ieromonah-arseniiLe hiéromoine russe Arsène (Minine) l’Athonite est l’auteur du texte ci-dessous et de ceux qui seront mis en ligne ultérieurement dans cette série. Les textes originaux en langue russe sont accessibles sur le site «Русский Афон». Il s’agit d’extraits d’un livre intitulé «Philocalie Athonite sur le Silence et la Prière» (Афонское Добротолюбие о безмолвии и молитве), publié en 2015 par les éditions du Saint Monastère Athonite Saint Panteleïmon, et que l’on peut lire en ligne ici. Les premiers extraits se trouvent ici).

Tournons maintenant notre attention sur la nécessité de prier non seulement quand nous sommes habités par la disposition à la prière, mais aussi quand nous n’avons pas envie de prier, lorsque la paresse, le sommeil, les soucis, les préoccupations, etc. nous éloignent de la prière. Car, si nonobstant cette sombre horde d’obstacles, nous prions, nous luttons, nous nous efforçons, alors notre prière monte jusqu’aux Cieux, jusqu’au trône du Seigneur.La période nocturne est favorable à la prière en solitaire. Tout est calme, tout s’apaise, et la prière qui s’élève vers Dieu dans le silence de la nuit, des profondeurs de notre cœur, fait descendre sur celui qui prie la profonde munificence divine. Mais pendant pareille prière, l’ennemi malicieux s’abat avec force sur ceux qui prient, les assaille de maintes tentations, frayeurs et attaques. Toutefois, la Grâce de Dieu permet de surmonter tout cela, et la lutte qui permet de repousser les tentations de l’ennemi engendre de grands dons par la Grâce de Dieu. Il convient de persister dans la prière, de jour comme de nuit ; ce conseil, cette bénédiction, nous ont été donnés par des guides spirituels expérimentés.
La maladie, la tristesse et toutes nos misères sont les fruits de nos péchés. Nous devons donc demander à Dieu de nous remettre ceux-ci, afin que nous puissions dès lors guérir de la maladie et être libérés de nos misères. Nombreux sommes-nous, quand l’affliction et les besoins nous frappent, à tenter de faire face en recourant à des ressources terrestres. C’est quand nous constatons l’échec de cette démarche que nous nous tournons vers Dieu, mais il arrive souvent que nous n’obtenions pas ce que nous souhaitons. La raison de cela se cache évidemment dans notre ‘peu de foi’, car c’est à la mesure de notre foi, que nous recevons la Grâce de Dieu, comme le dit l’Apôtre : «Mais qu’il la demande avec foi, sans douter ; car celui qui doute est semblable au flot de la mer, agité par le vent et poussé de côté et d’autre. Qu’un tel homme ne s’imagine pas qu’il recevra quelque chose du Seigneur » (Jac.1,6-7).
C’est à cause de nos péchés que nous sont envoyées toutes les punitions divines, comme la famine, la sécheresse, la guerre, les pluies dévastatrices, etc. La racine de tout mal réside en effet en nous-mêmes. C’est ainsi qu’apparaît à nouveau l’impérieuse nécessité de prier le Seigneur de nous pardonner nos transgressions, afin que, la racine du mal étant extirpée, nous soyons délivrés de tous les châtiments naturels qui nous sont envoyés sous forme de phénomènes naturels désastreux. Priez sans cesse, frères, à la maison, en route, priez toutes les prières, priez tout le temps en esprit, et tout ce que vous demanderez au Seigneur avec foi, vous le recevrez : «Tout ce que vous demanderez avec foi par la prière, vous le recevrez» (Mat. 21,22).
Et quand le Seigneur ne semble pas pressé de vous accorder ce que vous demandez, soyez patients, attendez, espérez sans laisser place au doute. Lui-même nous a affirmé : «Demandez, et l’on vous donnera ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et l’on vous ouvrira. Car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve, et l’on ouvre à celui qui frappe» (Mat. 7, 7-8). Au moment de la prière, notre faiblesse et notre nature pécheresse ne doivent pas affaiblir notre foi et notre espoir ; de toutes nos forces, nous devons espérer en la miséricorde de Dieu. Innombrables sont les exemples qui mettent en lumière la miséricorde dont fit montre le Seigneur suite à la prière de grands pécheurs qui L’implorèrent avec humilité.
La prière requiert des conditions, nécessaires et fondamentales : il convient de s’en remettre complètement à la volonté de Dieu, de prendre conscience de notre extrême indignité et de notre nature inclinée au péché, de vouloir nous amender, et surtout, de devenir bon. Si quelqu’un demande et ne reçoit pas, cela ne signifie pas que sa prière ne serait pas entendue. Le Seigneur considère alors que celui qui prie doit être mis à l’épreuve de la patience. Et ensuite, quand cette patience aura été soutenue jusqu’au bout, ce qui a été demandé sera reçu dans une mesure beaucoup plus large.
