Le texte ci-dessous est la traduction de la première partie d’un texte original préparé par Madame Olga Orlova et publié le 29 juin 2021 sur le portail Pravoslavie.ru. Le Métropolite Néophytos (Massouras) de Morfou nous parle de l’offense, et partage sa propre expérience concrète du pardon, expliquant comment attirer l’aide et la grâce de Dieu afin d’avoir la force de pardonner aux ennemis et ce faisant, de remplir notre devoir de chrétien et d’avancer vers notre salut.

Un jour, je me suis retrouvé providentiellement chez le père Siméon dans la ville de Larnaca, à Chypre. Il était iconographe. Mais surtout, il était clairvoyant. Il voyait littéralement ‘à travers’ les gens. Mais nos caractères nous opposaient complètement. Et puis, j’étais encore jeune à l’époque… Et donc, je me souviens, Abba attendit patiemment sans me faire aucune remarque, et seulement après quatre ans, il me parla pour la première fois d’un de mes défauts. J’ai un caractère vif, en colérique. C’est clairement la raison pour laquelle Geronda ne se hâta pas de me faire des remarques…Mais un jour, il m’a parlé un peu plus sévèrement que d’habitude. Je ne me suis pas emporté, mais je me sentis offensé. Et pendant quatre jours, je ne parlai plus du tout avec mon père spirituel. Et vous savez pourquoi j’ai recommencé à lui parler? Parce que le quatrième jour, satan m’a rendu visite. La grâce m’avait quitté, et je me suis retrouvé dans les griffes d’un démon. J’eus la chair de poule et me sentis complètement impuissant, non seulement spirituellement mais aussi physiquement. Ce jour-là, nous célébrions la mémoire de Saint Spyridon, l’Archevêque de Chypre. «Saint Spyridon, garde-moi comme tu as gardé tes brebis», ai-je supplié. Il était berger et j’avais décidé de faire preuve d’humilité comme un mouton. Ce fut une décision très importante pour toute ma vie. Les saints nous aident, mais nos assistants les plus proches à l’image d’eux sont des confesseurs.
J’ai ressenti: l’humilité, surtout devant mon aîné, est le début de la repentance. L’obéissance au vieillard et l’humilité devant lui protègent contre Satan. Le cœur est libéré des désirs, l’esprit – des pensées, et puis vous réalisez soudainement que vous aimez voir vos défauts! Il n’y a pas d’avantages et de bons traits en soi à remarquer, que vous avez peut-être, à savoir la passion! Même alors, ton instinct de chasseur se réveille. Les saints nous aident, mais nos aides les plus proches et qui sont à leur image, ce sont nos pères spirituels. J’ai ressenti que l’humilité, surtout devant mon notre père spirituel, c’est le début du repentir. L’obéissance au geronda et l’humilité devant lui protègent contre satan. Le cœur est libéré des désirs, l’esprit, des pensées, et puis vous réalisez soudain que vous aimez voir vos défauts! Il n’y a pas d’avantages à prendre conscience de nos éventuels bons traits de caractère, mais il y en a à découvrir nos passions! Même alors, notre instinct de chasseur se réveille.
Et vous savez quoi? Ce que nous voyons en nous diminue en nous! Si nous voyons quelque chose de bon en nous-mêmes, alors, pour ne pas devenir orgueilleux, nous nous dépouillons de nos qualités positives. Est-ce nécessaire?! C’est là que commence la tentation. Malgré la prière du Seigneur «…et ne nous laisse pas succomber à la tentation, mais délivre-nous du malin», c’est nous–mêmes qui entassons les adversités, nous invitons les tangalaches dans notre vie, comme les appelait Saint Païssios l’Athonite. Oui, dans la catégorie des Pères de l’Église classique, Saint Isaac le Syrien a dit: «le moine qui se vante se remet entre les mains du diable». Si nous nous glorifions, alors qu’est-ce que nous nous préparons pour nous-mêmes? Nous nous exposons à la honte. Un homme qui sait va-t-il se torturer comme ça? Par conséquent, il est très important de se repentir, de dévoiler nos péchés à notre confesseur et de nous humilier ainsi. Et pour commencer, il faut apprendre à voir en nous tous ces défauts, ces difformités, ces blessures de l’âme. Parfois, ils sont si malodorants que nous devrons courir immédiatement chez le médecin à l’épitrachilion, afin qu’il nous guérisse, nous donne une sorte d’épitimie, pareille à la cautérisation à l’iode.
Nous ne connaîtrons le vrai repentir que si nous commençons notre chemin par une humble obéissance à notre geronda. C’est ainsi que, par la clé de l’obéissance, la porte du repentir s’ouvrira. Alors nous atteignons déjà une telle profondeur que nous pouvons recevoir des cadeaux du Seigneur. Et ça, c’est le plus intéressant.
