup de membres du clergé et d’élèves des institutions de théologie. Parmi eux se trouvait le futur Patriarche Alexis II, qui étudiait alors au séminaire de Leningrad. Pendant les funérailles et l’enterrement, ils furent des milliers agglutinés autour de l’église de l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan et les rues avoisinantes. Les chœurs de l’Académie de Théologie et du Séminaire chantèrent l’office.
Elena S. se souvient: «lors des funérailles, l’icône de Saint Seraphim de Sarov qui se trouvait dans la cellule de Batiouchka fut portée devant le cercueil. L’inhumation eut lieu le 6 avril. Il y avait tellement de gens que la fidèle auxiliaire de cellule du Père Seraphim eut une côte brisée par la pression de la foule, ce dont il l’avait prévenue bien à l’avance, en disant:
– Pendant mon enterrement, protége tes petites côtes…
Pendant plusieurs jours, le cercueil avec le corps du Juste défunt demeura dans l’église; les prêtres célébraient des pannychides, le peuple priait. J’ai toujours conservé une petite croix et des fleurs que j’ai appliquées sur sa main. Je suis venue plusieurs fois dire au revoir Batiouchka. Et ce qui était surprenant, c’était sa main, chaude, douce, tout à fait comme celle d’un vivant».

La tombe de Saint Seraphim de Vyritsa (Avant la construction de la chapelle)

Le Père Seraphim fut enterré à Vyritsa, dans le petit cimetière à côté de l’église de Kazan. Celui qui va prier devant sa tombe ne peut jamais l’oublier. Il est maintenant évident pour beaucoup que Saint Seraphim de Vyritsa est devenu l’un des héros de l’ascèse les plus vénérés de l’Église russe du XXe siècle. Quand il était en vie, Saint Seraphim de Vyritsa disait : «Celui qui a besoin de mon aide, qu’il vienne devant ma tombe comme si j’étais vivant, qu’il raconte ce dont il a besoin, et je l’aiderai!» Nombreux sont ceux qui ont accompli cette démarche! Pendant plus de cinquante ans, les Orthodoxes vont encore et encore à Vyritsa sur la tombe du grand Starets, prient, pleurent, se repentent, y discutent comme avec un vivant, et reçoive une aide bienfaisante. Une chapelle a été érigée et consacrée sur la tombe de du Starets. Un interminable flot de gens vient à la chapelle, et à eux s’ouvre la grâce de ce lieu saint de la Terre Russe.
Comme le Père Seraphim l’avait prédit lui-même, arriva le moment de se poser la question de sa glorification par l’Église. La décision de la glorification du Père Seraphim parmi le chœur des saints fut prise par le Synode jubilaire de l’Église orthodoxe Russe, qui se tint du 13 au 16 août 2000 dans la cathédrale du Christ-Sauveur. En plus de Saint Seraphim de Vyritsa, fut également glorifié le chœur des néomartyrs et confesseurs russes, qui pendant les années de persécution par les mécréants, offrirent leur vie pour la foi en Christ.
Bien que Moine du Grand Schème Seraphim ait été glorifié dans le chœur des saints moines, tous ceux qui sont familiers avec sa vie comprennent que le podvig du Starets fut celui de confesseur et il peut donc à juste titre être commémoré dans le chœur des néomartyrs et confesseurs russes.

La tombe dans la chapelle

L’acte de la glorification des néomartyrs et confesseurs russes du XXe siècle, connus par leurs noms ou dont les noms sont jusqu’à présent inconnus au monde mais connus de Dieu, est devenu un jalon de notre histoire spirituelle. Car l’Église Orthodoxe Russe, qui a brillé sur son chemin millénaire à travers le chœur de ses saints hiérarques et saints moines, et ascètes qui ont glorifié le Seigneur par la prière, le jeûne, les veilles, la pureté et l’abstinence, est devenue, à la fin du deuxième millénaire de l’histoire de la chrétienté, l’Église des confesseurs et des martyrs pour la foi dans le Christ. Toute la vie spirituelle de la Russie du XIXe siècle a été illuminée par la prière ardente et les podvigs de Saint Seraphim de Sarov. Au tournant du vingtième siècle de l’histoire de la chrétienté, l’Église russe a glorifié un nouveau Seraphim, grand thaumaturge et intercesseur de notre Terre de Russie. (A suivre)

