Le texte ci-dessous est la première partie de la traduction du texte «Хранить веру и жить по вере – вот что я желаю как Патриарх» Памяти Патриарха Сербского Иринея» (Préserver la foi et vivre selon la foi, voilà ce que je souhaite en tant que Patriarche. Souvenirs du Patriarche Serbe Irénée). L’écrivain et traductrice Светлана Луганская y fait part de ses souvenirs relatifs au Patriarche de Serbie, Sa Sainteté Irénée, de bienheureuse mémoire, qui s’est endormi dans le Seigneur voici un an,  le 20 novembre 2020, dans sa 91e année. Le texte original russe, préparé par Madame Olga Orlova, a été publié le 23 novembre 2020 sur le site Pravoslavie.ru.

Dans son mot d’adieu, le Métropolite de Zagreb et Ljubljana Porphire (Peritch) [Qui fut élu récemment au trône Patriarcal de Serbie. N.d.T.] a écrit ce qui suit : «Il servit Dieu et Son Église avec zèle, avec amour, et avec ce même amour, le sacrifice de soi et une grande modestie, il servit son peuple. Dans les circonstances difficiles, pénétré de la sagesse de la Tradition et d’une grande humilité, il demeura fidèle aux valeurs que renferme l’histoire de la Serbie. Les décisions qu’il prit en qualité de Patriarche Serbe, furent toujours pondérées, toujours en accord avec la doctrine de l’Église et l’éthique du peuple. C’est avec beaucoup de tristesse que je me souviens maintenant de nos nombreuses rencontres qui font hélas partie du passé, et de sa vie, dont les caractéristique essentielles furent sa foi profonde, sa modestie et l’absence de toute prétention. Ces qualités le guidaient dans ses relations avec les gens, quels qu’ils soient, patriarches, évêques, hommes d’État ou gens simples, et elles lui permirent de demeurer très attentif et dévoué aux problèmes vécus par le prochain. Et cette attention lui permit de résoudre certaines questions beaucoup plus facilement que quiconque dans son entourage. Ces dernières années, il a traité avec le plus grand amour les affaires liées à l’achèvement de l’église de Saint-Sava. L’image de cette belle cathédrale presque achevée peut être considérée comme une icône de son ministère sur le Trône des patriarches Serbes».Tous nous espérions que la deuxième annonce de la mort du Patriarche Serbe Irénée serait fausse, mais la communication officielle de l’Église orthodoxe serbe a confirmé cette triste nouvelle. Le Patriarcat de l’Église Serbe, avec sa Cathédrale Saint-Michel-Archange, est situé au cœur de Belgrade, et très souvent on pouvait voir Sa Sainteté aller à la cathédrale pour célébrer le soir. Les gens s’approchaient de lui, demandaient des bénédictions, posaient des questions, disaient quelque chose, et pour chaque l’Archipasteur trouvait un mot chaleureux…
J’ai eu de nombreuses occasions de rencontrer le Patriarche Irénée dans différentes circonstances, lors des célèbres foires du livre de Belgrade, auxquelles il a toujours assisté, lors de présentations et de fêtes, après des Offices dans différentes parties du pays, mais le souvenir le plus frappant de nos rencontres personnelles, c’est celui de notre entretien dans le cadre de la rédaction de mon livre «Les gens de l’Église Serbe». Nous nous étions accordés avec sa Sainteté quelques jours avant la rencontre; il avait demandé que les questions lui soient envoyées à l’avance, car il s’agissait d’un récit complet de son parcours de vie et de l’histoire de l’Église Serbe pendant les années difficiles du régime communiste. C’est avec beaucoup d’enthousiasme que je suis allée rencontrer le Patriarche tôt un matin. J’ai été accueillie par un secrétaire qui m’a conduite au deuxième étage du Patriarcat, où se trouvent les appartements très modestes du Patriarche. Il est entré, recueilli, bienveillant, et la conversation a commencé. Je vais la rapporter ici car en Russie, on sait très peu de choses sur la personnalité du Patriarche Irénée, sur son chemin de vie.
«Je suis né dans une famille chrétienne, traditionnellement religieuse. À cette époque, l’époque de mon enfance, c’était la coutume d’observer les jeûnes, j’allais à l’église, je recevais la communion, nous fêtions la traditionnelle slava. Je me souviens peu de mon père car j’étais encore un petit enfant quand il mourut. Maman était une femme très croyante, elle faisait partie du mouvement des «priants», dirigé par Vladika Nicolas (Velimirovitch), elle fréquentait les églises, au Monastère de Jitcha et dans d’autres monastères. Voilà ce que fut l’atmosphère de mon enfance, et elle exerça sur moi une puissance influence. Ce qui fut également très important, c’est que mon village natal se trouvait à proximité des monastères des gorges d’Ovčar-Kablar, des dix monastères, et nous allions régulièrement à l’église, nous allions au monastère de Jovane, un monastère restauré. Ce fut aussi ma première rencontre avec la vie monastique, avec la compréhension de la vie monastique, dont la pensée naquit en moi dès l’enfance et m’accompagna dans ma jeunesse. Très jeune, j’aimais déjà le monastère. Au Monastère de Jovane, il y avait un saint homme, le Père Macaire. C’est chez lui que je me confessais quand j’étais, j’étais fasciné par cette vie, et un jour, contre la volonté de ma mère, et ma mère était veuve, j’ai cessai mes études, et partis vivre au monastère. J’y suis resté un an. Alors, je compris, et un moine très instruit que j’avais rencontré là-bas me recommanda de reprendre mes études au Gymnase, ce que j’ai fait après un an de vie dans ce monastère. Ainsi, la décision d’entrer au séminaire ne me posa aucun problème. Après avoir obtenu mon diplôme au lycée, je suis entré au séminaire, puis à la Faculté de Théologie de l’Université de Belgrade, et je peux dire que je n’ai eu aucun problème majeur relatif à cette décision».
Et par la suite ?
Gloire à Dieu, par la suite, il n’y eut pas de gros problèmes, je n’ai rien fait qui puisse paraître provocant aux yeux des autorités, je respectais la loi, mais je m’en tenais à la voie chrétienne et à un mode de vie chrétien.
Vous avez servi à l’armée?

