Geronda Ephrem, le Cathigoumène du Saint et Grand Monastère de Vatopedi, est l’auteur de six textes publiés entre le 12 et le 22 juillet 2016 dans les pages anglaises du site Pemptousia.com. Dans ces six textes, Geronda Ephrem éclaire pour les lecteurs plusieurs facettes du diamant que fut Geronda Joseph de Vatopedi, père spirituel de la communauté et fils spirituel du saint Geronda Joseph l’Hésychaste. L’adaptation en français de ces six textes est proposée en deux parties, dont voici la seconde. La première est ici.

L’obéissance est pour le moine la plus importante des vertus
Nonobstant le fait qu’il ait été un grand hésychaste, Geronda Joseph le béni considérait l’obéissance comme la vertu principale du moine. C’est pour cela qu’il entraînait ses disciples a conquérir l’esprit et les fruits de l’authentique obéissance ; démarche que d’aucuns jugent très dure. Il disait à ses disciples, en s’exclamant : «Oh, obéissance bénie, toujours, l’obéissance. Sans aucun doute, le sceptre te revient. Geronda Arsenios et moi avons répandu beaucoup de notre sang au cours de notre vie ascétique pour parvenir à goûter les bonnes choses du ciel. Si vous vous en tenez à la seule obéissance, vous parviendrez à jouir de la même Grâce que celle qui nous fut donnée. De toute votre âme, attachez-vous à l’obéissance. Il n’existe aucun chemin plus aisé, ou supérieur» 1 . Geronda Joseph considérait que «le mystère de l’obéissance était vraiment et réellement grand». Dans une de ses lettres, il écrivit : «L’obéissance ou la désobéissance ne se limitent pas à l’ancien. A travers celui-ci, c’est Dieu qui est atteint… [un disciple] doit regarder son geronda comme il regarderait le Christ».
Notre Geronda Joseph était très doué pour l’artisanat et les travaux de construction. C’est lui qui monta la nouvelle kelia de Geronda Joseph l’Hésychaste à la Petite Sainte Anne et qui assura ensuite tous les travaux d’entretien et de réparation. Un matin, il s’apprêta à construire un poêle à bois pour Geronda car la froidure de l’hiver se faisait insupportable, et Geronda était très affaibli. Mais tout alla de travers ; l’activité des démons battait son plein. Il se rendit dès lors auprès de Geronda Joseph afin de s’enquérir de ce qui se passait réellement. Il se rappelle : «J’arrivai et je frappai à la porte. Il ouvrit. Dès qu’il vit mon visage tourmenté, il commença à rire. Je lui dit ‘Mais que se passe-t-il ici, Geronda? Pourquoi m’as-tu dit ce matin «si tu y parviens»? Tu sais bien que pour moi, il s’agit d’un jeu d’enfant’. Et il me répondit en plaisantant : ‘Et que penses-tu qu’il se soit passé?’. ‘Certainement une «tentation», une action satanique’, répondis-je. ‘Effectivement’ me dit-il. ‘Écoute-moi et tu comprendras ce qui semble être un mystère pour toi. La nuit dernière, j’étais en train de terminer ma prière et je souhaitais prendre quelque repos. Je vis alors le diable et il menaça d’empêcher la réalisation d’une décision que j’avais prise. Je dis alors au Christ : ‘Seigneur, ne l’arrête pas, pour que je puisse lui montrer combien je T’aime, et que je suis pour cela prêt à endurer le froid autant que Tu le permettras’. Voilà, fils, la raison de tout ce qui s’est passé. C’est pour que je n’aie pas ce poêle que tu voulais me fabriquer’ 2 .
Le Samedi de Lazare, en 1948, le Père Sophronios devint moine du grand schème et reçut le nom de Joseph, le nom de son geronda, un honneur tout spécial, une bénédiction. L’Ancien confessa à son disciple nouvellement tonsuré et qui portait le même nom que lui, qu’il était rempli de grâce du fait de son obéissance. C’est Papa Ephrem de Katounakia qui officia lors de l’office de la tonsure. Après que Geronda Joseph l’Hésychaste se fut endormi dans le Seigneur, Papa Ephrem devint le père spirituel de notre Geronda Joseph. Ces deux ascètes étaient liés par un amour spirituel indestructible, ayant bénéficié auparavant de la guidance du même père spirituel.
Geronda Joseph l’Hésychaste révéla ses sublimes expériences spirituelles à ses disciples afin de les rendre spirituellement forts et d’empêcher qu’ils ne fussent découragés au cours du combat spirituel. C’est ainsi qu’il leur rapporta la visite que lui rendit la Panagia dans la chapelle du Saint Précurseur à la Petite Sainte Anne, à une époque au cours de laquelle épreuves et calomnies l’avaient assailli. La Toute Sainte Mère de Dieu lui apparut et dit : «Ne t’ai-je pas dit de placer ton espoir en moi? Pourquoi te décourages-tu? Voilà, prends le Christ!» Et le Divin Enfant lui caressa trois fois le front et la tête et le remplit d’une indicible euphorie spirituelle et d’une fragrance ineffable. Une autre fois, il vit en son âme, comme à l’écran d’une télévision, Saint Athanase quittant le Monastère Saint Paul et se dirigeant vers leur ermitage. Et il décrivit également par le détail différentes visions révélées par la Grâce de Dieu, comme celle de la Cité Céleste, du Paradis.