Traduit du russe

Sources 1  2

Saint Seraphim de Vyritsa : «Lis la prière de départ» (8)

Le texte ci-dessous est la suite de la traduction ( proposée en plusieurs parties) d’un résumé détaillé de la vie de Saint Seraphim de Vyritsa écrite par Alexandre Archakovitch Trofimov à partir de son livre qui compte 240 pages. L’original russe du résumé traduit ici, agrémenté de nombreuses photographies, a été publié en six parties sur le site de l’auteur, le 14 mars 2014.

Cellule de Saint Seraphim de Vyritsa

On se souvient du cas suivant. Un jour, des voleurs sont entrés dans la maison où vivait Batiouchka. Ils ont cassé la fenêtre de la cuisine, mais ils ne parvinrent pas à pénétrer dans la cellule du Starets, ni encore à trouver l’entrée de la cellule de Matouchka Seraphima. N’arrivant à rien, ils repartirent.
Beaucoup de ceux qui vinrent auprès du Starets se souviennent que près de la maison où il vivait, on sentait un parfum extraordinaire, l’air était spécial, et tout les gens qui venaient chez Batiouchka ressentaient la grâce qui remplissait l’espace-même qui entourait la maison. Arriva l’année 1949. Le Starets tomba gravement malade. Ses enfants spirituels priaient pour sa guérisons, disant que ce serait très dur d’être séparé de Batiouchka. Mais le Père Seraphim répondait :
Parce que vous imaginez peut-être que le Seigneur n’entend pas? Il suffirait que je tende juste la main vers Lui et Il me guérirait immédiatement. Mais ce n’est pas cela que je veux ; que Ta volonté, Père, soit faite, et non la mienne, maintenant et dans les siècles. Que n’importe quelle maladie me visite, que Ta volonté soit faite!
Le Starets s’affaiblit notablement; il ne pouvait plus se lever du lit, mais il exigeait que l’on continue à laisser tous les gens venir à lui. Ceux qui entouraient Batiouchka et prenaient soin de lui le plaignaient et ne laissaient plus entrer les pèlerins. Mais en esprit, il savait qui venait le voir et pourquoi il venait. Il faisait revenir ceux qu’on n’avait pas laissés entrer. Parfois on allait les rechercher jusque sur le quai de la gare; le Starets l’avait exigé!
Peu de temps avant sa mort, il arriva au Père Seraphim de dormir, sans se réveiller pendant douze jours consécutifs. Le médecin venait le voir chaque jour et surveillait le travail du cœur. Le pouls était à peine audible. Quand le Père se réveilla, il a dit, s’adressant Matouchka Seraphima:
– J’ai visité de nombreux pays. Je n’ai pas trouvé mieux que mon pays et je n’ai pas vu mieux que notre foi. Dis à tout le monde que personne ne renie l’Orthodoxie.
Avant sa mort, la Très Sainte Mère de Dieu apparut Elle-même au Père Seraphim. C’était la nuit. Le Starets savait Qui allait lui rendre visite et dit aux femmes qui s’occupaient de lui:
– Allumez toutes les lampes.
La Mère de Dieu apparut au Starets près du bouleau sous la fenêtre de sa cellule. Le Père Seraphim dit que ce bouleau ne devait en aucun cas être coupé.
Deux semaines avant sa mort, le Starets annonça au Père Alexis Kibardine que la Très Sainte Mère de Dieu lui avait ordonné de lui donner les Saints Dons chaque jours. Le Père Alexis raconta: «Chaque nuit, j’ai donné la Sainte Communion au Starets, suite à ses paroles. Et voilà qu’un jour, j’ai dormi sans entendre la sonnerie du réveil. Je me suis éveillé à quatre heures du matin (habituellement je lui donnais la Communion vers deux heures), j’enfilai l’ornement muni de la poche pour le transport des Saints Dons et je courus littéralement chez le Starets. Quand je pénétrai dans la maison, puis dans la cellule, le Starets était allongé, exceptionnellement rayonnant. J’ai demandé pardon d’avoir trop dormi, ce à quoi le Père Seraphim a répondu:
Batiouchka, ne te tourmente pas, les Anges sont venus me donner la Communion.
Observant son visage, je réalisai qu’il en avait véritablement été ainsi».
Le Starets demanda au Père Alexis d’aller à Moscou et de dire au Patriarche Alexis Ier que le misérable Seraphim s’en irait au Seigneur dans deux semaines et demandait que des émissaires du Séminaire et de l’Académie de Théologie viennent prendre congé de lui. Le Starets transmit une grande métanie et demanda pour lui les saintes prières du Patriarche. Comme l’a raconté le Père Alexis Kibardine, quand il transmit à sa Sainteté les paroles du Starets et fit la grande métanie devant le Patriarche, sans rien répondre, celui-ci se tourna vers les icônes, fit trois grandes métanies en se signant chaque fois. Puis il se retourna, et des larmes coulaient sur son visage. Il dit avec douceur:
– Voilà quatre ans déjà que je suis Patriarche. Je le suis devenu par ses prières. Il me reste encore vingt-et-un ans à servir. C’est ce qu’a dit le Starets. Dites-lui que je demande ses saintes prières.
Le jour de son décès, Batiouchka dit :
– Aujourd’hui, je ne peux accueillir personne. Je vais prier.
Le soir, il appela ses proches dans sa cellule, les bénit les uns après les autres, avec l’icône de Saint Seraphim de Sarov. On alluma les lampes et tous s’agenouillèrent. On commença à lire les acathistes à la Très Sainte Mère de Dieu, à Saint Nicolas et à Saint Seraphim de Sarov. Après, on envoya chercher le recteur de l’église de Kazan, le Père Alexis Kibardine. Dans leurs souvenirs, les témoins de la scène se rappellent que le Père Alexis pleurait pendant la dernière confession du Starets. Après avoir reçu les Saints Dons, le Père Seraphim s’enquérait sans cesse de l’heure. Finalement, il bénit l’auxiliaire de cellule :
– Lis la prière du départ.

