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Le Starets Élie (Nozdrine), Archimandrite du grand schème, est né en 1932. Il commença à prier à l’âge de trois ans. Après avoir terminé l’Académie de Théologie, il entra, en 1966 dans la communauté monastique de la Laure des Grottes de Pskov, à partir de 1976, il séjourna sur la Sainte Montagne, et à la fin des années ’80, il contribua à la renaissance du Monastère d’Optina, et il en encore  le père spirituel et est le confesseur de Sa Sainteté le Patriarche Kyrill.
La version originale russe du texte traduit ci-dessous fut publiée le 16 mars 2017 sur le site de la chaîne de télévision russe «Tsargrad», (et repris ensuite sur le site Pravoslavie.ru). «Le jour du centième anniversaire du renversement de la monarchie en Russie, Tsargrad s’est entretenu de cette date lugubre avec l’Archimandrite du Grand Schème Élie (Nozdrine, l’un des starets les plus vénérés de notre époque, et confesseur du Patriarche de Moscou et de Toutes les Russie».

Aujourd’hui, le 15 mars, c’est le centième anniversaire du jour où Nicolas II «abdiqua» son trône. Que représente cet événement pour vous, et que représente la révolution de février?
Le pays était tellement colossal et si riche, comme les gens qu’il produisit; pendant des siècles, la Terre de Russie donna naissance à ses propres Platons, à ses Newtons à l’esprit vif, à ses grands chefs d’armées, ses grands savants, ses grands inventeurs. Ce qu’il advint finalement de la Russie est évidemment effroyable. Ce fut, on peut le dire, un immense malheur pour la Russie. Il coûta la vie à des millions, non pas des dizaines ou des centaines ou des milliers, mais bien une centaine de millions de victimes, d’hommes dont il priva la Russie. Il est impossible d’identifier quoi que ce soit de positif dans ce qui se produisit. Et cette maladie affecte la Russie aujourd’hui encore… C’était une conspiration mondiale contre la Russie. Du point de vue de la nature humaine, cela signifiait l’envie, l’hostilité, le péché, l’absence de spiritualité, de la part de gens qui depuis longtemps regardaient la Russie de travers, et voulurent dès le XIVe siècle la faire exploser d’une manière ou d’une autre, lui nuire. Pour ce qui concerne la manière d’évaluer ce moment où le Tsar «abdiqua», cela demeure évidemment une question d’histoire, et c’est l’histoire qui aura le dernier mot. Différentes opinions existent; s’agissait-il précisément d’une abdication? Je ne suis pas convaincu, moi non plus, de ce que le Tsar lui-même abdiqua. Les tempêtes se succédaient sur la Russie, beaucoup voulaient la révolution. L’intelligentsia la voulait. Et il est impossible d’être vraiment d’accord avec le crédit que l’on a accordé jusqu’à nos jour à l’équipe du Haut Commandement de l’état-major, et à l’entourage du Souverain. S’ils avaient été habités par le noble dessein qu’on leur accorde, la révolution ne se serait pas produite de la manière que l’on sait, ni l’«abdication».
Quant au meurtre du Tsar, c’est un grand péché? L’Oint de Dieu fut assassiné en même temps que toute sa famille…
Ce sont des méthodes de bandits. Ce n’est pas humain. Ce n’est en rien justifié par la morale ou par la loi… Voici deux milles ans, on appliquait la loi; quand on jugea l’Apôtre Paul lui-même, il dût s’exprimer en qualité d’inculpé. Et c’était il y a deux milles ans… Mais dans le cas du Tsar, on ne voit aucune dimension légale, ni règle, ni moralité réellement humaine. Ils tuèrent sans enquête ni jugement: ce sont de grossières manières de bandits. Yourovski tira sur lui. Sans aucune morale, sans jugement, sans enquête, et même sans un mot qu’il aurait pu dire pour se défendre. Ce sont des manières de bandits!
Comment expier ce péché nous tous qui avons permis ce crime?
