«... en 38 années de sacerdoce presbytéral et épiscopal, j'ai prononcé environ 1250 homélies, dont 750 furent mises par écrit et constituent douze épais volumes dactylographiés...»
(Le Saint Archevêque Confesseur et chirurgien Luc de Crimée)
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L’homélie ci-dessous, prononcée en 1958, est intégrée dans le recueil intitulé «Saint Luc de Crimée, Oeuvres Choisies» («Избранные творения» page 243. Éditeur :Sibirskaia Blagozvonnitsa; Moscou; 2010.

En ce dimanche, j’ai l’intention de vous rappeler certains récits de l’Évangile contenant des paroles très importantes de notre Seigneur Jésus Christ, et de les comparer entre eux.
Le premier récit est celui qui se déroule dans la maison de Simon le Pharisien, qui avait demandé à notre Seigneur Jésus Christ de venir chez lui. Quand Il s’allongea devant la table pour le repas, une pécheresse entra dans la pièce et tomba en tremblant à Ses pieds, les arrosant du ruissellement de ses larmes et les essuyant avec ses cheveux, elle baisait inlassablement Ses pieds et les arrosa aussi d’un parfum de prix contenu dans un flacon d’albâtre. Simon et les autres Pharisiens regardaient cette scène touchante, animés par un sentiment mauvais et par le jugement, pensant à part eux-mêmes : «Si cet homme était prophète, il saurait qui et de quelle espèce est la femme qui le touche, et que c’est une pécheresse» (Lc.7;39). Notre Seigneur Omniscient, Qui lisait dans le cœur de l’homme comme dans un livre ouvert, s’adressa à Simon et lui dit : «Simon, j’ai quelque chose à te dire.» « Maître, parlez!», dit-il. « Un créancier avait deux débiteurs; l’un devait cinq cents deniers et l’autre cinquante. Comme ils n’avaient pas de quoi payer leur dette, il en fit grâce à tous deux. Lequel donc l’aimera davantage?» Simon répondit : « Celui, je pense, auquel il a fait grâce de la plus forte somme.» Jésus lui dit : « Tu as bien jugé».
Et, se tournant vers la femme, il dit à Simon : «Vois-tu cette femme? Je suis entré dans ta maison, et tu n’as pas versé d’eau sur mes pieds ; mais elle, elle les a mouillés de ses larmes, et les a essuyés avec ses cheveux. Tu ne m’as point donné de baiser ; mais elle, depuis que je suis entré, elle n’a cessé de me baiser les pieds. Tu n’as pas oint ma tête d’huile, mais elle a oint mes pieds de parfum. C’est pourquoi, je te le déclare, ses nombreux péchés lui sont pardonnés, parce qu’elle a beaucoup aimé ; mais celui à qui l’on pardonne peu, aime peu.» Puis il dit à la femme : «Tes péchés te sont pardonnés.»
Nous nous trouvons devant deux cœurs: le cœur de la pécheresse, méprisé et vilipendé par tous, mais saturé d’aspiration envers la pureté et d’adoration devant la perfection et la sainteté les plus élevées, mais justifié par le Seigneur Jésus-Christ, et le cœur bien-pensant du Pharisien Simon, qui ne s’incline même pas devant le plus Grand Thaumaturge.
Détournons maintenant notre regard de ce pharisien endurci, dépourvu d’amour et d’humilité, et tournons nos cœurs et nos oreilles vers d’autres récits de l’Évangile, qui nous donnent également matière à approfondir notre compréhension de ce que notre foi en Dieu dépend de l’état de notre cœur.
«Or, un centurion avait un serviteur malade, qui allait mourir et il l’aimait beaucoup. Ayant entendu parler de Jésus, il lui députa quelques anciens d’entre les Juifs, pour le prier de venir guérir son serviteur. Ceux-ci étant arrivés vers Jésus, le prièrent avec grande instance, en disant : « Il mérite que vous fassiez cela pour lui ; car il aime notre nation, et il a même bâti notre synagogue.?» Jésus s’en alla donc avec eux. Il n’était plus loin de la maison, lorsque le centurion envoya quelques-uns de ses amis lui dire : « Seigneur, ne prenez pas tant de peine, car je ne suis pas digne que vous entriez sous mon toit ; aussi ne me suis-je pas même jugé digne de venir auprès de vous ; mais dites un mot, et mon serviteur sera guéri. Car moi, qui suis soumis à des supérieurs, j’ai des soldats sous mes ordres, et je dis à l’un : Va, et il va ; à un autre : Viens, et il vient ; et à mon serviteur : Fais cela, et il le fait.?» Ce qu’ayant entendu, Jésus admira cet homme, et, se tournant vers la foule qui le suivait, il dit : « Je vous le dis, en vérité, en Israël même je n’ai pas trouvé une si grande foi.?» A leur retour dans la maison du centurion, les envoyés trouvèrent guéri le serviteur qui était malade» (Lc.7;2-10).