Photo : Pravoslavie.ru

Il demanda l’heure une dernière fois. Il était environ deux heures du matin.
– «Voilà, c’est fini».
Il se signa une dernière fois : «Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. Amen. Sauve, Seigneur, et aie pitié du monde entier». Et il plaça ses main sur sa poitrine.
Il décéda vers trois heures du matin le trois avril 1949 dans la maison de l’Avenue de Mai. Pendant la semaine qui suivit son décès l’air de Vyritsa était imprégné d’une sorte de parfum merveilleux. (A suivre)
Traduit du russe
Source

Saint Seraphim de Vyritsa : «Le Seigneur a entendu ta prière» (7)

Le texte ci-dessous est la suite de la traduction ( proposée en plusieurs parties) d’un résumé détaillé de la vie de Saint Seraphim de Vyritsa écrite par Alexandre Archakovitch Trofimov à partir de son livre qui compte 240 pages. L’original russe du résumé traduit ici, agrémenté de nombreuses photographies, a été publié en six parties sur le site de l’auteur, le 14 mars 2014.

…Un jeune homme se saoulait sans cesse, traînant tout le temps hors de la maison. Sa femme ne pouvait plus supporter une telle vie et elle fuit avec leur enfant. Un ami lui apprit qu’un vieux moine qui vivait à Vyritsa pouvait traiter les alcooliques, et le persuada d’y aller: peut-être le starets l’aiderait-il à guérir. Il refusa longtemps, mais finalement il céda à la persuasion. Ils achetèrent des billets de train et se rendirent à Leningrad. Quand ils arrivèrent à la gare de Vitebsk, l’ami de cet ivrogne alla à la caisse pour acheter les billets pour Vyritsa, mais alors qu’il faisait la file, son protégé fila aux toilettes et offrit ses vêtements à quelqu’un pour un quart de litre : il a donna sa chemise, ses sous-vêtements, et resta en chandail et en pantalon. Il but le quart immédiatement. Son ami le retrouva, mais ne put comprendre quand et où il avait eu le temps de boire. Ils prirent le train. Arrivés à la maison du Starets, ils avancèrent dans le porche d’entrée. A ce moment-là, Batiouchka expliquait la parabole de la brebis perdue et du berger qui va la chercher. L’ivrogne dit alors:
«Où m’as-tu amené? Ce ne sont pas des gens mais des sortes de moutons». Les ivrognes deviennent souvent effrontés, bavards, et l’ennemi leur donne la capacité de parler et de parler de manière sarcastique et moqueuse des choses saintes. Il s’appuya contre la porte: Lire la Suite