La Russie doit évidemment prendre le deuil… C’est sûr, elle le doit. Rien ne justifiait cela. Même quand les Mongols razziaient, il y avait certaines règles. Mais comment mirent-ils la main sur le pouvoir du Tsar? Tout simplement en abattant celui-ci sans enquête, sans jugement, sans aucune réserve. Ils recoururent à une telle méthode afin de balayer toute résistance, balayer tout ce qui leur déplaisait, à ce qui ne plaisait pas à ceux qui usurpaient le pouvoir. Ils voulaient juste une chose, prendre le pouvoir. C’est tout. Ils n’étaient guidés par aucune règle morale, ou moins encore, sacrée, qui les aurait disculpés. Ils étaient guidés par la seule volonté d’accaparer le pouvoir… Tous ne s’attendaient pas à une pareil dénouement. Ils ne pensaient pas qu’on irait jusque-là, que ces gens n’étaient guidés par aucune loi morale, par rien. Ils se fondaient sur un principe de bandits pour mener leur affaire… Un seul principe les guidait: la fin justifie les moyens. La fin, c’était s’emparer du pouvoir. Le souverain n’aurait pu imaginer de tels agissements de la part des pareils à Lénine et de tous les autres… Ce n’est probablement pas un hasard si dans son journal il notait qu’il n’y avait autour de lui que trahison, lâcheté et tromperie. Sa phrase célèbre. Ils ne pensèrent pas à se cacher quelque part, à fuir.
Batiouchka, encore une question. Pourquoi, pensez-vous, notre peuple se tourne-t-il vers la foi depuis plusieurs décennies?
Quand un homme a faim, que fait-il? Quand tu avances, quand tu chemines des jours entiers sans manger ou très peu, qu’est-ce qui va te guider? Trouver de la nourriture, évidemment. Quelle autre explication y aurait-il? La foi est vitale, d’autant plus pour la Russie. Voici un millénaire, on disait que tu pouvais faire le tour de tous les peuples, de tous les pays, de tous les États, et tu découvrirais toutes sortes de nations, toutes sortes de modes de vie, mais jamais tu n’y trouverais, nulle part, que les gens soient dépourvus de toute manière de purification spirituelle, de vénération envers Dieu. Quelle autre explication donner?… La foi, mais la foi authentique… La foi, c’est la vie! Nous savons que l’éternité existe, comment en irait-il autrement? Eh bien, autrement, l’homme doit aller en enfer. Combien de milliers l’athéisme d’État y a envoyés! Il existe, l’enfer. Le diable existe. Cela signifie que l’enfer, c’est être sous le pouvoir du diable. Comment en serait-il autrement? Par peur de la Kolyma, par peur des Solovietsk, par peur d’être fusillés, ils se déshabituèrent de la foi.
Des hommes ne faisaient aucun tort, et on les qualifia d’ennemis du peuple… Regardez le calendrier… Maintenant, à chaque page, on trouve des fusillés, et des fusillés… Des prêtres évidemment, mais des autres aussi. Mais comment peut-on tirer sur des femmes? Ces actes ont été commis uniquement par le biais de l’athéisme d’État, on ne peut expliquer cela autrement. C’est une violence effroyable, la plus effroyable des violences. Le Seigneur, le Sauveur, a souffert jusqu’à la Croix. Cette expiation… pour que l’homme soit libéré du péché, de la malédiction de la mort. Il n’oblige personne, Il appelle tout le monde, le Seigneur, à hériter la vie éternelle. En même temps, Il aurait très bien pu amener tout le monde à la foi, et plus encore, faire en sorte que tout le monde vive ici, sur terre, comme au paradis. Mais cette terre n’est pas le paradis; le paradis ne peut exister que là où l’âme de l’homme est dans la joie, dans la grâce. Voilà le paradis. Et le suicide; combien nous en connaissions qui vivaient dans le confort, dans le luxe, et qui se sont suicidés. Pourquoi l’âme de l’homme ne trouve-t-elle pas sa place? Parce qu’elle n’a pas la joie, parce qu’elle n’a pas la liberté.
Durant des siècles, la Russie vécut sous une monarchie. Pour un pays aussi gigantesque que le nôtre, c’est la meilleure forme de pouvoir… Pensez-vous que nous devrions réfléchir à cela aujourd’hui?
