«... en 38 années de sacerdoce presbytéral et épiscopal, j'ai prononcé environ 1250 homélies, dont 750 furent mises par écrit et constituent douze épais volumes dactylographiés...»
(Le Saint Archevêque Confesseur et chirurgien Luc de Crimée)
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La version russe de l’homélie ci-dessous fut mise en ligne le 28 août 2020, sur le site internet de la paroisse du Saint Archevêque et Confesseur Luc de Crimée, à Ekaterinbourg. L’homélie fut prononcée le 28 août 1951.

Qui sur terre eut une mort pareille à celle de la Très Sainte Mère de Dieu? Quel lit de mort entouraient les visages des Apôtres? À la tête de quel lit de mort brilla la lumière céleste émanant d’un rameau du paradis apporté par l’Archange Gabriel trois jours avant la mort de la Très Sainte Mère de Dieu? De qui notre Seigneur et notre Dieu, Jésus Christ Lui-même est-Il venu recevoir l’âme?

Oh! Personne, personne, certainement personne! Ce ne fut pas une mort, mais la bienheureuse Dormition que que nous qualifions de mort de la Très Sainte Mère de Dieu. Elle s’endormit d’un bienheureux sommeil Éternel. En Elle s’accomplirent les paroles du Sauveur: «En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et croit à celui qui m’a envoyé a la vie éternelle, et n’encourt point la condamnation, mais il est passé de la mort à la vie» (Jean 5;24).
Est-il possible d’imaginer que la Très Sainte Mère de Dieu, Saint Jean le Baptiste, les saints apôtres, les saints prophètes, toute la myriade des martyrs comparaissent au Jugement?!
Oh non, Oh non! Cela, on ne peut l’imaginer. Les paroles de Saint Jean le Théologien tirées du chapitre vingt de son Apocalypse au sujet de la première et la seconde mort s’accomplirent en eux. La première mort est ce que tout humain éprouvera; la mort du corps. Et la seconde mort, c’est la terrible mort éternelle de ceux qui sont embourbés dans les péchés, qui entendront les paroles terribles du Christ: «Eloignez-vous de Moi, maudits, dans le feu Éternel, préparé pour le diable et ses anges». La seconde mort, bien sûr, tous les justes n’y goûteront pas, tous ceux dont la fin fut semblable à celle de la Très Sainte Mère de Dieu, qui ne fut pas la mort angoissante, habituelle pour les gens, mais une dormition bienheureuse. Car nous savons que beaucoup de grands justes ont terminé leur vie par une dormition bienheureuse. Notre père théophore, Saint Seraphim de Sarov s’endormit à genoux devant l’icône de la Très Pure Mère de Dieu. Et tout comme lui, c’est à genoux devant les icônes que mourut le grand saint hiérarque de la Terre Russe, Saint Philarète, le Métropolite de Moscou.
Bienheureux fut la mort de très nombreux justes. Nous venons de l’entendre, et nous entendons lors de chaque liturgie ces paroles terribles: «Elle est féroce, la mort des pécheurs». Ô combien féroce est-elle la mort des pécheurs!
Oh, si vous saviez ce que j’ai vu, et que je n’oublierai jamais: j’ai vu mourir un malheureux archiprêtre au coeur endurci, un ancien missionnaire qui avait ensuite renié Dieu et se mit à la tête de la propagande antireligieuse. Oh, comme sa mort fut terrible! Elle était comme la mort d’Hérode, au cœur si dur, meurtrier de Saint Jean le Baptiste, et qui fut rongé vivant par les vers: il avait un cancer à un endroit malodorant, et dans une énorme plaie grouillait des vers, et il en émanait une telle puanteur insupportable que tout le monde refusait de le soigner. Beaucoup, beaucoup de gens meurent dans des souffrances atroces et insupportables. D’une mort honteuse meurent pendus à la potence et sur le billot les traîtres à la patrie, et les malfaiteurs qui ont tué beaucoup de gens. Aux pieds des clôtures, des ivrognes malheureux meurent dans la boue. Oh, comme tout cela est terrifiant! Féroce est la mort des pécheurs!
Que le Seigneur Jésus-Christ nous préserve tous, pécheurs, d’un tel sort terrible et honteux. Que notre mort soit, au moins dans une moindre mesure, semblable à une dormition bienheureuse.
Que faut-il pour que nous acquérions une dormition bienheureuse, pour que notre mort ne soit pas la mort féroce des pécheurs? Qu’est-ce qui nous empêche d’obtenir une mort bienheureuse?