Saint Seraphim de Vyritsa : «Tout à côté d’elle» (6)

Le texte ci-dessous est la suite de la traduction ( proposée en plusieurs parties) d’un résumé détaillé de la vie de Saint Seraphim de Vyritsa écrite par Alexandre Archakovitch Trofimov à partir de son livre qui compte 240 pages. L’original russe du résumé traduit ici, agrémenté de nombreuses photographies, a été publié en six parties sur le site de l’auteur, le 14 mars 2014.

La guerre venait d’éclater, mais le Starets prévoyait déjà le retour d’une vie paisible et donnait des conseils, comment s’organiser, que faire après la guerre. Il évoquait les transformations dans la pays, la restauration des églises, des monastères, la renaissance de la Sainte Orthodoxie.

Matouchka Seraphima

En 1945 mourut la moniale du grand schème Seraphima, qui avait partagé avec lui toutes les peines et les joies de la vie à Vyritsa. Elle fut inhumée à côté de l’église de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan à Vyritsa. Batiouchka dit alors : «C‘est ici que je serai, tout à côté d’elle». A l’été de cette même année, le Père Alexis Kibardine fut nommé recteur de l’église de la Très Sainte Mère de Dieu de Vyritsa. La moniale Taïssia se souvient : «A partir de 1945, c’est le Père Alexis Kibardine qui célébra à l’église de Kazan. Il avait alors soixante-trois ans. Il était beau, majestueux, paisible. C’était un sage pasteur, un intercesseur, pareil aux saints. Quand le Père Seraphim commençait un podvig de jeûne, le Père Alexis allait souvent lui rendre visite à la maison et lui donner les Saints Dons». Lire la Suite

Le Métropolite Néophytos de Morfou : «Saint Spyridon, garde-moi!»

Le texte ci-dessous est la traduction de la première partie d’un texte original préparé par Madame Olga Orlova et publié le 29 juin 2021 sur le portail Pravoslavie.ru. Le Métropolite Néophytos (Massouras) de Morfou nous parle de l’offense, et partage sa propre expérience concrète du pardon, expliquant comment attirer l’aide et la grâce de Dieu afin d’avoir la force de pardonner aux ennemis et ce faisant, de remplir notre devoir de chrétien et d’avancer vers notre salut.

Un jour, je me suis retrouvé providentiellement chez le père Siméon dans la ville de Larnaca, à Chypre. Il était iconographe. Mais surtout, il était clairvoyant. Il voyait littéralement ‘à travers’ les gens. Mais nos caractères nous opposaient complètement. Et puis, j’étais encore jeune à l’époque… Et donc, je me souviens, Abba attendit patiemment sans me faire aucune remarque, et seulement après quatre ans, il me parla pour la première fois d’un de mes défauts. J’ai un caractère vif, en colérique. C’est clairement la raison pour laquelle Geronda ne se hâta pas de me faire des remarques… Lire la Suite

Saint Seraphim de Vyritsa : «Vous serez Patriarche» (5)

Le texte ci-dessous est la suite de la traduction ( proposée en plusieurs parties) d’un résumé détaillé de la vie de Saint Seraphim de Vyritsa écrite par Alexandre Archakovitch Trofimov à partir de son livre qui compte 240 pages. L’original russe du résumé traduit ici, agrémenté de nombreuses photographies, a été publié en six parties sur le site de l’auteur, le 14 mars 2014.