Le Patriarche Irénée avec sa maman

A l’armée, j’ai été traité avec beaucoup de respect. Bien l’idéologie athée y régnait et le premier ordre que je reçus fut de ne pas aller à l’église. C’était compréhensible. Mais les soldats et les officiers me respectaient et me demandaient souvent de discuter avec eux, non pas dans un but de provocation, mais parce que, tout simplement, ils voulaient en apprendre ce qu’ils ne connaissaient pas. Manifestement, ils provenaient de familles chrétiennes. Si bien que de ce côté, à l’armée, je n’ai pas connu de problème. Après l’armée, je suis arrivé à Belgrade et j’ai poursuivi mes études à la Faculté de Droit, et j’ai même commencé à travailler, mais alors qu’un enseignant du Séminaire de Prizren décéda, on me conseilla de proposer ma candidature. Plutôt pour la forme, je participai à un concours, et je fut reçu en qualité de jeune professeur. Mais, vous savez, ils m’ont posé une condition : je devais prendre la tonsure monastique. Pour moi, ce fut une surprise. J’avais dans l’idée de devenir moine, mais à part moi-même, je pensais ainsi : si je me marie, je ne deviendrai pas prêtre. Mais j’avais continué à penser au monachisme, et donc je reçus la tonsure et j’étais moine quand je suis arrivé à Prizren.
Comment avez-vous reçu la nouvelle de votre ordination épiscopale?
Je ne m’y attendais pas. A l’époque, j’étais très occupé par l’organisation du séminaire, la restauration des bâtiments. Je m’occupais de cela avec amour, j’étais heureux de travailler là, content de mon sort. Mon choix en qualité d’évêque était tout à fait inattendu, mais je l’acceptai avec reconnaissance. Pendant un an, je fus vicaire de Sa Sainteté, ensuite, je devins Évêque de Niš.
Dans quel état avez-vous trouvé l’éparchie ?
Vladika Ioann avait été longtemps, pendant quarante ans, dans l’éparchie. C’était un travailleur et un homme distingué. Il était devenu Évêque de Niš à peu près en 1933, et il avait fait tout ce qui était possible, mais la guerre arriva, et tout devint très difficile, et il était déjà âgé. Il fut remplacé par l’Évêque Basile de Jitcha pendant trois ans. Il remit l’éparchie dans un état convenable, semblable à celui qu’avait induit jadis Vladika Ioann. Ainsi, je me suis retrouvé dans une éparchie relativement bien organisée.
Votre Sainteté, parlez-nous de votre amitié avec le Patriarche Paul. Sans doute vous souvenez-vous de quelques moments privilégiés?

Le Patriarche Paul

Je fis la connaissance du Patriarche Paul alors qu’il était encore laïc, l’année où je me trouvais au Monastère de la Transfiguration. Le monastère était très bien organisé en matière spirituelle; il y avait deux confesseurs célèbres: le Père Bassien et le Père Eustache l’Agiorite. Le Père Bassien appartenait au mouvement des «priants» et il était missionnaire et prédicateur. Le monastère était toujours rempli de gens pieux venus de tous les coins de la Serbie, et cela me donna un sens de la force de la foi, de la force de l’Église, de la conscience de l’importance de celles-ci dans nos vies. Le Patriarche Paul, alors encore Goïko Stoïtchevitch, était dans le monastère voisin, celui de l’Annonciation, et donc nous nous connaissons depuis. Quand arriva le moment d’entrer au séminaire et qu’il était nécessaire d’écrire une requête à l’évêque, je suis allé voir Goïko pour m’aider à rédiger celle-ci. Rapidement, en tant que diacre, il fut nommé instructeur au séminaire, et notre relation s’est poursuivie là-bas. Quand j’ai été nommé professeur, il était déjà Évêque de Prizren, nous avons donc été l’un à côté de l’autre pendant de nombreuses années. C’était un homme noble, un homme de parole, un homme de position ferme, sa parole était inébranlable, la position qu’il occupait était toujours correcte, il ne s’en éloignait en aucune circonstance. En nous, les jeunes, cela suscitait un grand respect pour sa personnalité. Il entretenait de bonnes relations avec tout le monde. Il s’adressait à nous, les étudiants, en nous vouvoyant, contrairement aux autres enseignants, et cela nous rehaussait à nos propres yeux, cela nous affermissait. Nous entretenions avec lui, si je puis dire, une relation assez étroite, la vie nous a étroitement liés. Son aide fut particulièrement importante quand je remplis la tâche de recteur. De tout cela est née notre véritable amitié, qui se prolongea, quand je suis devenu évêque, et qui fut alors très précieuse pour moi. J’ai toujours partagé les positions du Patriarche Paul. (A suivre)
Traduit du russe

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