Il se fait que je connaissais également Geronda Sophrony (Sakharov), l’émigré russe, fondateur du Monastère Saint-Jean-Baptiste dans l’Essex, en Angleterre, qui fut disciple et compagnon d’ascèse de Saint Silouane l’Athonite. Il m’a conseillé de garder à l’esprit le nom de celui qui m’avait offensé ou envers qui j’éprouvais généralement des sentiments négatifs: inimitié, aversion, envie, colère, et de prier pour lui avec les mots suivants: «Christ, je Te le demande: pardonne untel, pardonne-moi aussi. Christ, je Te le demande: éclaire untel, éclaire moi aussi. Christ, Je te le demande: aie pitié d’untel, aie pitié de moi aussi…». Nous devons donc associer dans la prière le Nom du Christ à celui de nos agresseurs. Parce que le Seigneur est l’Amour. Et tout ce qui entre en contact avec le nom du Christ est purifié de tout, y compris de nos propres passions de la condamnation, de la calomnie, de la méchanceté des distorsions introduites, et ensuite sanctifié dans notre cœur et notre conscience, de sorte que nous pouvons acquérir en pratique le don de l’amour pour les ennemis (Mat.5;44). Sinon, nous ne sommes pas des disciples du Christ, pas des chrétiens.
Mais nous, nous sommes des disciples de quelqu’un d’autre… des apprentis et du corrupteur. De plus, si, en priant ainsi, je remarque que le sentiment négatif ne disparaît pas, alors ma prière n’a pas été entendue! Alors j’écris les noms de ceux avec qui j’ai des problèmes, et je donne à d’autres ces noms avec le mien, à mon confesseur, à mon père spirituel en qui j’ai confiance, pour qu’ils prient. Et j’attends: que va-t-il se passer ensuite?..
Je pense que cette réconciliation en Christ avec ceux que nous avons tendance à considérer comme nos ennemis est l’œuvre la plus importante qu’un chrétien doit accomplir en son cœur. Sinon, quels chrétiens sommes-nous, et comment pouvons-nous parler d’amour si nous n’avons même pas appris à pardonner? Toutefois! Il ne faut pas non plus s’illusionner. De nous-mêmes nous ne pouvons pardonner à personne. Nous ne pouvons pas nous forcer à leur pardonner simplement parce que «c’est nécessaire». Par conséquent, il faut, au-delà du «ne veux pas», commencer à prier régulièrement pour ces gens. Le nom du Christ a une énergie colossale, il sanctifie tout et tous ceux que nous associons à Lui, il éclaire et purifie notre espace mental, et notre âme s’illumine, et les gens nous voient déjà beaucoup plus beaux et plus intelligents, et même, nous nous intéressons au moins mentalement déjà à communiquer avec eux, de sorte que nous nous réconcilions, et cette réconciliation – qui, d’ailleurs, est nécessaire avant chaque Communion, sans laquelle on ne peut communier, est une bénédiction pour la paix de notre cœur. C’est cela l’esprit de paix par lequel le Seigneur sauve autour de nous par milliers ceux que nous sommes prêts à condamner «car il n’y a pas sous le ciel un autre nom qui ait été donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés»(Actes4;12). Ainsi donc, faisons notre salut! Et ne communions pas si nous sommes dans le jugement. C’est à cause de cela qu’il y a tant de morts. Je vous assure que si vous priez comme me l’enseigna Geronda Sophrony (Sakharov), alors si vous avez eu des problèmes, disons par exemple avec une certain Grégoire, par la prière pour lui, dans la conjonction de vos noms avec celui du Christ, plus rapidement que vous pourriez l’imaginer, l’agresseur qui était pour vous un problème majeur qui vous empêchait de vivre, se transformera en une la bénédiction de Dieu. Vous remercierez Dieu vous-même ensuite: j’ai reçu beaucoup à travers cet homme! C’est tellement bien ce qu’il a apporté dans ma vie! Je n’avais rien compris et n’arrivais à rien de bon; il n’était pas, comme je le pensais au début, un imbécile!
Je connais personnellement des gens qui évolué spirituellement de façon importante, après avoir commencé par regarder dans leur propre cœur, et cherché en lui ceux avec qui ils avaient des frictions dans leurs relations. Et ils ont prié pour tous ces gens! Et au fil du temps, ils se sont replongés de plus en plus dans leur vie, ont revu leur passé, se sont souvenus de ceux avec qui ils n’avaient jamais eu de conflits sérieux, mais juste certains malentendus, certaines incompréhensions, et ils ont prié aussi pour eux, mentionnant leurs noms comme je vous l’ai dit, et surtout, reliant ces noms reliant au nom du Christ. Cette Pâque retentissante les inspirait tellement qu’ils avaient encore soif de ces feux d’artifice, cherchant avec la plus grande minutie leur carburant: où, avec qui et quand s’étaient-ils encore querellés pendant leur vie?! Cela devenait même passionnant: brûler tout ce ballast. C’est incroyablement libérateur. En priant pour tous ceux que nous avons nous-mêmes contrariés ou qui nous ont un jour offensé, nous pouvons, entre autres choses, brider parfaitement notre esprit au moyen de l’humilité. Voilà l’équipement principal pour atteindre notre salut!
Traduit du russe
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