Les proches du Starets se souvinrent de ce podvig : «En 1941, Grand-Père avançait dans sa 76e année. Alors, il était très affaibli par la maladie, et il pouvait à peine se déplacer sans qu’on l’aide. Dans le jardin derrière la maison, à une cinquantaine de mètres, un roc de granit émergeait de terre. Un petit pommier poussait juste devant. C’est sur cette pierre que le Père Seraphim élevait ses demandes vers le Seigneur. On le conduisait par la main jusqu’à ce lieu de prière, et parfois même, il fallait tout simplement l’y transporter. Une icône avait été attachée au pommier, et Grand-Père, ses genoux malades sur la pierre, tendait les mains vers le ciel… Qu’est-ce qu’il lui en coûta! Il souffrait de maladies chroniques des jambes, du cœur, des vaisseaux sanguins et des poumons. Manifestement, c’est le Seigneur Lui-même qui l’aidait, mais il était impossible de regarder ce tableau sans verser de larmes. Souvent, nous l’avons supplié d’abandonner ce podvig. Il pouvait en effet prier dans sa cellule. Mais en l’occurrence, il demeura impitoyable vis-à-vis de lui-même, et de nous. Le Père Seraphim priait tant qu’il en avait la force, parfois une heure, parfois deux, parfois des heures durant… Je me souviens que Grand-Père me disait : «Un seul intercesseur pour le pays peut sauver les villes et tout…».
La moniale Taïssia se souvient : «Avenue Pilnyi, Batiouchka priait sur une pierre, imitant Saint Seraphim de Sarov. Lorsque la parcelle fut morcelée, le Père Seraphim fit placer une autre pierre. Ces pierres existent encore aujourd’hui. A cette époque, le père Séraphin était tout diaphane. Il était alité et prenait si peu de nourriture qu’il ne lui restait que de la peau couleur cire et les os. Le Père Seraphim jeûnait très strictement: il mangeait un prosphore par jour et un peu de carottes râpées, et buvait de l’eau sainte. Sa santé était très précaire et il ne venait qu’occasionnellement à l’église de Kazan où il célébrait dans la chapelle de Saint Seraphim de Sarov».

Pierre de Saint Seraphim. Photo prise en 2018.

