A l’instar de tous les horizons de Russie, de nombreux saints et bienheureux ont en leur temps mené leur podvig à Saint-Pétersbourg et dans sa région. On se souviendra sûrement de la Bienheureuse Xénia, de Saint Jean de Kronstadt et de Saint Seraphim de Vyritsa, mais une myriade d’autres saints justes et moines leur tiennent compagnie dans ce coin de Ciel de notre Église Triomphante. Il en est ainsi de la Bienheureuse Lioubouchka. Comme Sainte Xénia, elle mena le podvig de folle-en-Christ, et de plus, elle fut aussi pendant des décennies, le pivot d’un intense vie spirituelle dans la région, mais s’étendant aussi  jusqu’à la Laure de la Trinité Saint Serge. En effet, le Starets Naum (Baiborodine) de bienheureuse mémoire envoyait régulièrement ses propres enfants spirituels auprès de la Staritsa de Sousanino, à proximité de Vyritsa, pour y recueillir sa bénédiction et ses conseils. Plusieurs livres ont été écrits à son sujet. Le texte ci-dessous est le début de la traduction de différentes pages d’un sobre site internet russe  consacré à la Bienheureuse Lioubouchka de Sousanino.

La Bienheureuse Lioubouchka naquit le 17 septembre 1912 dans la famille paysanne des Lazarev. Son père s’appelait Ivan Stepanovitch et sa maman Evdokia Ivanovna. Ils vivaient dans l’Oblast de Smolensk, selon le témoignage de Lucie Ivanovna Mironova, sœur spirituelle et auxiliaire de la Bienheureuse Lioubouchka. Et le père était le marguillier de l’église de la paroisse.Ivan Stepanovitch et Evdokia Ivanovna eurent beaucoup d’enfants, Lioubouchka était la cadette. La mère de la fillette avait quatre sœurs. Elles s’appelaient Anicia, Mavra, Maria, et Barbara. Les tantes de Lioubouchka étaient chastes et éprises de Dieu; elles fréquentaient l’église et y emmenaient avec elles leur jeune nièce qui, dès son enfance, manifestait un penchant pour le divin.
À l’âge de cinq ans, la fillette devint orpheline: sa mère pieuse s’en alla au Seigneur. Dans le monde, c’était l’année 1917, année des troubles sanglants en Russie. Ivan Stepanovitch, impliqué dans les affaires de l’Église fut exilé en Sibérie par les nouvelles autorités. De braves gens, ne voulant pas laisser mourir les orphelins, les prirent dans leurs familles. Le serviteur de Dieu Ivan ne rentra jamais à la maison.
Quand Lioubouchka eut 18 ans, une de ses tantes voulut la marier à un voisin et on lui envoya les marieurs : «Je veux t’établir une situation». Mais Lioubouchka dit qu’elle ne voulait pas se marier et devait servir Dieu : «Le Seigneur établira ma situation. Il ne m’a pas créée pour le monde, mais pour Lui-même». Si elle est un fardeau pour sa tante, alors elle partira. Et la jeune fille partit à Leningrad chez son frère aîné, qui prit soin d’elle. Il l’ installa chez lui et s’arrangea pour qu’elle devint cordonnière à la fabrique «Le triangle rouge».
L’entreprise employait de nombreux jeunes, qui cherchèrent aussi des rencontres avec cette salariée modeste et silencieuse, mais le cœur de celle-ci aspirait à autre chose. A l’usine, on soupçonnait le lait d’être nocif. Lioubouchka donnait le sien à ses collègues, qui avaient des enfants; déjà à l’époque, elle jeûnait. Dans ce travail, elle contracta la tuberculose, apparemment par épuisement; les médecins décelèrent des taches aux poumons.
Elle dût changer de travail et s’engager dans une usine de lingerie. Ici, on essaya de la forcer à tricher, à frauder. On lui disait de couper chaque drap en deux pour en faire deux. Lioubouchka refusa, disant : «Cela, je ne le ferai pas, c’est un péché». Elle priait souvent à la Cathédrale de la Théophanie-Saint-Nicolas, ainsi qu’à l’église du Saint et Juste Job, au cimetière Volkovskoë. Elle vivait à proximité avec son frère et son épouse, dans un appartement commun, dans l’immeuble n°46 rue de Tambov. Elle se nourrissait à peine, buvant du thé et mangeant du pain. Dans la famille de son frère, ils cuisinaient des plats de viande, mais Lioubouchka ne mangeait pas de viande. Saint Seraphim de Vyritsa, le grand jeûneur : «nous devons conclure la paix avec les animaux». Un jour, elle s’écroula de faiblesse, dans la rue et se mit à appeler le Seigneur. Le médecin ambulancier refusa de l’emmener au dispensaire: «elle ne fait pas partie de mes patients». Et la jeune fille, compte tenu de certaines «bizarreries» dans son comportement, fut emmenée dans un hôpital psychiatrique. Elle parvint à s’en échapper, y abandonnant son passeport entre les mains des médecins. Ce qu’elle dût endurer là, seul le Seigneur le sait. Lioubouchka raconta à Lucie Ivanovna qu’après s’être échappée de l’hôpital, elle n’avait rien mangé pendant trois jours. Elle avait honte de demander. Par la grâce de Dieu, elle rencontra une femme croyante qui, après avoir vu la jeune fille pleurer, la prit en pitié et la nourrit. Après cela, elle eut des problèmes avec son frère. Tout cela rendit sa vie très difficile. Le dégoût de la vie trépidante de ce monde et le désir de se consacrer entièrement au service de Dieu la forcèrent à s’éloigner de tout et elle commença une vie d’errante. Il plut au Seigneur que Lioubouchka accomplisse le podvig de la folie-en-Christ. Pour cela, la bienheureuse reçut la bénédiction du Saint Hiéromoine du Grand Schème Seraphim de Vyritsa. A certains de ses enfants spirituels, le Saint Starets Seraphim donnait pour obédience de nourrir spirituellement les orthodoxes. Incapable de recevoir tout le monde, il priait pour que le Seigneur accorde de l’aide à certains par l’intermédiaire de gens qui lui étaient spirituellement liés, tant pendant sa vie qu’après sa mort. C’était une activité cachée du Starets de Vyritsa.