Je considère, beaucoup considèrent, que la monarchie fut la force la plus efficace. Ce n’est pas pour avoir un dictateur que nous avons accepté ce Tsar. L’Empereur était entouré de conseillers, il y avait le Sénat, le Synode… Ils ne fonctionnaient pas comme les dirigeants qui pensaient «On peut le fusiller, on peut le tuer, on peut le tuer avec toute la famille impériale, sans enquête ni jugement». Non, ils s’accordaient, ils arrivaient à un consensus et quand il fallait agir, ils commençaient par s’inspirer des Saintes Écritures. Nous avons des lois, et avant tout, les Saintes Écritures. On peut dire qu’il existait une symphonie. C’est-à-dire que l’Église et le gouvernement et le Tsar ou l’Empereur allaient de concert, ils s’inspiraient aussi des Saintes Écritures. On ne fusillait pas arbitrairement, comme pendant cette période où quand quelqu’un ne faisait rien de mal, mais défendait la foi, on le fusillait pour sa foi. Il était prêtre, coupable d’aucun crime, et donc la troïka décidait juste qu’il devait être fusillé.
Batiouchka, pensez-vous qu’il soit possible de restaurer la monarchie en Russie dans un futur prévisible?
Eh bien, ce serait possible évidemment, si on ne nous avait pas autant conditionnés, presque pendant un siècle, nous avons été «travaillés» et conditionnés par le communisme… Combien de golodomors n’ont-ils pas commis en Russie… Ils promettaient de construire le paradis sur terre, mais où est-il ce paradis, après un siècle? Combien de malheurs, de misère, de destruction, durent-ils tous endurer… Je ne dois pas aller loin. Mon grand-père et ma grand-mère sont morts de faim. Le voilà, leur paradis…
Où vivez-vous?
Ni dans le Nord, ni à l’Est; dans la riche contrée de l’Oblast d’Orlov.
Merci, Batiouchka. Mais je ne peux m’empêcher de vous demander ceci encore: maintenant, c’est le Grand Carême. Dites-nous ce qu’est pour vous ce Carême et combien votre vie, pendant celui-ci, diffère-t-elle de votre vie en autre temps.
Le Carême, bien sûr, c’est l’abstinence. Le Seigneur Lui-même jeûna quarante jours. Moïse jeûna à deux reprises pendant quarante jours. Je pourrais vous donner encore beaucoup d’exemples. Nous avons maintenant un Guide du Grand Carême; c’est un livre remarquable. Je viens de commencer à le lire un peu. L’homme a besoin d’abstinence, de comprendre que, comme Adam, l’homme doit renforcer son état spirituel afin de ne pas donner accès à la débauche, qui règne partout. Et la prière, comme le jeûne, est très importante, évidemment…
Que souhaitez-vous à tous ceux qui sont maintenant entrés en carême?
Eh bien, l’abstinence. Bien sûr, le jeûne, c’est pour ceux qui sont en bonne santé. C’est par trop exagéré de pratiquer à fond l’abstinence alors qu’on est malade… Pour celui qui est malade, le jeûne n’est pas obligatoire. Le malade peut prendre conscience de ce que le Carême consiste à s’imposer des privations, et ce peut être en partie seulement. Une démarche ainsi adoucie peut convenir au malade. Mais clairement, il s’agit de tuer les passions et pas de se tuer soi-même. Et tout rigorisme en cette matière est inapproprié aux malades.
Batiouchka, je souhaite enfin vous demander votre bénédiction, pour moi-même et pour notre chaîne de télévision.

Photo : Ruskline.ru

Que Dieu vous bénisse. Que Dieu vous aide. A tous, je dis d’apprendre à connaître Dieu et à accueillir la vérité dans notre esprit. Afin que nous soyons sauvés. Dans la vie, l’essentiel, si nous ne voulons pas nous détruire spirituellement, c’est l’âme de l’homme, bien entendu. J’espère que vous voudrez être fidèles à l’Église Chrétienne Orthodoxe et que vous voudrez sauver l’essentiel, c’est-à-dire votre âme. Comme dit le Seigneur: «Cherchez avant tout le Royaume des Cieux!» Et sachez cette vérité unique: Dieu est la vie éternelle.
Traduit du russe
Source.