Dans le texte mis en ligne le 15 janvier 2014 dans sa version russe sur le site Pravoslavie.ru, le Métropolite Athanasios de Limassol transmet, à travers des exemples tirés de sa vie, de son expérience, un long enseignement au sujet de l’importance de la prière, et surtout de la prière pour autrui. Compte tenu de la longueur de la version russe, la traduction française est proposée en quatre parties, dont voici la troisième.

Ainsi, dans nos difficultés, dans les difficultés de nos frères, nous ne devons pas faiblir mentalement, nous devons prier. C’est très important. Voici un exemple tiré de ma propre vie.
Sans doute vous souvenez-vous de toutes les accusations portées à mon encontre en l’an 2000, quand on voulu me déchoir de mon rang, me ramener à l’état de simple moine et m’envoyer à la Sainte Montagne. Ah, s’ils avaient réussi, c’eût été une chose vraiment bonne… Mais malheureusement, ils ne réussirent pas, et je demeurai ici, afin de vous supplicier! Ce fut pour moi une grande épreuve, très grande. Et je vous avoue qu’alors, je n’y comprenais rien. Absolument rien. Toute sorte de gens me téléphonaient et me disaient :
– Et tu parviens encore à résister à cela! Tu parviens à dormir la nuit? Et à manger?
– Oui, grâce à Dieu. Il me reste un peu plus que la peau sur les os. Gloire à Dieu. Malheureusement, je mange. Je n’ai pas perdu l’appétit. J’ai dormi aujourd’hui, suffisamment, même si j’aurais aimé dormir un peu plus longtemps…
Un de mes amis d’études, un clerc, m’appela et me demanda :
– Comment vas-tu, Athanasios?
– Bien, Gloire à Dieu!
– Ah! Je suis prêt à vomir d’indignation et je ne dors plus la nuit, et toi, tu vas bien?
– Que t’arrive-t-il pour que tu ne dormes plus?
– Comment peux-tu être aussi insensible! Tu ne te souviens pas de ce qui se passe?
– Et que se passe-t-il, Père? Que se passe-t-il ici?
Qu’ils disent ce qu’ils veulent, arrive ce que pourra. Il faut laisser ça de côté. Je vous avoue avoir observé tout cela comme s’il s’était agi d’un spectacle, d’un film au cinéma, comme s’il ne s’agissait pas de moi, comme si c’était quelqu’un d’autre qu’ils accusaient, qu’ils intimidaient, à qui ils disaient toute sorte de choses. Je ne comprenais rien. Comme si on tenait un parapluie au–dessus de moi, qui me protégeait. Grâce à quoi? Certainement pas à cause de mes vertus ; je n’en ai pas, mais grâce aux prières des gens, parce que beaucoup d’hommes et de femmes prièrent, des laïcs, des moines. C’est la prière d’autrui qui m’a protégé. C’est ainsi que je n’ai pas eu à souffrir, ma santé ne s’affaiblit pas du fait de ces difficultés et des tentations. Parfois, il y a des gens qui viennent et disent :
Tu sais, un tel m’accuse à tort de ceci! Et les larmes se mettent à couler. Mais je leur réponds :
Admettons qu’un homme, un seul, t’ai calomnié et ai fait courir des bruits dans ton quartier. Quant à moi, on a fait de même dans les journaux, à la radio et à la télévision, et rien ne m’est arrivé! Que veux-tu qu’il t’arrive simplement parce que quelqu’un a raconté des choses à ton sujet?
Quand nous bénéficions des prières de nos frères, une grande force est avec nous. L’Écriture en parle : toute l’Église pria avec ferveur pour le Saint Apôtre Paul lorsqu’il était en prison et Dieu le protégea. C’était un apôtre et il jouissait d’une force spirituelle, mais les prières des Chrétiens ont aussi de la puissance, tout particulièrement lorsque nous prions tous ensemble. Quand nous sommes seuls, Dieu entend aussi, mais la prière commune, la prière du grand nombre pour autrui a une grande force. On a pu l’observé, et cela a été scientifiquement prouvé. Un psychiatre chrétien a raconté l’expérience suivante. On répartit des malades en deux groupes de cinquante. On constitua un troisième groupe de cinquante hommes et femmes, chargés de prier chaque jour pour les malades du premier groupe. Personne ne pria pour le second groupe. Les malades ne furent pas informés de l’expérience. Il fut évident que les patients du premier groupe, pour lesquels on priait, étaient beaucoup plus forts et leur santé s’améliora substantiellement. Ainsi, même dans pareilles circonstances, la prière s’avère puissante. Combien ne l’est-elle pas plus encore quand nous prions en Église, en tant que Corps du Christ? La prière commune en faveur de nos proches possède une grande force. Nous ne pouvons donc demeurer impassibles quand, par exemple, l’Église nous appelle à prier pour l’une ou l’autre cause, ou à célébrer un office d’intercession, des vigiles ou une Liturgie en faveur d’un but déclaré. Allons alors prier comme un seul Corps, sachant que nous sommes le Corps du christ et non des éléments isolés, des individus, des atomes incapables de se partager, incapables de partager avec autrui dans une célébration commune, nous sommes des personnes liées à nos frères par l’amour. Hâtons-nous de participer à la prière commune, aux célébrations communes, car alors nous devenons hypostase et acquérons la force de l’Église ; le Christ Lui-même a dit : ‘Quand deux ou trois se rassemblent en Mon nom, Je suis parmi eux’. Et si le Christ est parmi nous, Il entend notre prière commune.
Toujours je me souviendrai d’un événement particulier. Je vivais alors à la Sainte Montagne, à la Skite Nouvelle. En face, un vieil ascète vivait en ermite. La maladie le faisait souffrir. Sa vie approchait de son terme et il souffrait le martyre, évidemment sans aucune aide médicale. C’était le désert et aucune aide médicale n’y accédait. Nous nous demandions ce que nous pouvions faire, comment prendre soin de lui. Il était entré, rempli d’angoisse, dans la toute dernière étape de sa vie. Notre ancien nous dit alors :
Pères, rassemblons-nous à l’église, prions Dieu et demandons-Lui d’aider ce geronda qui se trouve à l’extrême limite de sa vie.
Nous nous sommes donc rassemblés à l’église et avons décidé de prier la prière de Jésus : «Seigneur Jésus Christ, aie pitié et aide Ton serviteur». Et lorsque nous venions d’égrener exactement le dernier nœud du komboschini, le frère qui était resté au chevet du geronda nous appela : «Pères, venez vite!». Geronda Kallistos était mort…

