Le texte ci-dessous, propose la première traduction en français de la longue biographie du Saint Starets Jérôme (Solomentsov). En 2012, le Saint Monastère athonite de Saint-Panteleimon a publié un épais «Paterikon des Athonites Russes des XIXe et XXe siècles». Ce texte en est extrait. Le 27/14 novembre 1885, le Starets et Père spirituel de tous les agiorites russes, Jérôme (Solomentsov) s’en est allé auprès du Seigneur. Ce puissant guide spirituel, élu par la bénédiction particulière de la Très Sainte Mère de Dieu, dirigea la communauté russe du Monastère Saint-Panteleimon. Il devint par la suite le père spirituel de tous les moines russes de l’Athos. La Providence divine le chargea d’une obédience particulière et colossale: la restauration du monachisme russe sur le Mont Athos, non pas formellement, mais en profondeur, conformément aux meilleures traditions de la piété monastique. Le début du texte se trouve ici.

Saint Mitrophane de Voronège

En 1840, au moment où le Père Jérôme devint confesseur et père spirituel du Monastère Saint-Panteleimon, celui-ci comptait seulement onze moines russes, mais au bout d’un laps de temps assez court, un nombre impressionnant de frères russes se regroupèrent autour de lui. A la fin de l’année 1841, ils ne pouvaient tous trouver place dans sa petite chapelle dédiée à Saint Mitrophane. En 1846, il y avait plus de vingt moines russes, en 1850, leur nombre atteignait quatre-vingt frères, et au bout de onze ans, c’est-à-dire en 1861, ils étaient 200. Trente cinq ans après l’entrée du Père Jérôme au Monastère, leur nombre était de mille, ce qui en dit long au sujet de l’atmosphère d’élévation spirituelle qu’avaient créée les labeurs du Père Jérôme, sur lequel reposait clairement le sceau de l’élection divine. Pour ce qui concerne son activité économique, le père Jérôme entreprit tout d’abord de répondre à un besoin essentiel de la fraternité qui croissait : la construction de nouvelles églises et l’amélioration des églises existants. Ainsi, en 1845, l’église principale du monastère, l’église du Saint Mégalomartyr et Thaumaturge Panteleimon fut reconstruite. De nouvelles église ont été érigées: en 1846, l’église Saint Mitrophane, et en 1850, l’église du Pokrov. Les activités économiques et les constructions nécessitaient des fonds considérables, dont on ne disposait pas. En outre, la situation était compliquée par l’énorme dette qui pesait sur la communauté depuis les temps anciens et qui ne permettait pas de penser au développement imminent de celle-ci. Mais cela n’arrêta pas le Père Jérôme. N’ayant rien d’autre que le témoignage de son père spirituel, le Starets Arsène, attestant qu’en cela résidait la volonté de Dieu, le nouveau père spirituel commença envers et contre tout à réparer les anciens bâtiments et à en construire de nouveaux. Le Père Jérôme n’eut pas honte de rappeler au pays natal l’existence du monastère, ni de tendre la main et demandant d’aumône pour le monastère. Mais une première tentative, datant en 1841, s’avéra infructueuse. La Russie semblait avoir oublié son ancien monastère sur le Mont Athos, sa lampe qui brûle sur la Sainte Montagne. Cependant, l’impression qu’il n’y aurait pas d’aide n’était qu’une apparence. Le Père Jérôme lui-même envoya des appels dans lesquels il racontait la Sainte Montagne, évoquait le monastère russe, son importance pour la Russie orthodoxe et sa situation calamiteuse. Il croyait que le cœur russe ne pourrait demeurer insensible et de abandonner la communauté sans aide. Le Starets en était fermement convaincu: le Saint Mégalomartyr et Thaumaturge Panteleimon se souciait de son monastère, et il arrangerait tout. Sa foi ne fut pas couverte de honte.