Chaque matin, lors de la lecture de l’hexapsalme, vous entendez les paroles du prophète et psalmiste David: «il n’y a rien de sauf dans mes os à cause de mon péché» (Ps.37;4). Les péchés, les péchés, nos incalculables maudits péchés nous privent de la paix. Et d’une mort bienheureuse seront dignes seuls ceux qui auront acquis la paix, la paix bénie de Dieu. Le Seigneur et notre Dieu Jésus-Christ, peu de temps avant Son Ascension, a dit à Ses disciples: «Je vous laisse la Paix, je vous donne Ma paix»(Jean 14;27). Il a laissé à tous les justes, à tous ceux qui cheminèrent à la suite des saints apôtres, la paix divine. La paix du Christ est la paix de l’esprit, la paix éternelle, indestructible. Elle est indissolublement liée à la joie du Saint-Esprit, à la sagesse suprême: elle n’est perturbée par aucune insulte, aucune privations de biens, aucune souffrance. La paix que donne le monde est une paix extérieure, l’absence d’attaques extérieures. Elle est très fragile: la paix d’aujourd’hui, la guerre de demain. Mais ce ne sont pas seulement les guerres entre les peuples qui ôtent la paix: nous nous battons tous constamment les uns contre les autres, et la paix que donne le monde est une brève suspension des attaques des gens contre nous et de nos attaques contre eux. Nous avons besoin non seulement d’une paix de cette sorte, mais aussi de cette paix, dont a dit David, le prophète, dans le psaume 36 (verset 11): «...les doux posséderont la terre et goûteront les délices d’une paix profonde».
Pour hériter des délices d’une paix profonde, il ne suffit pas de faire preuve de douceur et d’humilité. Cette paix est donnée à ceux dont les yeux versent sans cesse des larmes, non pas des larmes d’affliction, que vous avez en abondance, mais d’autres larmes, les saintes larmes, les larmes amères du repentir de vos péchés, les larmes répandues sur le mal, l’injustice et la souffrance, qui sont si nombreux dans le monde, les larmes pour ceux qui meurent dans l’ignorance de notre Seigneur Jésus-Christ, pour ceux que la Croix du Christ laisse indifférents. Ceux qui savent répandre pareilles larmes, ce sont les seuls qui recevront la paix du Christ, la paix éternelle et indestructible.
Par quelle voie atteint-on une telle paix?
Par la voie que l’Apôtre Paul indique, quand il écrit : «Marchez selon l’esprit ; et vous n’accomplirez pas les convoitises de la chair. Car la chair a des désirs contraires à ceux de l’esprit, et l’esprit en a de contraires à ceux de la chair ; ils sont opposés l’un à l’autre, de telle sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez»(Gal.5;16-7). Nous devons vivre la vie de l’esprit, pas la vie de la chair. Il est nécessaire dans cette vie d’accomplir les podvigs constants de la lutte de l’esprit contre la chair, et d’acquérir les grands fruits de l’esprit, que Saint Paul définit ainsi: «Le fruit de l’Esprit, au contraire, c’est la charité, la joie, la paix, la patience, la mansuétude, la bonté, la fidélité, la douceur, la tempérance. Contre de pareils fruits, il n’y a pas de loi»(Gal.5, 22–23). Ceux-là, seuls ceux qui vivent la vie de l’esprit et non la vie de la chair, recevront la paix. La paix qu’ils recueillent dans leur cœur tout au long de leur vie, jour après jour, telle l’abeille qui recueille le pollen des fleurs. Elle travaille toute la journée. Nous devons aussi travailler pour le Seigneur tous les jours de notre vie, nous devons également collecter les grains de la paix de l’âme en accomplissant constamment les œuvres non pas de la chair, mais de l’esprit.
Pensez-vous que le Saint-Esprit, l’esprit de paix, peut habiter dans un cœur où les passions font rage? Peut-il habiter, comme dans son temple, dans un cœur rempli de convoitise charnelle, de passion pour l’argent, dans un cœur grouillant d’envie, de vanité, plein d’orgueil démoniaque?! Oh non! Oh non! Le Saint Esprit n’entrera pas dans un tel cœur plein de passion; il n’y aurait pas de place pour Lui. Maintenant, si vous voulez que votre fin soit une dormition bénie, évidemment pas aussi bénie que la Dormition de la Très Sainte Mère de Dieu, travaillez non pas selon la chair, mais selon l’esprit. Récoltez la paix dans vos cœurs jour après jour. C’est dur, c’est très dur, ça doit être l’affaire de toute la vie, c’est un grand podvig.
Je terminerai ces quelques mots par les paroles de Saint Paul: «que le Seigneur de la paix vous donne Lui-même la paix, toujours et en toutes choses. Que le Seigneur soit avec vous tous! Amen» (2Thes.3;16).

Traduit du russe
Source

 

  1. Pp. 105 et 106 du livre « Святой Врач » (Le Saint Médecin) écrit par l'Archidiacre Vassili Marouchak. (Moscou, Danilovskii Blagovestnik, 2013)