Le texte ci-dessous est la suite de la traduction en français de la version russe du livre «Geronda Arsenios, le Spiléote, compagnon des exploits ascétiques de Geronda Joseph l’Hésychaste».
La version russe utilisée est «Старец Арсений Пещерник, сподвижник старца Иосифа Исихаста / Монах Иосиф Дионисиатис», éditée en 2002 à Moscou par le Podvorié de la Trinité-Saint Serge. L’original grec (Ο Γέρων Αρσένιος ο Σπηλαιώτης (1886-1983)) ne semble plus édité depuis 2008. Il en existe une version anglaise datée de 2005, sans mention de la maison d’édition. Une traduction officielle en français de ce remarquable petit livre n’existe pas à notre connaissance. Le texte relatif à la vie du saint Geronda Arsenios est suivi de celui de quelques lettres qu’il écrivit vers la fin de sa vie à des enfants spirituels. Viennent ensuite l’épilogue et un court chapitre consacré au saint Geronda Charalampos, père spirituel de l’auteur du livre. Nous continuons ici notre traduction, avec les lettres de Geronda Arsenios.

Lettre A. 1959

Mon cher enfant M.P., puisses-tu recevoir mes bénédictions. Je désire te voir, toi et ta sainte âme, en personne. Bénis. Christ est avec nous. Je prie pour Madeleine et Vassiliki. Je me réjouis de tes bonnes intentions. Et je prie encore pour que notre Doux Christ nous considère digne d’entrer dans la Jérusalem Céleste, près de notre Geronda. Encore et encore, je me réjouis de tes bonnes intentions, et tu me demandes ce que je veux. Que veut un Moine? Le Paradis ; s’envoler de l’exil d’Adam. Existe-t-il quelque chose de meilleur que l’amour? Je veux ton amour. Partout où est l’amour, là est le Christ.
Le Père Ephrem m’a dit que ta santé n’est pas bonne. Ceci est une lettre du Christ, pour nous éveiller, pour être violents avec nous-mêmes. Violence ; les violents ont pris le Royaume des Cieux (Mat.11;12). Je souhaite que notre Doux Christ t’accorde la santé de l’âme et du corps. Moi, j’attends; la sirène du bateau n’a pas encore fait retentir le signal du départ. Que puis-je faire? Patience. Celui qui patiente et endure jusqu’à la fin sera sauvé.
Je deviens comme un fol pour mon frère, je vais te parler de patristique. Les saints pères comparaient ce monde à un lac. Sur le lac, il y a un bateau rempli de gens. Dans ce bateau, il y a de tout, c’est-à-dire de l’or, des diamants et beaucoup d’autres choses. Chacun de ceux qui sont sur le bateau essaie d’amasser ce qu’il peut, et ils se battent pour voir qui va amasser le plus, alors que le bateau monte et descend sur les lames mouvantes. Le lac est secoué par une terrible tempête. Le bateau ne peut être sauvé. Il va couler, et tous ceux qui sont dedans vont se noyer. Malheureusement tous ces gens demeurent insensibles. Au lieu de prier, d’implorer Dieu de les sauver, ils se rassemblent et se battent, comme des fous, comme des ivrognes, pour tenter d’amasser le plus. Les Moines sont sur la terre ferme. Ils sont assis autour du lac et se disent l’un à l’autre : Regarde donc ces fous, quelle inconscience les habite. Le bateau menace de couler et ils passent leur temps à amasser. Ils ont tout ce dont ils ont besoin, mais ils continuent à se battre pour amasser plus, au lieu de prier et implorer Dieu afin qu’ils ne se noient pas. Amen.
Maintenant, je vais t’expliquer. Le lac, c’est le monde. Le bateau c’est la vie de l’ homme. Les remous sur le lac, ce sont les hauts et les bas dans ce monde. A l’intérieur du bateau, ce qu’amassent les passagers sont les vanités des vanités de ce monde, c’est-à-dire la richesse. Qui sera le plus riche, qui profitera le plus des biens de ce monde, qui sera le plus injuste envers son prochain? Les luttes sur le bateau, l’insensibilité, c’est le péché, les cinémas, la danse, les chants, toutes les satisfactions du bien-être du corps, etc.
Amen, Amen, Amen. Je crois que tu as compris.
Les Moines sont assis sur la terre ferme autour du lac. Parce que le Moine est dans le repentir, il a renoncé au monde, il cherche à être sauvé, il suit notre Doux Jésus car son salut est entre Ses mains. Il est comme l’homme expérimenté qui peut trouver la voie de son salut s’il le veut. Alors que les gens du monde dorment et sont dans l’ignorance, comme le Christ le dit à Ses disciples qui Lui demandaient pourquoi Il parlait en paraboles. Il leur dit qu’eux seuls devaient comprendre, et pas les gens du monde. Ceux-ci voient sans voir, ils écoutent mais n’entendent pas. Ils dorment.
Je pense que tu as compris, mais nous dirons encore ceci : ceux qui aspirent à être sauvés, qui ont la crainte de Dieu, ils se trouvent eux aussi sur la terre ferme. Abba Isaac dit que les passions sont « le monde ». Partout où il y a des passions, c’est le monde. Là où est la paix, c’est là qu’est notre Doux Christ.
Pardonne-moi ; tu dois être fatigué de me lire, et ton ange-Gardien aussi.
Je te remercie encore pur tes bonnes intentions. Tu me montres ainsi ton amour. Merci. Reçois ma bénédiction, de même que Madeleine et Vassiliki. Que Dieu nous juge digne de Son Royaume Céleste près de notre Geronda. Amen, Amen, Amen.
Moine Arsenios
Et je prie encore pour que Dieu éclaire ton frère Evstathios afin qu’il te suive et que vous deveniez une paire de notre Doux Jésus et de notre Mère la Toute Sainte.

La Moniale Eupraxie et Saint Joseph l’Hésychaste

Quand j’ai quitté ce monde, une de mes sœurs m’a suivi et elle est maintenant à Egine. Si tu y est allé, peut-être l’as-tu vue. Je l’ai faite moniale, Eupraxie, quand je suis sorti d’ici en 1929. C’est pourquoi je prie Dieu de l’éclairer (Note de l’éditeur : Evstathio signifie en grec «éclairer »), et vous formerez alors une paire comme Cosme et Damien.
On trouve ceci dans les récits des pères. Ils y avait des trois frères et les aînés dirent au plus jeune : voilà, frère, nous t’avons légué tous nos biens et nous partons pour devenir Moines. Le plus jeune répliqua immédiatement : vous n’avez pas fait les parts correctement. Vous prenez les Cieux et vous me laissez sur terre ! Et il parti avec ses frères aînés. Amen.
Je prie pour que Dieu prenne au Ciel votre grand-mère, habitée d’un grand repentir. Amen. Et je prie pour votre père Georges. J’ai appris qu’il était décédé, dans le repentir. Je rends grâce à Dieu qui n’a pas permis que votre père soit damné.
Donne mes meilleurs salutations à tous ceux qui prennent de mes nouvelles. J’ai reçu ton komboschini et je t’en remercie.
De nouveau je vous salue tous et prie pour vous tous. Pour tous ceux qui me le demandent. Amen.
Le moindre, l’inférieur Moine Arsenios
Je proviens de Sampsounta, des villages. Je suis du Pont. Je ne connais pas le village de ma grand-mère. De toutes façons, dès mon jeune âge, mes parents sont partis en Russie, dans le Caucase. C’est là que j’ai grandi.
(A suivre)
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