Le Grand Duc Constantin Nikolaevitch Romanov

En 1844, un don fut reçu de Saint-Pétersbourg, une chasuble d’argent pour honorer l’icône du Saint Mégalomartyr et Thaumaturge Panteleimon du monastère. Et l’année suivante, en 1845, un événement se produisit, qui devint une étape importante dans l’histoire du monastère: la Sainte Montagne et le monastère russe reçurent la visite du Grand-Duc Constantin Nikolaïevitch. Cette visite est considérée comme significative non seulement parce qu’elle éleva l’autorité de ce monastère aux yeux des Grecs, mais aussi parce qu’elle attira l’attention de nos compatriotes en Russie sur la communauté. La Maison impériale manifesta sa compassion la plus vive envers le sort de la fraternité russe du Mont Athos. Cette impériale attention contribua à la reprise des pèlerinages réguliers et des aumônes en provenance de Russie. La communauté acquit des bienfaiteurs parmi les représentants des différentes classes de toutes les horizons de la terre natale. Grâce aux aumônes de ces bienfaiteurs, il devint possible de commencer à apurer les anciennes dettes, de construire l’église du Pokrov et le bâtiment des cellules des frères, et même de commencer une activité d’édition. Le père Jérôme appréciait même le plus humble des dons et remerciait chaleureusement pour chaque bonne action. Cette gratitude et cette reconnaissance sincère, ainsi que le soutien tangible des prières de la communauté, permirent de pérenniser le mouvement d’aide au monastère russe, de sorte que celle-ci ne tarit jamais et fut, selon le Starets lui-même, la contribution principale à la construction des bâtiments et aux aménagements du monastère.
Le Starets Jérôme commanda à ses successeurs et à ses frères de préserver comme la prunelle de l’œil la reconnaissance pour les dons et la prière à la mémoire des bienfaiteurs, et dans son testament, il ordonna à ses successeurs et à ses frères d’observer cette tradition et de l’accomplir comme un devoir sacré et suprême.
Comme nous l’avons déjà mentionné, l’augmentation du nombre de frères russes du monastère mit en évidence la nécessité de construire une autre église nouvelle et spacieuse, ainsi que la construction d’un bâtiment pour les cellules des frères. Mais l’esprit du Père Jérôme ne se consacrait pas seulement à prendre soin de ce qui est terrestre. Sa pensée s’élevait vers le spirituel. Il voulait construire non seulement une nouvelle église, mais un symbole de la bienveillance De la Très Sainte Mère de Dieu envers le monastère russe et les moines russes, un monument à Son Nom très Pur de la part des habitants, reconnaissants, du monastère. Du cœur même du grand Starets naquit le nom de la future église — l’église du Pokrov.
A l’intérieur du monastère, il n’y avait pas de place pour la construction d’une église suffisamment grande. Rappelons que lors de l’installation des russes, sous la direction du Père Paul dans le monastère, l’higoumène Gérassime leur fournit pour résidence le bâtiment situé au Nord-Ouest, appelé résidence du ktitor (aujourd’hui résidence de l’higoumène, ou Résidence Archange Saint-Michel), avec la chapelle des Saints Anargyres Côme et Damien, rebaptisée en l’honneur de Saint Mitrophane de Voronège.
Sur base du mur d’enceinte à l’Est, le bâtiment avait adopté sa hauteur et sa longueur d’origine; cela correspondait à la longueur du mur d’enceinte fortifié et doté de petits créneaux du monastère de l’époque, mur qui s’appuyait sur le haut pyrgos crénelé, véritable tour de guet, d’où le frère de garde scrutait les environs du monastère. Compte tenu de l’absence totale de place pour un nouveau bâtiment et pour une église, le Père Jérôme prit une décision grandiose: construire le bâtiment le long des murs fortifiés, et construire une église au-dessus de celui-ci. Au sommet de la tour de garde du monastère, qui n’était plus nécessaire, il fut ainsi décidé d’installer une chapelle en l’honneur de l’Ascension du Seigneur, en mémoire du Monastère de l’Ascension qui existait autrefois ici, skite de montagne du Haut Russikon. Ayant soumis cette idée au père higoumène et au conseil des anciens, le Père Jérôme reçut leur bénédiction et leur consentement complets pour sa réalisation. Immédiatement, il entama résolument la construction, sans disposer de moyens, s’en remettant entièrement à la Divine Providence, la faveur de la Très Sainte Mère de Dieu et l’aide du Mégalomartyr et Thaumaturge Pantéléimon. La construction commença en 1850 et fut réalisée principalement grâce aux dons du peuple russe. Les membres des différentes classes de marchands apportèrent également leur contribution.

Le Père Macaire (Photo: Isihazm.ru)

En 1851, Mikhail Souchkine, le futur Père Macaire, entra au monastère. Il invita ses parents à fournir toute l’aide possible à la construction d’une église monumentale. L’église du Pokrov devint le symbole de la Renaissance du monachisme russe sur la Sainte Montagne, alors qu’il était en extinction. Dominant tout le complexe de bâtiments monastiques par ses caractéristiques architecturales extérieures, par son intérieur et par son appellation russe, la majestueuse église du Pokrov grava pour les siècles la russité du Monastère Saint Panteleimon, qui pour nos frères avait semblé perdue à jamais.
En ce qui concerne le nouveau bâtiment, qui servait de fondations à l’église du Pokrov, il convient de noter que, malgré sa taille énorme, il s’avéra insuffisant en raison de l’augmentation continue du nombre de frères. Rappelons que dans les années 1860, il y avait déjà deux cents moines russes, ce qui faisait, avec les grecs, quatre cents moines, et quinze ans plus tard, près d’un millier. En raison de cela, dans les années 1860, grâce aux dons du marchand Souchkine et aux aumônes recueillies par le Père Arsène (Minine), sur proposition du Père Jérôme, l’épais mur fortifié oriental fut démonté. Il reliait perpendiculairement l’ancienne tour de guet du monastère avec la tour du Saint Précurseur intégrée au bâtiment des Grecs. Et sur l’espace ainsi libéré, situé auparavant hors des limites du monastère, on construisit de nouveaux bâtiments, de sorte qu’à la suite de ces travaux la superficie du monastère fut plus que doublée.
La construction de l’église du Pokrov fut un événement historique et culminant dans l’histoire de la Renaissance du monastère russe. Cette construction mit fin à la période d’émergence de la communauté. Débuta alors son apogée glorieuse, associée à l’activité des grands starets et au patronage spécial, à la faveur et la protection de la Très Sainte Mère de Dieu, dont les grâces et un nombre incalculable de miracles bénéficièrent à la communauté et à cette église. Par conséquent, celle-ci peut sans aucun doute être qualifiée de grande église miraculeuse du monastère russe. On peut affirmer avec certitude que c’est avec sa construction que s’accomplirent les paroles prophétiques que le Starets Arsène avait adressées au Père Jérôme : «Va en paix, mon enfant! Là-bas, il y a quelque chose de merveilleux!». (A suivre)
Traduit du russe