Regardons avec grande attention le cœur de cet officier romain, commandant des centaines de soldats. C’était un païen qui ne savait rien de la vraie foi en un seul Dieu du peuple élu d’Israël, qui n’avait pas lu les livres sacrés des Juifs, ni aucune des prédictions prophétiques sur le Seigneur Jésus-Christ. Conformément aux obligations de son rang militaire, il faisait des sacrifices aux dieux païens. Mais pourquoi avait-t-il construit pour les Juifs une synagogue dans laquelle ils priaient le seul vrai Dieu? N’était-ce pas parce qu’il ressentait dans son cœur non éclairé la supériorité de la foi du peuple d’Israël et qu’il aspirait inconsciemment à connaître la vérité suprême et parfaite en la personne du Grand Thaumaturge, notre Seigneur Jésus-Christ? Et il voyait et ressentait dans le Seigneur Jésus l’incarnation de cette vérité et de cet amour suprêmes.
Souvenons-nous également l’histoire d’un autre centurion romain, Corneille, dont l’histoire de la conversion au Christ est décrite dans le chapitre 10 des Actes des Saints Apôtres. Écoutez son commencement: «Il y avait à Césarée un homme nommé Corneille, centurion dans la cohorte Italique, religieux et craignant Dieu, ainsi que toute sa maison, il faisait beaucoup d’aumônes au peuple et priait Dieu sans cesse. Dans une vision, vers la neuvième heure du jour, il vit clairement un ange de Dieu qui entra chez lui et lui dit : «Corneille!» Fixant les yeux sur l’ange et saisi d’effroi, il s’écria : «Qu’est-ce, Seigneur?» L’ange lui répondit : «Tes prières et tes aumônes sont montées devant Dieu et il s’en est souvenu. Et maintenant envoie des hommes à Joppé, et fais venir un certain Simon, surnommé Pierre; il est logé chez un corroyeur, appelé Simon, dont la maison est située auprès de la mer.» (Actes 10;1-6).
Lisant cela à propos de cet autre centurion romain, bien sûr également païen, nous nous étonnons de sa piété et de sa charité purement chrétienne, nous nous inclinons devant le fait que ses prières et ses aumônes ont été acceptées par Dieu comme témoignage de la grande pureté de son cœur. Et Dieu vit qu’il ne lui manquait que la connaissance du Sauveur du monde, le Fils de Dieu, Jésus-Christ, et du baptême par l’eau et l’Esprit. Et il commanda à l’Apôtre Pierre de venir à lui, de lui proclamer l’Évangile ainsi qu’à sa famille, et de les baptiser tous par l’eau et l’Esprit. Voilà la grandeur de l’omniscience de Dieu et de Sa vérité. Il vit que le cœur et les prières du centurion païen étaient purs et saints, mais les Pharisiens, qui priaient hypocritement à tous les carrefours, Il les appelait des hypocrites et des «aveugles guidant des aveugles» (Mat.15;14).
Souvenons-nous également d’un troisième centurion, encore un romain, Longin, qui fut chargé de diriger le terrible supplice de la Croix de notre Seigneur Jésus-Christ. Il suivit avec émotion et une profonde stupéfaction les paroles et tout le comportement du Crucifié. Quand ceux qui se considéraient comme des adorateurs du Vrai Dieu se moquaient du Crucifié et disaient: «Toi qui détruis le temple, et qui le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même ! Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix !… Il a sauvé les autres, et il ne peut se sauver lui-même! S’il est roi d’Israël, qu’il descende de la croix, et nous croirons en lui. Il s’est confié en Dieu ; que Dieu le délivre maintenant, s’il l’aime. Car il a dit : Je suis Fils de Dieu» (Mat.27;40,42-43). Alors que les Juifs se moquaient de façon aussi ignoble de leur Messie, le Centurion romain Longin, qui ne savait rien du vrai Dieu, crut en lui de tout son cœur et s’écria: «En Vérité, Cet Homme était le Fils de Dieu!» Cette foi naquit dans son cœur, car celui-ci était pur… Et le bienheureux Longin se mit à prêcher au sujet de Jésus Christ, ce qui lui valut la couronne des martyrs.
Dans mon propos d’aujourd’hui, je vous ai montré à vous, bons chrétiens, que la foi profonde en Jésus Christ a sa racine dans la pureté du cœur et est indissociablement liée à celle-ci. Que ceci soit l’une de vos prières constantes: «Crée en moi un cœur pur, ô Dieu, et renouvelle en ma poitrine un esprit droit» (Ps.50).
Et que le sixième béatitude brille devant vous, comme l’étoile du matin: «Bienheureux les cœurs purs car ils verront Dieu» (Mat.5;8).
Amen.
Traduit du russe

  1. Pp. 105 et 106 du livre « Святой Врач » (Le Saint Médecin) écrit par l'Archidiacre Vassili Marouchak. (Moscou, Danilovskii Blagovestnik, 2013)