Les proches et les enfants spirituels du Starets, qui logèrent à Vyritsa se souviennent que Batiouchka priait toute la nuit. Pendant la journée ceux qui venaient auprès du Starets déposaient d’innombrables notes pour la santé de leurs proches et le repos des âmes de leurs défunts. La nuit, Batiouchka lisait obligatoirement ces notes, et le lendemain, elles étaient apportées à l’église de l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan à Vyritsa. Il y faisait emmener une grande partie des cadeaux et de l’argent que les visiteurs apportaient.
Une fille spirituelle de Batiouchka décida d’aller lui demander sa bénédiction pour déménager et quitter Vyritsa; son mari insistait. Quand elle dit qu’elle allait demander à Batiouchka, le mari s’indigna:
– Encore! Mais tu vas le voir sans cesse!
Mais elle alla auprès du Starets, et celui-ci lui dit:
– Laisse-le partir, mais toi, reste.
Peu de temps après le départ du mari, la guerre éclata et l’homme disparut.
Pendant la guerre, avant l’évacuation, une femme accompagnée de sa fille vinrent demander à Batiouchka sa bénédiction avant leur départ. Le Starets les retint, cajolant la fillette, les faisant rester là pendant qu’il priait longuement. Ensuite il leur dit :
– Vous êtes sauvées.
Et il les bénit pour qu’elle partent. Le train qu’elle empruntèrent avait eu du retard et avait été retenu avant d’entrer en gare. A ce moment, les Allemands avaient pilonné la gare et le convoi dans lequel elles auraient dû se trouver brûla, alors que le train retardé ne subit aucun dommage.
…Au tout début de l’occupation une femme accourut en larmes auprès du Père Seraphim:
– Batiouchka, les Allemands sont venus dans notre maison, ils nous ont dit de partir!
– Soyez tranquille, on restera ensemble, on n’ira nulle part.
Après un certain temps, les Allemands revinrent, menaçants. Les propriétaires commencèrent à rassembler leurs affaires. Mais le Starets répéta :
– Restez.
Les Allemands ne revinrent plus jamais dans cette maison.
…Pendant l’occupation, une habitante de Vyritsa fut enceinte et décida d’avorter. Elle dissimula sa situation à son mari et attendit un moment propice pour mettre en œuvre son intention. Un jour, elle passa voir Batiouchka Seraphim, qui lui dit:
– Tu sais ce qui se passe maintenant? Certaines mères, imitant la cruauté d’Hérode, deviennent les meurtrières de leurs propres bébés innocents!
La femme comprit que le Starets savait tout, et avec des larmes de remords, elle s’agenouilla devant lui. Quand l’enfant naquit, c’était une petite fille, le Père Seraphim lui choisit son nom et désigna les parrain et marraine.
…En 1944, les Allemands envoyèrent en Allemagne les habitants de Vyritsa capables de travailler. Le Père Seraphim prédit à une famille qui partait que tous ses membres reviendraient dans leur patrie et vivraient dans une grande ville. Il en fut ainsi. Malgré le fait que la famille se retrouva dans un camp de concentration, le Seigneur la préserva. À leur retour de captivité, ils réussirent à s’installer à Leningrad.
… On a conservé l’histoire d’une femme qui vivait à Vyritsa pendant la guerre et allait chez le Père Seraphim presque tous les jours. Pendant les bombardements, c’était très effrayant, c’est pourquoi sa mère et elle avaient peur de passer la nuit dans leur maison et se réfugiaient souvent dans la maison du Starets. Là, elles se sentaient parfaitement à l’aise bien qu’il n’y ait ni cave ni abri contre les bombes.
… Pendant la guerre, une femme arriva en larmes chez le Père Seraphim; elle venait d’apprendre que son fils avait disparu, et ne savait comment prier pour lui, pour sa santé ou le repos de son âme. Le Starets lui dit:
– Va immédiatement à Novorossiysk, sinon tu seras en retard.
La femme partit immédiatement de chez le Starets, et elle arriva à temps pour enterrer son fils. C’était un marin militaire. Son navire avait coulé et tout l’équipage était mort. Le fils de cette femme avait été ramené par la mer sur le rivage. Le jour où elle arriva, le marin n’avait pas été identifié et il allait être enterré dans une fosse commune; aucun document n’ayant été trouvé sur lui. La mère reçut le réconfort d’accompagner son enfant dans la toute dernière partie de son chemin. Il est bien sûr important pour une mère de savoir où se trouve la tombe de son fils!
Alors qu’il était encore confesseur de la Laure Saint Alexandre Nevski, le Père Seraphim avait prédit à l’archevêque Alexis (Simanski) de Khoutyne qu’il deviendrait patriarche. En 1944, lorsque le blocus fut levé, Mgr Alexis, alors Métropolite de Leningrad, rendit visite au Starets à Vyritsa. Ce jour, le Père Seraphim, s’adressant à ses proches, avait dit:
– Aujourd’hui, le métropolite vient nous voir.
Entendant ces mots, Matouchka Seraphima sourit en elle-même, décidant que ce n’était pas possible. Un témoin se souvient: Quelqu’un frappa à la porte. Les hypodiacres du Métropolite Alexis de Leningrad sont entrés, disant que Mgr Alexis venait rendre visite au Starets. A leur suite, le Métropolite Alexis entra dans la cellule de Batiouchka et s’agenouilla devant le Starets couché sur son lit. Batiouchka avança les mains, demandant la bénédiction. Vladika bénit, après quoi le Père embrassa la main du hiérarque. Alors Vladika, restant à genoux, embrassa lui-même la main du Starets.
Le Père Seraphim demanda au Métropolite de se relever, en disant que c’était lui qui devait s’agenouiller devant le Patriarche de Moscou:
– Vous serez Patriarche de Moscou pendant vingt-cinq ans, tout comme votre Saint patron céleste.
Vladika commença à expliquer que cela n’était guère possible, à en juger par l’état actuel des choses. Le Starets dit alors:
– Staline enverra un appel et vous serez élu Patriarche.
Et tout se passa comme Batiouchka l’avait prédit. Toute sa vie, le Patriarche honora la mémoire du Saint Starets avec une vénération particulière. (A suivre)
Traduit du russe
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