Voici la deuxième partie de la traduction de la longue homélie prononcée par le Saint Archevêque Martyr Seraphim (Tchitchagov) de Saint-Pétersbourg, lors de la pannychide qu’il célébra à l’occasion du quarantième jour suivant le décès du saint Père Jean de Kronstadt, dont il était le fils spirituel. La biographie en français du saint hiérarque est disponible dans l’introduction de la superbe traduction de son livre, écrit vers 1896, «Chroniques du Monastère de Seraphimo-Divyeevo» ,publié récemment, en deux volumes, par les Éditions du Désert. La première partie du texte se trouve ici.

Le Saint Vladika Seraphim

Jouissant d’une simplicité et d’une sincérité extrêmes, le Père Jean possédait le don grandiose de la prière. C’était sa caractéristique distinctive. Il croyait profondément, de tout son cœur, en ce qu’il avait reçu de Dieu, en qualité de prêtre, la grâce de prier pour les enfants de Dieu. Il croyait que le Seigneur était proche du fidèle chrétien, à la manière du cœur et du corps, car notre corps est le temple de l’Esprit Saint Qui vit en nous et Que nous avons reçu de Dieu. Il croyait en la prière, il croyait que ces paroles de prières sont suivies d’actes, comme le corps est suivi par son ombre, car chez le Seigneur, paroles et actes sont indissociables, et, sans douter le moins du monde que Dieu accéderait à ses demandes, il demandait très simplement, très sincèrement, comme un enfant, avec sa foi vivante et clairvoyante en Dieu, et il Se le représentait non seulement Se tenant devant lui, mais il s’imaginait être tellement proche qu’il se sentait comme étant «en Lui». Il considérait même que douter de cela équivalait à un blasphème contre Dieu et à un fieffé mensonge du cœur. Il disait : «Ce n’est donc pas suffisant de voir l’impuissance des hommes, nous voulons en plus voir l’impuissance en Dieu Lui-même, espérant secrètement qu’il n’exauce pas nos demandes?!». Quand le Père Jean priait, il essayait en général de prier pour tous les fidèles plutôt que pour lui seul. Il n’opérait pas de distinction entre lui et eux, et se trouvait en unité spirituelle avec eux. S’il voyait chez quelqu’un un défaut ou une passion quelconque, toujours, il priait secrètement pour lui, où qu’il se trouvât, pendant la célébration de la Liturgie, en chemin, ou en conversation. Marchant dans la rue, s’il apercevait des gens menant mauvaise vie, de son cœur s’élevait immédiatement vers Dieu sa prière demandant : «Seigneur, éclaire l’esprit et le cœur de Ton serviteur que voici, purifie-le de la souillure!», ou demandant, à l’aide des paroles des psaumes ce qui était le mieux adapté à la situation de l’homme ou de la femme qu’il venait de voir. Jamais, il ne laissait passer une occasion de prier suite à n’importe quelle demande, estimant que la prière pour autrui est un bien pour soi-même, car elle purifie le cœur, affermit la foi et l’espérance en Dieu et réchauffe l’amour pour le Christ et le prochain. Le Père Jean priait selon la foi qu’avaient en sa prière ceux qui la sollicitaient, et il ne s’attribuait jamais rien. S’il lui arrivait de raisonner celui qui s’était dévoyé, de consoler celui qui était tombé dans le désespoir, il invitait invariablement, à la fin de la conversation, à prier ensemble, ayant sincèrement conscience que les mots seuls ne suffisent pas à corriger les défauts des autres;il fallait en outre implorer l’aide de la force de Dieu.

Le Saint Hieromartyr Seraphim

Une autre particularité du podvig de prière du Père Jean consistait en l’attention exceptionnelle qu’il attachait à ce que sa prière vienne du cœur, et il l’interrompait sur le champ lorsqu’il se rendait compte que la prière était seulement extérieure, mécanique, dirions-nous. Il s’exerçait à suivre les mouvements de son cœur dans la prière. Ceci confirme une caractéristique de son esprit que j’ai abordée dès le départ. Il considérait que la prière cérébrale ou superficielle était une offense faite à Dieu, car Celui-ci appela l’humanité à Lui par ces mots : «Fils, donne-Moi ton cœur!» (Prov.23,26). Le ¨Père Jean enseignait qu’il était bon de faire preuve d’obéissance envers notre mère l’Église, en lisant de longues prières et des acathistes, tel que le prescrit l’oustav, mais il convenait de le faire avec sagesse. Que celui qui est capable de se tenir longuement en prière le fasse, mais si c’est incompatible avec l’ardeur de notre esprit, mieux vaut faire de courtes prières, car comme le dit l’Apôtre:«…le royaume de Dieu ne consiste pas en paroles, mais en puissance»(1Cor.4,20). «Quand nous prions, nous devons obligatoirement maîtriser notre cœur et le tourner vers le Seigneur, et en aucun cas nous ne devons élever vers Dieu une seule exclamation qui ne proviendrait pas du fond de notre cœur. Quand au moment de la prière nous apprenons à ne dire que la vérité de notre cœur, alors nous prenons réellement conscience de ce que la prière sincère et vraie purifie notre cœur du mensonge, et nous ne nous permettons pas de mentir dans notre vie». Dès lors, le Père Jean trouvait utile pendant l’office ou pendant la prière, de dire parfois quelques mots personnels, respiration de notre foi ardente et de notre amour pour le Seigneur.
Notre cher Batiouchka Jean étonnait et parfois surprenait tout le monde par la profondeur de sa prière. Sur base de mes entretiens avec lu, voici comment je puis décrire sa situation quand il était en prière:il se tenait debout devant le Seigneur, comme devant le soleil, et ressentant l’inexprimable éclat de la lumière divine, il fermait les yeux et sentait clairement qu’il était présent dans les rayons de cette lumière et en recevait chaleur, joie et proximité avec le Christ-Sauveur. Quand il priait après avoir communié aux Saints Dons, Batiouchka ressentait parfois que le Seigneur pénétrait en son corps, jusqu’en son cœur, de la même façon que le Seigneur, après la résurrection pénétra à travers les murs dans la maison des apôtres. Alors, il atteignait la conscience de l’apaisement de son âme invisible en Dieu invisible.(A suivre)
Traduit du russe
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