Il faut faire preuve de patience dans la prière. Ce n’est pas l’affaire d’un jour, que de solliciter l’un ou l’autre bien de la part du Seigneur. Certains Saints Pères passèrent toute leur vie dans la prière et le repentir. Et ils finirent par recevoir la Grâce de Dieu. Certains priaient, et ne recevaient pas ce qu’ils demandaient, leur prière se refroidissait alors. Mais peut-être le Seigneur était-Il tout proche de leur accorder ce qu’ils demandaient. Ils abandonnèrent peut-être alors qu’ils étaient à proximité de la miséricorde divine. Il se peut que nous ne recevions pas ce que nous demandons car cela nous prédisposerait au mal : «Vous demandez, et vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal, dans le but de satisfaire vos passions.» (Jac.4,3).
Dieu créa tout avec sagesse. Tout est disposé pour le vrai bénéfice de nos âmes. Si tu demandes la richesse, Dieu ne te l’accordera peut-être pas. Tu t’en affligeras, mais sais-tu que si ton souhait avait été exaucé, tu aurais oublié Dieu, petit à petit. L’argent serait devenu ton idole, ton cœur se serait endurci à l’égard de ton prochain et l’orgueil se serait développé en ton esprit et aurait empoisonné l’âme de tes enfants, et de la sorte, ceux-ci et toi-même auriez inévitablement détruit votre vie dans le siècle à venir.
Tu réclames les honneurs et les distinctions de ce monde et Dieu ne te les accorde pas ? Mais comprends-tu quelle est la source d’un pareil souhait, et à quoi cela te mènerait ? Ne serait-ce pas ton égoïsme qui, dans cette prière, demande de la nourriture ? Ne serait-ce au moyen d’une dorure mondaine et pécheresse que tu irais recouvrir les dons de la bonté céleste ? Ton cri vers Dieu n’obéirait-il pas à des motifs futiles et voluptueux ? Tu t’imagines donc que Dieu, Qui t’aime et souhaite ton salut, va nourrir tes passions afin que celles-ci, une fois renforcées, t’éloignent du Royaume de Dieu et t’envoient aux tréfonds de l’enfer.
Non, prie et délaisse toutes les impulsions des sens ainsi que les buts égoïstes et pécheurs. Alors tu pourras être sûr que Dieu t’entend. Alors, même si tes péchés sont grands, ne désespère pas, mais souviens-toi que le Seigneur Lui-même a dit : «Si vos péchés sont comme le cramoisi, ils deviendront blancs comme la neige ; s’ils sont rouges comme la pourpre, ils deviendront comme la laine. Si vous avez de la bonne volonté et si vous êtes dociles, vous mangerez les meilleures productions du pays ; mais si vous résistez et si vous êtes rebelles, vous serez dévorés par le glaive, car la bouche de l’Éternel a parlé» (Isaïe 1, 18-20).
Il s’avère toutefois que parfois le Seigneur, par prudence, n’exauce pas la prière de ses serviteurs. Ainsi, le grand Moïse, qui vit Dieu, avait demandé à ce qu’il lui soit donné d’entrer dans la terre promise. Mais il ne fut pas exaucé. David pria, renforçant sa prière par le jeûne et les larmes, que soit épargnée la vie de son fils malade. Mais le Seigneur en disposa autrement. Soumettons-nous à la puissante main de Dieu, faisons pleinement confiance à Sa sainte volonté, lorsque parfois Il ne nous accorde pas ce que nous avons demandé, car Il prépare ainsi un don meilleur encore. Demandons l’essentiel à Dieu, tant qu’il est encore temps : le salut de notre âme ; «La nuit vient, où personne ne peut travailler» (Jean 9,4). Notre âme est immortelle, mais nous devons en prendre incomparablement plus soin que de notre corps car ce dernier n’est que la petite enveloppe temporaire de l’âme : «Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu ; et toutes ces choses vous seront données par-dessus» (Mat. 6,33).
On demanda un jour à Saint Macaire le Grand : «Comment pouvons-nous être sauvés?». Et il répondit : «Frères, précipitons-nous devant Dieu et pleurons nos péchés. Ces petites larmes éteindront le feu de la géhenne alors que les pécheurs dépourvus aujourd’hui de repentir et de larmes, pleureront amèrement en ce monde et sangloteront comme des bébés, mais leurs larmes brûleront leur corps, tel un feu, sans leur apporter le moindre réconfort». Chaque vertu, chaque prière est le fruit de la contrainte que nous nous imposons, de la violence que nous nous faisons car, comme il est dit «Le royaume des cieux est forcé, et ce sont les violents qui s’en emparent» (Mat.11,12), et le Saint Apôtre Paul dit encore : «Faites en tout temps par l’Esprit toutes sortes de prières et de supplications. Veillez à cela avec une entière persévérance» (Eph. 6,18).
Dans leurs commentaires de la Sainte Écriture, les Saint Pères expliquent, à l’exemple de Saint Isaac le Syrien, que «toute prière qui n’est pas issue de la contrainte du corps et de l’affliction du cœur est responsable d’un fruit avorté». Et Saint Jean Climaque ajoute : «Ceux qui ne sont pas encore arrivés à l’authentique prière, celle du cœur, gagnent à se fatiguer physiquement à la prière, à se contraindre à l’affliction du cœur, qui résulte de la prise de conscience de leurs innombrables péchés, à aspirer à verser des larmes, car il s’agit là du seul moyen de purifier l’âme de ses maux et de semer les graines des vertus». (A suivre)
Traduit du russe
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