Beaucoup de justes de Dieu étaient sur la terre sans toit au-dessus de leur tête, à l’imitation du Seigneur, qui a dit «les renards ont des terriers et les oiseaux du ciel ont des nids; mais le Fils de l’Homme n’a pas d’endroit où poser la tête» (Math.8;20). Sans-abri fut la Bienheureuse Xenia de Pétersbourg. Pendant dix ans, la Sainte Moniale Paule (Korotkova), future héroïne de l’ascèse du Monastère Saint Sauveur de Borodino, et comptée aujourd’hui parmi les saints de Russie, mena une vie d’errance. Elle allait de maison en maison, la Bienheureuse Matronouchka, aujourd’hui également glorifiée. Mère Makaria Temkinskaia a vécu longtemps dans la rue, rampant sur le sol; depuis son enfance, ses jambes ne pouvaient se plier. Ainsi, la Bienheureuse Lioubouchka erra pendant de nombreuses années avant que le Seigneur ne la mette au service de tous.
L’errance est la soumission à la volonté de Dieu, l’absence de tout espoir en soi-même, et l’espérance en la miséricorde du Seigneur, vulnérabilité, mais en même temps bouclier céleste, privation de tout soutien terrestre, mais acquisition d’une forteresse dans l’âme, dont la pierre angulaire est le Christ. En errant, on s’appuie sur le Sauveur qui est en nous. L’errant n’est rien sans le Seigneur, il n’a pas d’autre espoir, et il renforce sans relâche sa relation avec le Fils de l’Homme, se reposant entièrement sur Lui.
L’errance, la persécution, le cheminement en pèlerin, sont de très grands dons de Dieu, et seulement pour ceux qui n’ont pas d’yeux, ils sont assimilés au vagabondage. Avec la prière tout est bien partout, entre quatre murs, et sur la grande route. Mais l’errance dépourvue de la grâce, comme celle de Caïn, équivaut à se vautrer paresseusement dans le péché même si le pécheur est assis dans sa propre demeure. Le Seigneur ne prive pas celui qui est pourchassé des sources de la vie, au contraire, il les multiplie mille fois. Il guide le voyageur selon Ses propres voies, et en fait Son instrument sur terre. Après la guerre, Lioubouchka vécut sans maison, sans document d’identité. A cette époque, c’était une infraction grave, et ceux qui en étaient coupables pouvaient être emmenés à la police et même mis en prison, mais Lioubouchka cheminait dans la vie telle une gardienne protégée par les Anges.
Les trésors spirituels intérieurs dans les âmes des personnes véritablement dévouées à Dieu sont généralement cachés sous l’humilité et le silence, et les œuvres et les podvigs de Lioubouchka en ces années demeurent cachés aux yeux des hommes. Elle passait la nuit où elle pouvait, souvent en plein air. Elle souffrait du froid et de la faim, du gel et de la pluie, elle allait pieds nus, à moitié vêtue. Elle vivait dans les bois, dans les cimetières. Parfois, elle logeait la nuit chez des chrétiens, et parfois aussi aussi chez des non-croyants, si en esprit elle avait aperçu qu’ils se perdaient, et elle pouvait ainsi prier pour eux. L’Apôtre Paul a dit de tels justes : «eux dont le monde n’était pas digne, ils ont été errants dans les déserts et les montagnes, dans les cavernes et dans les antres de la terre» (Hébr.11;38). Et c’est par leurs prières seulement que ce monde tient encore. A cette époque, Lioubouchka parcourait tous les lieux saints de Russie, dont la plupart étaient alors dévastés, les églises étaient désertes. Elle cheminait au long des routes, cherchant le Royaume des Cieux.

La Staritsa Marie

Elle priait devant les ruines chères au cœur de tous les Orthodoxes, implorant la miséricorde le Seigneur afin que les cloches sonnent à nouveau en ces lieux, que les cierges s’allument et que débute le Sacrifice non-sanglant. Selon certaines informations, elle aurait même rendu visite aux ermites des Monts du Caucase. Mais toujours, après les errances, elle revenait, invariablement, à Son cher père spirituel. Après que le 3 avril 1949, le Saint Hiéromoine du Grand Schème Seraphim passa en la vie éternelle, Lioubouchka se rendit souvent sur le lieu où il reposait; c’était pour elle une grande source de réconfort. Le Saint Starets donna pour instruction à ses nombreux enfants spirituels de venir à lui, sur sa tombe, lors de tous les malheurs, toutes les tribulations, les maladies, et de lui parler comme quand il vivait. La Bienheureuse Lioubouchka était du nombre de ces enfants spirituels. Selon certaines sources d’informations, la bénédiction de mettre fin à ses errances et obédiences dans les environs de la ville de Pierre fut donnée à Lioubouchka par la Bienheureuse Staritsa Maria Pavlovna, qui menait son podvig à la Cathédrale de la Théophanie-Saint Nicolas. Cette merveilleuse servante de Dieu fut la fille spirituelle du Starets Barnabé de la Skite de Gethsémani, et ensuite de son ami et fils spirituel, le Hiéromoine du Grand Schème Seraphim de Vyritsa. (A suivre)
Traduit du russe.
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