La nécessaire incision du Cœur, qui permet la purification des passions.

Le Père Sophronios se tient debout derrière Geronda Joseph l’Hésychaste

Ce n’était pas une mince affaire que de devenir disciple d’un ancien de la trempe de Geronda Joseph l’Hésychaste. Ils furent nombreux à essayer, mais la majorité n’y parvint pas et s’en alla. C’est ainsi qu’au départ, Geronda Joseph ne voulut pas accepter le Père Sophronios. Et dès qu’il l’eût admis, après avoir été divinement averti, il fut très exigeant avec son nouveau disciple. Il n’était évidemment pas mu par des motifs égoïstes, mais par la volonté de faire progresser spirituellement ceux qui venaient à lui. Il entraîna donc Sophronios au moyen de la sévérité et de l’amour, des punitions et des admonestations. Il opéra les incisions nécessaires à la purification du cœur, afin que, débarrassé des passions, il puisse commencer à faire l’expérience de la Grâce de Dieu et de la sanctification.

Notre Geronda Joseph vécut douze années auprès de Geronda Joseph l’Hésychaste, dont six ans à la Petite Sainte Anne. Les conditions de vies étaient très dures et le régime fort strict. Il fut affligé de problèmes de santé, au point que sa vie fut en danger. Du sang coulait de ses intestins, et il crachait aussi du sang. Mais le jeune moine gardait la foi. Il n’abandonna pas, remettant sa santé entre les mains paternelles de Dieu, imitant ainsi l’exemple de son Geronda qui voyait tout avec les yeux de la foi plutôt qu’avec ceux de la raison. Quand notre Geronda Joseph commença à cracher du sang, Geronda Joseph lui dit : «Arsenios, cette fois, nous y sommes. Nous devons partir. Si Joseph tombe malade, que ferons-nous?» Le Père Charalampos était prêtre, Papa Ephrem était valétudinaire depuis son arrivée, Geronda Arsenios était âgé de 70 ans. Ils étaient dès lors confrontés à un problème de survie ; qui allait assumer les tâches quotidiennes si notre Geronda Joseph n’y parvenait plus?

Geronda Joseph et Geronda Arsenios

En septembre 1953, une nuit de pleine lune, ils hissèrent leurs possessions sur leurs épaules et descendirent à la Skite Nouvelle où quelques kelias étaient abandonnées à proximité de la tour. De Mai 1957 à mai 1958, notre Geronda Joseph fut le supérieur de la skite. Avant même le décès de son père spirituel, Joseph le jeune avait acquis des richesses spirituelles (telles) que son grand amour lui permit d’en faire profiter ceux qui avaient besoin de conseils et de réconfort. Certaines lettres datées de cette époque témoignent de la hauteur de l’expérience spirituelle du moine disciple Joseph, dont la théologie ne provenait aucunement d’une formation théologique académique, dont il ne disposait pas, mais de son expérience personnelle. Lorsque Geronda Joseph l’Hésychaste tomba malade, affligé de défaillances cardiaques, notre Geronda Joseph entreprit de chercher un traitement. Dans une lettre, il écrivit: «Sans lui en parler, car il l’aurait interdit, Papa Ephrem et moi avons appelé immédiatement un médecin venant de l’extérieur de la Sainte Montagne, et il semblait qu’avec la Grâce de Dieu nous avions gagné la lutte. Le médecin était le meilleur que l’on eût pu souhaiter et ses diagnostics étaient excellents. Maintenant, le traitement est en cours et les résultats sont positifs. La maladie du cœur est avancée, mais nous espérons de bons résultats tandis qu’auparavant, tout semblait perdu». Finalement, Geronda Joseph l’Hésychaste s’endormit saintement dans le Seigneur, le jour de la fête de la Dormition de la Panagia, qu’il vénérait tant, le 15 août 1959, à l’âge de 62 ans. A la demande expresse de ses propres enfants spirituels, le jeune Geronda Joseph commença la rédaction de la Vie de son père spirituel et termina en 1963 une première biographie, sous forme épistolaire. (Geronda Joseph Vatopedinos, Θείας Χάριτος εμπειρίες, Γέροντας Ιωσήφ ο Ησυχαστής, Επιστολιμαία βιογραφία Ανέκδοτες επιστολές και ποιήματα, 2005).

