Le texte ci-dessous est la suite de la traduction en français de la version russe du livre «Geronda Arsenios, le Spiléote, compagnon des exploits ascétiques de Geronda Joseph l’Hésychaste».
La version russe utilisée est «Старец Арсений Пещерник, сподвижник старца Иосифа Исихаста / Монах Иосиф Дионисиатис», éditée en 2002 à Moscou par le Podvorié de la Trinité-Saint Serge. L’original grec (Ο Γέρων Αρσένιος ο Σπηλαιώτης (1886-1983)) ne semble plus édité depuis 2008. Il en existe une version anglaise datée de 2005, sans mention de la maison d’édition. Une traduction officielle en français de ce remarquable petit livre n’existe pas à notre connaissance. Le texte relatif à la vie du saint Geronda Arsenios est suivi de celui de quelques lettres qu’il écrivit vers la fin de sa vie à des enfants spirituels. Nous continuons donc ici notre traduction avec la suite des lettres de Geronda Arsenios.

Lettre B
Mon cher P.P., mon enfant. J’espère que vous allez bien, par la grâce de Dieu. Nous sommes en bonne santé de l’âme et du corps. Que votre santé soit bonne.
Je suis orphelin de mon Geronda. Je te dirai qu’en réalité il était comme une moitié de moi (dans mon combat spirituel). Je remercie Dieu et notre Mère Toute Sainte. Le quinze août, son âme fut arrachée de mon étreinte. Il m’a dit : «Père Arsenios, enlève mes chaussettes pour soulager un peu mes jambes en les massant». Dès que je les eu enlevées, il me dit : «Je m’en vais. Bénis!». Immédiatement, je l’étreignit. Il s’éleva de mon étreinte, comme un oiseau.
Le jour de notre Toute Sainte, il a dit : mes enfants, priez pour que ma Mère me prenne car je ne suis pas bien, je souffre beaucoup.
Je remercie Dieu et notre Toute Sainte. Gloire à toi, O Dieu, Gloire à toi, O Dieu, Gloire à toi, O Dieu. Il a été sauvé de l’exil d’Adam. Mais moi, je ne suis pas encore parti. Demeurer seul ainsi, c’est insupportable.
… J’ai pris un panier de pain sec et je suis descendu vers la mer, près de la kaliva du Père Ephrem. Le prêtre est monté auprès de la Toute Sainte et maintenant, j’attends que la sirène du bateau siffle pour que je puisse quitter l’exil d’Adam. Mon monde est devenu sombre. C’est vraiment comme ça pour les Moines, mais c’est doublement comme ça pour moi. Que puis-je faire? Gloire à toi, O Dieu. Comme une colombe, j’ai perdu la moitié de moi-même. Je ne peux plus trouver le repos. Si je pouvais vivre sans pain, je me cacherais au fond d’une grotte et je ne verrais plus personne. Gloire à toi, O Dieu, les enfants ne me laissent pas avoir faim. Ils m’apportent de la nourriture chaque jour.
Merci de m’avoir envoyé dix dollars. Que la Toute Sainte t’accorde une récompense, et le Saint Précurseur aussi, et reçois ma bénédiction. Et je vais aussi te dire ceci : tous ceux qui savent ce que signifie «amour», savent quel combat je mène. Pendant quarante ans, nous avons vécu avec tant d’amour. Et en un instant il est parti, juste devant moi. Si je restait une heure au jardin, il me disait : «Père Arsenios, tu es en retard. Je ne suis heureux que lorsque tu es près de moi». Je restais à ses côtés nuit et jour.
J’espère que tu vas bien. Puisses-tu recevoir la bénédiction de notre Mère , la Toute Sainte.
Je prie aussi pour toi.
Le moindre Moine Arsenios
Et je prie pour Madeleine.

Lettre C

Sainte Montagne

Mon cher enfant P., j’espère que tu vas bien. J’ai reçu ta lettre et je suis content que tu sois en bonne santé.
Je te remercie beaucoup pour l’argent que tu as envoyé car tu m’as fait ainsi grand bien. Comme je travaille au jardin, je devais amener de l’eau et je m’échinais avec une grande boîte de conserve parce que nous n’avons pas d’argent pour acheter des tuyaux et maintenant j’ai envoyé ce que tu m’as donné pour qu’on m’apporte des tuyaux et cela me rendra le travail beaucoup plus facile. Puisses-tu en être récompensé, j’espère que notre Christ t’accordera des bénédictions éternelles et que nous serons ensemble au Ciel. Amen, Amen, Amen.
Maintenant, je vais te raconter une histoire des saints pères.
Quelqu’un avait trois amis. Avec le premier, il s’entendait très bien, chaque jour.
Avec le second ami, il s’entendait bien aussi. Mais pas comme avec le premier. Un petit peu moins bien.
Le troisième ami, il le voyait de temps à autre, mais malheureusement sans aucune chaleur dans son cœur.
Un jour, on proclama la décision du roi de juger quelqu’un qui avait commis un délit.
L’homme courut auprès de son premier ami et dit : «Mon ami, le roi me fait comparaître pour me juger car j’ai commis un délit».
Le premier ami répondit : je ne sors pas de chez moi.
Désespéré, l’homme s’en alla voir son deuxième ami. Et celui-ci lui répondit : «J’irai à la cour du roi, mais je resterai à l’extérieur».
Il se hâta, mais honteux, de retrouver son troisième ami. Comment vais-je lui expliquer ? Je ne l’ai jamais remercié… Mais il y alla, avec sa honte, et lui dit : mon ami, le roi me fait comparaître pour me juger. Peux-tu m’aider? Cet ami montra de l’empressement, se rendit lui-même auprès du roi et apporta son aide.
C’est une parabole. Qui sont les trois amis? Le premier ami, c’est l’argent, le mobilier,… ça ne sort pas de la maison. Le deuxième ami, ce sont les parents ; ils sortent, mais seulement jusque la tombe. Le troisième, c’est l’amour, il va jusqu’au Christ, et l’aide vient.
Moine Arsenios. Amen. (A suivre)
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