Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.
(…)
Pour le moment, il est rare de pouvoir parler avec Batiouchka ; il est très fatigué. Peut-être que Dieu donnera, et qu’il sera possible de lui parler à nouveau. Gloire à Dieu pour tout!
Aujourd’hui, le Père Ioann (Ivan Vassilievitch) m’a offert un livre pour mon labeur lors du transfert de la bibliothèque: «La Voie Royale de la Croix du Seigneur» Il dit que ce livre est très important. Si Dieu le veut, Batiouchka bénira, et je le lirai. Je ne peux rien faire sans la bénédiction de Batiouchka.
2 juillet
Il a plu pendant tout le mois de juin, ou quasiment tout. Hier et aujourd’hui, nous avons eu un temps merveilleux. La chaleur de juillet. La fenaison a débuté. Aujourd’hui, je suis allé faner depuis trois heures jusque vers dix, onze heures. Par la grâce de Dieu, je ne ressens aucune fatigue particulière. La fenaison elle-même n’a produit aucune impression désagréable sur moi. Mais je n’ai pas aimé manger au réfectoire du monastère. Si Dieu le veut, je participerai encore à la fenaison, mais alors j’essaierai de venir manger au réfectoire de la Skite, notre Skite bien-aimée, dans la paix de l’âme qui se réjouit. Moi, le pécheur, j’aime la Skite. Ou du moins, il me semble que je l’aime.
5 juillet
Aujourd’hui, après la liturgie eut lieu la bénédiction de la bibliothèque, c’est-à-dire qu’il y eut un office avec la sanctification de l’eau. Je n’ai pas pu assister à cet office; je préparais un thé sucré commun pour la fraternité, organisé par le Père Ioann (Polevoï).
Et hier, le Père Antoine a déménagé de chez nous à la Skite, vers le monastère! Plus de 20 ans, il a vécu à la Skite, et maintenant il est transféré au monastère. Là, le Père Savva est décédé, l’ancien confesseur, dit-on, de beaucoup de frères; beaucoup de gens du monde se sont aussi tournés vers lui. Le 3, le Père Antoine nous a dit au revoir après le repas, il a humblement fait une grande métanie, deux fois, semble-il. Oui, c’est un serviteur de Dieu. Toujours humble et jamais découragé. Du moins, je ne l’ai jamais vu autrement. C’est le seul hiéromoine que j’ai vu s’agenouiller devant Batiouchka (J’ai vu aussi le Père Nectaire une fois à genoux devant Batiouchka!). Sauve-le, Seigneur.
Je ne peux écrire plus longtemps, on est venu m’appeler pour la fenaison. La journée est très chaude, nous allons faner au râteau. Depuis un mois et demi, ou deux, j’ai eu tellement peu de temps que parfois je ne me suis même pas lavé le visage et je n’ai pas nettoyé la cellule pendant plusieurs jours.
7 juillet
Demain c’est la fête de l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan. Vigiles et liturgie au monastère, mais nous aurons notre propre repas au réfectoire de la Skite. Tout le monde est allé faire les foins, certains avec un râteau, d’autres avec une faux. Le temps est favorable. Aujourd’hui, je suis allé loin, près de la ville elle-même, à trois verstes et demie.
Hier, lors de la bénédiction, Batiouchka m’a dit:
– Le malin ne vous laissera pas faire un seul pas, pour chaque pas, vous devrez vous battre. Vous vous souvenez de la façon dont les Juifs, quand ils construisirent le temple, tenaient une pelle dans une main et une épée dans l’autre! Généralement, on dit cela à propos de l’acquisition des vertus. D’une part, nous devons obéir aux commandements de l’Évangile et, d’autre part, nous devons combattre l’ennemi avec l’épée, en luttant pour chaque étape.
– Batiouchka, comment dois-je me battre, de quelle épée s’agit-il?
– Nous avons une épée : la prière de Jésus. Il est écrit «Frappe avec cette épée les guerriers invisibles, car il n’y a pas d’arme plus puissante ni dans le ciel ni sur la terre». Si vous y réfléchissez bien, il est terrible de réaliser qu’il n’y a pas d’arme plus puissante, même dans le ciel. Au nom de Jésus, chaque genou s’inclinera dans les cieux, sur terre et dans les enfers, et toute langue confessera que Jésus-Christ est le Seigneur… Quels temps terribles approchent…
– Oui, la prière de Jésus, voilà l’arme, et moi, maudit que je suis, je l’oublie complètement… Oui, tout ce qui est véritablement spirituel, de Dieu, n’est pas donné si rapidement que je le pensais.
10 juillet
Hier soir, le hiérodiacre Nikon, qui vivait avec nous, est parti. Il se plaisait beaucoup ici. «Je n’ai pas envie de partir d’ici», me disait-il. Sauve-le, Seigneur!
L’autre jour, j’ai lu le Psautier à l’église. Je ne sais pas pourquoi, soudain, Batiouchka est arrivé. Je suis allé demandé sa bénédiction. Puis Batiouchka s’est assis sur un banc et m’a placé à côté de lui. Il était très fatigué. Il n’a rien dit de particulier.
«Un général est venu me voir aujourd’hui. ‘Bien que j’aie un nom de famille allemand, je suis Russe’, m’a-t-il dit. Oui, on fait avec des Allemands et des Tatars de bons russes, des patriotes. Il y a probablement des similitudes dans le sang. Mais un Russe ne peut pas sortir d’un Français ni d’un Polonais. Souvenez-vous de cela dans le futur.»
Je ne me souviens plus d’autre chose. Et le soir, lors de la bénédiction, j’ai dit à Batiouchka que j’avais lu un article de l’Évêque Ignace Briantchaninov sur la prière de Jésus.
– Je ne sais pas comment je vivrais sans les connaissances que j’y puise. Eh bien, Batiouchka, pourriez-vous me bénir, le moment venu, pour lire tous ses écrits?
– Oui, quand viendra le moment. Oui, chez lui, tout concerne une seule chose, la prière de Jésus. Quelle ampleur! Maintenant vous voyez cela. Mais avant, peut-être, avez-vous vu dans le monachisme, comme la plupart des gens du monde, juste les radis, le kvas et l’ignorance la plus profonde. Et c’est compréhensible «Goûtez à la Coupe de la Vie et voyez comme Dieu est bon». Oui, il faut goûter et alors on voit, quelle béatitude… Les anges peuvent chanter. Dans la vie de Saint Spyridon de Trimithonte ou de Saint Tikhon d’Amathonte, je ne me souviens pas, il est dit qu’il a célébré seul dans l’église! Il proclama une ecphonèse et un choeur merveilleux lui répondit. Les passants se demandèrent d’où le Saint tirait un tel choeur. Ce fut la même chose, rappelez-vous, je vous l’ai dit, avec un prêtre: à ce moment-là, dans l’église, en plus de lui, il y n’y avait qu’un Polonais, qui est ensuite devenu Orthodoxe.
J’ai oublié: Batiouchka a dit qu’ils n’entendaient pas avec leurs oreilles corporelles, mais avec des oreilles spirituelles.
– Je vous raconterai un jour ce qu’un moine m’a dit alors que je me promenais dans l’allée derrière l’étang. Il savait ce que signifiait cette promenade dans l’allée». Il me semble que c’est ce que Batiouchka a dit et il a ajouté que c’était une histoire merveilleuse. (A suivre
Traduit du russe
Source :
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.