Plus d’un millier de moines et moniales ont surgi directement de la ‘racine’ de Geronda Joseph l’Hésychaste

Geronda Ephrem de Philotheou, Geronda Ephrem de Katounakia, Geronda Joseph de Vatopedi

Le nombre de moines et moniales qui ont surgi directement de la ‘racine’ de Geronda Joseph l’Hésychaste a été estimé à plus d’un millier. Ayant eu la prescience de ce phénomène, l’Ancien n’avait pas permis à ses disciples immédiats de continuer à vivre ensemble après sa mort. Il les sépara, procédé hautement inhabituel dans le cadre de l’ordre naturel des choses sur la Sainte Montagne. Il savait qu’ils allaient devenir higoumènes et pères spirituels de grands monastères cénobitiques. Quand il vivait dans les grottes de la Petite Sainte Anne, il reçut un jour la visite de Ioannis Vitsios d’Ouranopolis. A cette époque, il avait trois disciples : Geronda Joseph de Vatopedi, Geronda Ephrem de Philotheou et Geronda Charalambos de Dionysiou. Monsieur Vitsios demanda à Geronda si les trois jeunes moines faisaient parties de sa fraternité. Sa question reçut une réponse de nature prophétique : «Tu vois ces jeunes moines, Yanni? Un jour viendra où ces trois-là rempliront la Sainte Montagne de moines».

Geronda Charalampos

Cette prophétie s’accomplit, par la Grâce de Dieu, et en dépit des complications et conditions adverses les plus improbables. En effet, ce que ces trois jeunes moines allaient réaliser pouvait difficilement être imaginé à l’époque où Geronda Joseph l’Hésychaste prenait parti, dans un premier temps, pour les zélotes. Il revint à la communion avec l’Église canonique seulement après avoir fait l’expérience d’une vision révélatrice au cours de laquelle une voix divine lui dit: «L’Église vivante est avec le Patriarcat Œcuménique». Cette évolution lui valut l’hostilité et les calomnies des zélotes. Mais tout cela fut l’œuvre de la Providence divine, tant son acceptation de ces disciples particuliers, sa séparation des zélotes et la manière dont il répartit ses disciples dans les différentes communautés.
Nous estimons qu’aujourd’hui, dans les cénobies de la Sainte Montagne, l’obéissance est mariée à l’hésychia. Et ce mariage est essentiellement le fruit de l’œuvre de Geronda Joseph l’Hésychaste et de ses disciples. En sa qualité de disciple authentique, notre Geronda Joseph de Vatopedi reçut tant l’obéissance que l’esprit de l’hésychia de son Geronda Joseph béni. Quant à nous, nous avons reçu cet esprit de la part de notre Geronda Joseph de bienheureuse et éternelle mémoire. Au moyen de nos faibles forces, nous essayons de le préserver et de le transmettre à ceux qui nous suivent. Amen.
Source 1,2,3.

  1. Joseph M.D., Ιερομόναχος Χαράλαμπος Διονυσιάτης, 2002, p. 94.
  2. Geronda Joseph Vatopaidinos, Ο Γέροντας Ιωσήφ ο Ησυχαστής, Βίος Διδασκαλία «Ή Δεκάφωνος Σάλπιγξ»,  2016, pp. 134-5.