La prière est puissante ; il ne convient pas de la négliger.

Il est très important de solliciter la prière de nos frères. Ce n’est pas mal que de demander à son frère: «Tu sais, j’ai besoin de ta prière», ou encore «Demain, je dois affronter une difficulté, prie pour moi!». Il est important d’aller à l’église et de demander aux prêtres, et aux Saints, de prier pour nous, et notre prière pour eux est également importante. Alors nous formons un seul Corps et nous prenons part à la lutte commune de tous, d’Adam tout entier, comme disait Saint Païssios. Et savez-vous quel genre de bénéfice obtient celui qui prie pour autrui? Un grand bénéfice, car il s’agit du commandement d’amour, il s’agit de l’amour réel. Ce faisant, on porte le joug de notre frère, le joug du monde entier. Vous comprenez ainsi quelle grâce reçoit celui qui en son âme prie pour ses frères, pour ses frères défunts. Ceux-ci en ont plus besoin que les vivants car là où ils sont, ils ont besoin de la prière afin de recevoir la grâce de Dieu, afin que Dieu les aide, les affermisse et les console par Sa présence, dans cet espace spirituel où ils se trouvent. (A suivre)
Traduit du russe
Source

P.S. Celles et ceux qui souhaitent approfondir le sujet de la prière consulteront avec bénéfice le blog  de Maxime, qui lui est dédié, ainsi que ces pages du Journal d’un Chrétien Ordinaire, ou encore cette page du blog Orthodoxologie