Le portail informatique Agionoros.ru a publié deux récits du Métropolite Joël d’Édesse, théologien renommé et auteur de nombreux ouvrages de référence, au sujet de rencontres qu’il effectue avec Saint Païssios l’Athonite. Ces deux textes sont réunis ci-dessous dans leur adaptation française.
J’aimerais vous parler de Saint Païssios. Bien des choses m’ont été rapportées à son sujet, mais je ne les évoquerai pas ; je m’en tiendrai aux épisodes auxquels j’ai moi-même participé, à ce que j’ai vu de mes yeux.
Je fis la connaissance de Geronda Païssios alors que j’étais étudiant en deuxième année à la Faculté de Théologie. C’était au cours de la seconde quinzaine d’octobre ; le temps était peu clément, les chemins étaient battus par les pluies, mais le jour où j’arrivai à la kelia de Saint Païssios, le temps s’adoucit quelque peu. Le Saint homme menait alors son combat ascétique à la Skite de la Sainte Croix Donatrice de Vie, qui dépend du Monastère de Stavronikita. La kelia était nichée dans la vallée ; on y accédait en dévalant des hauteurs. Comme il avait plu abondement pendant de nombreux jours, les chemins étaient infestés de serpents. Nous n’étions pas rassurés. En nous approchant de la kelia, nous constatâmes qu’elle n’accueillait à ce moment aucun autre visiteur. Geronda sortit joyeusement à notre rencontre. Au bout de quelques instants, il demanda :
Les enfants, pourquoi avez-vous l’air tellement effrayés ?
En chemin nous avons rencontré énormément de serpents, et nous ne sommes pas très rassurés.
Ah, les pauvres petits! Aujourd’hui, le temps s’est adouci et ils sortent au soleil pour profiter un peu de la chaleur. Regardez, là, juste à côté de la porte du fourneau ; dernièrement, un serpent s’est glissé dans la maison et s’est faufilé dans le trou juste à côté de la porte. J’ai essayé de l’enlever en le tirant par la queue. C’est tout juste si je ne l’ai pas arrachée. Je m’y suis mal pris! Et là, à côté du rebord de la fenêtre, il y a un nid de vipères. On vit tous ensemble dans une seule pièce, et comme vous pouvez le voir, rien ne nous arrive.
Ensuite, Geronda nous demanda ce que nous aimerions devenir. Nous lui répondîmes que nous voulions devenir prêtres et servir dans le monde. Il nous conseilla de lire les œuvres des grands Pères de l’Église : Basile le Grand, Grégoire le Théologien, Jean Chrysostome car eux aussi servirent dans le monde. Il remit alors une petite icône à chacun de nous. J’ai conservé la mienne jusqu’à ce jour. Ensuite, il nous invita à passer à table. Sur un tabouret minuscule étaient disposées trois pommes de terre, une pour mon compagnon de route, une pour moi, et une pour Geronda.

A de nombreuses reprises, j’ai rendu visite à Saint Païssios, parfois seul, parfois accompagné de prêtres, ou encore avec des jeunes. Certaines de ces rencontres produisirent sur moi une grande impression. J’ai vécu de nombreux cas dans lesquels Saint Païssios l’Athonite manifesta son don de clairvoyance. Il me donna maintes recommandations. Je me souviens de l’une de ces situations qui me concernait directement.
