L’article ci-dessous est la suite de l’étude de l’histoire de la formation du Canon de l’écriture du Nouveau Testament entamée avec le texte (traduit ici en cinq parties) «Le Nouveau Testament aux temps apostoliques». Le Saint Hiéromartyr, alors Archimandrite Hilarion, y examine la place des livres et la constitution progressive du Nouveau Testament dans l’Église chrétienne dans la période historique qui suivit celle des Apôtres, le temps des apologistes et des auteurs de polémiques anti-gnostiques. Le texte original compte 99 notes de bas-de pages; toutes sont des références (Épiphane de Chypre, Saint Eusèbe, Saint Irénée, Tertullien, etc.). Pour la simplicité de la lecture, nous avons omis ces notes et renvoyons à l’original ceux qui souhaiteront les examiner.

Dans sa polémique persistante avec Marcion, Saint Irénée prouva l’appartenance du livre des Actes des Apôtres au Nouveau Testament. Luc ne fut pas seulement un compagnon, mais aussi un collaborateur des Apôtres, en particulier de Paul, comme le dit l’Apôtre Paul lui-même (2Tim.4, 10–11). Il décrivit dans son livre ce qu’il vit lui-même. Marcion accepta l’Évangile de Luc car il était le compagnon de Paul, mais il rejeta le livre des Actes. Irénée mit en évidence cette incohérence. Il est nécessaire d’accepter tout ce qui a été dit par Luc, ou de refuser son Évangile aussi. Si les disciples de Marcion rejettent les Actes, de même ils n’ont plus l’Évangile.Malheureusement, Saint Irénée ne mentionne pas le nombre des épîtres de l’Apôtre Paul, mais il reprit beaucoup de passages de quasiment toutes les épîtres de Paul: 78 de l’Épître aux Romains, 78 de la première Épître aux Corinthiens, 15 de la deuxième Épître aux Corinthiens, 28 de l’Épître aux Galates, 26 de l’épître aux Éphésiens, 10 de l’Épître aux Philippiens, 15 de l’Épître aux Colossiens, 2 de la première Épître aux Thessaloniciens, 9 de le deuxième Épître aux Thessaloniciens, 5 de la première à Timothée, 5 de la seconde et 3 de Tite.
Il convient de noter que Saint Irénée ne cite pas ces extraits sans référence mais en mentionnant chaque fois une épître précise de l’apôtre Paul. Voici certains exemples de ces références. «Paul a expliqué cela quand il écrivit aux Romains, scribens ad Romanos». «L’Apôtre montra cela très clairement dans l’Épître aux Corinthiens, in epistola quae est ad Corinthios». «Paul le dit ouvertement dans la Seconde aux Corinthiens, in secunda ad Corinthios». «Dans l’Épître aux Galates, quae est ad Galatas». «Le bienheureux Paul le dit dans l’Épître aux Éphésiens (ἐν τῇ πρὸς Ἐφεσίους ἐπιστολῇ)». «Paul dit aux Philippiens». «Dans son Épître adressée aux Colossiens, il dit…». «L’Apôtre l’expliqua <…> dans la première Épître aux Thessaloniciens, in prima epistola ad Thessalonicenses». «L’apôtre, dans l’Épître aux Thessaloniciens, dit…». À propos de Linus, que Paul mentionne dans les épîtres à Timothée, ἐν ταῖς πρὸς Τιμόθεον ἐπιστολαῖς». «Paul a dit: Pour celui qui fomente des divisions, après un premier et un second avertissement, éloigne-le de toi – Tite.3;10)».
On ne trouve pas chez Irénée mention de l’Épître à Philémon, mais c’est sans doute uniquement parce qu’il n’a pas eu l’occasion de citer un extrait de cette brève épître. Dans son contenu, l’Épître à Philémon ne présente rien qui aurait été utile en termes de preuve dans la lutte contre les hérétiques du IIe siècle. Dans les autres Églises d’Occident, à l’époque de Saint Irénée, l’Épître à Philémon figurait sans aucun doute parmi les livres du Nouveau Testament. La question de l’attitude de Saint Irénée à l’égard de l’Épître aux Hébreux justifie un examen particulier. Saint Irénée ne mentionne pas cette épître de la même manière que les autres épîtres de l’apôtre Paul. Il n’en retient aucun passage dans ses dénonciations des hérétiques. Le seul extrait (13;15) de l’Épître aux Hébreux se trouve dans l’un de ce qu’on nomme les extraits pfaffiens, mais ces extraits (au nombre de trois) sont sans aucun doute faux. Les passages de l’Épître aux Hébreux par Saint Irénée ne pouvaient pas être absents par hasard ou par un concours de circonstances(comme il est permis de le penser en ce qui concerne l’Épître à Philémon), car dans la lutte contre les hérétiques, il y avait beaucoup de raisons de citer des paroles de l’Apôtre Paul appartenant à cette épître. Par conséquent, pour Saint Irénée, l’Épître aux Hébreux n’appartient pas au Nouveau Testament, elle n’était pas un livre saint du Nouveau Testament qui pouvait être invoqué comme une autorité sacrée incontestable. Cependant, dans les écrits de ce saint père, on peut trouver des traces de sa connaissance de l’Épître aux Hébreux. On trouve jusqu’à dix passages qui rappellent les paroles de l’Épître aux Hébreux. Nous citerons ceux où la correspondance est la plus visible.
Héb.1;3 : «…qui soutient toutes choses par Sa puissante parole…»
Saint Irénée : Dieu, par Sa puissante parole créa et fit toutes les choses visibles et invisibles.
Héb.1;13 : «Et auquel des anges a-t-il jamais dit : Assieds-toi à ma droite…»
Saint Irénée : La parole qu’Il dit à l’un : Assieds-toi à ma droite.
Héb.3;5 : «Moïse a été fidèle dans toute la maison de Dieu…, en qualité de serviteur..
Saint Irénée : Le fidèle serviteur de Dieu et prophète Moïse.
Héb.10;1 : «La Loi, en effet, n’ayant qu’une ombre des biens à venir, et non l’image même des choses,..
Saint Irénée : Les purifications extérieures furent données à l’image de l’avenir, car la loi traçait comme une ombre et représentait l’Éternel dans le temps.
Ainsi, Saint Irénée connaissait l’Épître aux Hébreux, mais ne s’y référait pas comme un livre du Nouveau Testament. Cette même disposition est confirmée par certains témoignages tardifs. Eusèbe de Césarée a lu les écrits de Saint Irénée qui n’ont pas survécu jusqu’à notre époque et rapporte: «Il y a chez Saint Irénée un livre contenant différents raisonnements (διαλέξεων ; prêches?) et dans lequel il mentionne l’Épître aux Hébreux et ce qu’on nomme la Sagesse de Salomon, en citant quelques passages». Comment Saint Irénée considère-t-il l’Épître aux Hébreux, Eusèbe ne le dit pas, mais le Patriarche Photius dans sa célèbre «Bibliothèque» décrit l’œuvre de Stephanus Gobarus, où il est, entre autres, question d’Irénée et du fait que celui-ci ne considérait pas l’Épître aux Hébreux comme une épître de Paul (οὐκ ἐκείνου είναι). Stéphanus Gobarus affirme, par conséquent qu’Irénée connaissait l’Épître aux Hébreux. Ainsi, dans le Nouveau Testament de l’Église de Lyon, sous Saint Irénée, il y avait treize épîtres de l’Apôtre Paul. L’Épitre aux Hébreux était connue, mais elle n’était pas considérée comme appartenant au nombre des livres du Nouveau Testament. (A suivre)
Traduit du russe
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