Je fus ordonné diacre en 1975, et prêtre en 1979. En 1980, je célébrai pour la première fois la Divine Liturgie de Saint Jacques, Frère du Seigneur, le 5 novembre / 23 Octobre. Dans le sanctuaire, je me querellai avec les prêtres qui concélébraient avec moi, au sujet de certaines particularités de la Liturgie de Saint Jacques. Il ne convient pas, à la fin de cette liturgie, de distribuer l’antidoron aux fidèles. Mais les pères qui avaient concélébré avec moi avaient découpé de nombreuses prosphores et voulaient procéder à la distribution. J’insistais pour que cela ne se fit pas (si nous ne voulions pas enfreindre la règle établie par l’Apôtre Jacques). «Distribuez donc l’antidoron dimanche», dis-je aux pères. Nous ne parvinrent pas à nous mettre d’accord sur ce qu’il convenait de faire, mais les autres prêtres acceptèrent de se soumettre à mon injonction, en ma qualité de prédicateur de la métropole et de mon ancienneté supérieure à la leur. Deux années s’écoulèrent. Je me rendis sur l’Athos, où je séjournai lors des célébrations du Nouvel An civil (fêté le 14 janvier à la Sainte Montagne). J’étais accompagné par un chef de famille d’Édesse, et de ses deux fils aînés, âgés de 19 et 20 ans. La neige se mit à tomber sur l’Athos. Nous rendîmes visite à Geronda Païssios. De nombreux pèlerins avaient rejoint sa kelia. A un certain moment, Geronda pris un sac et commença à distribuer des oranges à ses hôtes. Il disposait exactement du nombre d’oranges nécessaire pour que nous en recevions chacun une. Un Orthodoxe anglais, appelé Nicodème, était parmi nous. Il ne connaissait pas le grec et Geronda demanda :
Les enfants, qui parmi vous connaît l’anglais et serait prêt à jouer l’interprète?
– Je connais l’anglais, Geronda.
Un jeune homme s’était levé pour répondre à l’appel de Saint Païssios. On comptait parmi nous des professeurs, des médecins et d’autres personnes disposant d’une formation supérieure, mais c’est ce jeune homme qui se porta audacieusement volontaire pour interpréter. Saint Païssios demanda à Nicodème :
– Pourquoi es-tu venu à la Sainte Montagne ?
– Je voudrais devenir moine, Geronda.
– As-tu l’une ou l’autre relation féminine qui pourrait te retenir dans le monde ?
– Non, Geronda, je n’en ai pas.
Mais Saint Païssios insistait et posa plusieurs fois cette même question. Il devenait évident que même si Nicodème persistait à nier, il dissimulait quelque chose. Finalement, il admit :
– Des pensées impures me font souffrir.
– Ce n’est pas grave, mon enfant, même les patriarches peuvent avoir des pensées mauvaises.
Geronda bénit alors la voie de la vie monastique pour Nicodème. Ensuite, il se tourna vers moi et dit :
– L’Église va devoir faire face à de grandes tempêtes et tentations.
Saint Païssios se tourna alors vers les deux jeunes garçons d’Édesse et demanda :
– Allez-vous à l’église?
– Oui, nous y allons.
– Le dimanche, vous allez à l’église?
– Oui, Père.
– Peut-être allez-vous au stade? Je sais qu’à Édesse, de nombreux jeunes sont allés jouer au football le Grand et Saint Jeudi.
L’un des garçons devint rouge de honte. Plus tard, alors que nous partions, je lui demandai les raisons de son embarras. Le jeune homme me répondit qu’il allait jouer au football chaque dimanche soir, et qu’il s’apprêtait justement à demander à Geronda si c’était autorisé. Saint Païssios avait répondu à la question du garçon avant que celui-ci ne la posât. Geronda se tourna de nouveau vers moi et demanda :
– Par quoi se termine la Liturgie de Saint Jacques?
– Par le renvoi en paix.
Tous nous approchâmes Saint Païssios pour recevoir sa bénédiction. Alors que nous avions déjà dépassé le portillon de la skite, Geronda me rappela et demanda :
– Quand tu célèbres la Liturgie de Saint Jacques, tu distribues l’antidoron aux fidèles?
J’avais oublié l’épisode vécu avec les concélébrants, et au début, je ne compris pas le sens de la question de Geronda. Quand il me posa la question une seconde fois, je me remémorai la situation et répondis :
– Non, je n’en distribue pas.
– Il faut le faire. Il faut en distribuer, afin que les gens emportent avec eux quelque chose qu’ils ont reçu dans l’église.

Plus tard, je rencontrai un enfant spirituel de Saint Païssios, et il me raconta ceci : «Un jour, je vis que Geronda Païssios paraissait extrêmement fatigué. Je lui demandai :
– Que se passe-t-il, Geronda? Pourquoi es-tu tellement fatigué?
– A Thessalonique, dans l’église… on a célébré une vigile de toute la nuit. J’y ai participé et cela m’a bien fatigué»
Cela signifie que, tout en étant à la Sainte Montagne, Saint Païssios pouvait participer à une célébration qui se déroulait dans une ville lointaine.
Traduit du russe
Sources 1, 2.