A ce jour, trois volumes des Paroles de Saint Païssios l’Athonite ont été traduits en français. Alors que les six volumes en grec ont été traduits en russe depuis des années. Le texte ci-dessous est la traduction d’un extrait du volume II L’Éveil Spirituel, dont la traduction russe a été publiée en 2001 aux Éditions Orthograph à Moscou. Le présent texte sera sans doute moins fidèle à la lettre de l’original grec que la traduction française officielle que nous attendons tous, mais malgré cela, les lecteurs francophones auront un avant-goût de ce que nous attendons tous et que la patience nous proposera dans plusieurs années peut-être, lors de la parution de ce volume en français. Il s’agit ici d’un extrait du chapitre 2 de la quatrième partie, pages 273 à 275 de l’édition russe.

Geronda, je suis perturbée par des pensées d’incroyance qui s’abattent sur moi.
Le fait que tu sois perturbée et que tu n’acceptes pas ces pensées, cela signifie qu’elles viennent du mauvais. Parfois, Dieu permet que nous ayons des doutes ou une hésitation dans notre foi, pour vérifier nos dispositions et notre philotimo 1 . Mais notre Dieu, ce n’est pas une fable, comme celle au sujet de Zeus, Apollon et les autres soit-disant «dieux». Notre foi, elle est vraie et vivante. Nous avons une nuée de saints (Heb.12;1), comme l’écrit l’Apôtre Paul. Ces gens connurent le Christ, ils firent l’expérience d’une relation personnelle avec Lui, et ils se sacrifièrent pour Lui. A notre époque aussi, il y a des gens qui se consacrent à Dieu et qui font l’expérience d’états célestes. Ils sont en contact avec les anges, avec les saints, et même avec le Christ et la Très Sainte Mère de Dieu. Pour t’aider, je vais te raconter quelque chose à mon sujet. Tu vois, moi aussi, je «donne mon sang», je parle d’actions pour aider les autres.
Voyant comment les connaissances recueillies par l’homme chassent la foi hors de lui, je veux la renforcer, en racontant quelques événements dans le domaine de la foi.
Quand j’étais petit, nous vivions à Konitsa. Je lisais beaucoup de vies de saints, et je les donnais à lire à d’autres enfants, ou je rassemblais les copains et nous lisions ensemble. Je me réjouissais particulièrement des grands saints, héros de l’ascèse de la foi et du jeûne qu’ils s’imposaient, et j’essayais de les imiter. Mon jeûne eut pour conséquence que mon cou ressemblait à une queue de cerise. Les copains se moquaient de moi: «Ta tête va tomber». Qu’est-ce que j’ai enduré à cette époque !… Mais laissons ça. Mon frère aîné, voyant que je devenais malade à cause des jeûnes craignit que je ne puisse terminer l’école, me prit les brochures avec la vie des saints que j’étais en train de lire. Une fois, un de nos voisins, appelé Costas, dit à mon frère : «Je vais lui remettre le cerveau en ordre. Je vais faire en sorte qu’il jette les livres qu’il lit et qu’il arrête le jeûne et les prières». Eh quoi, il vint me trouver. J’avais environ quinze ans, alors. Et il m’enseigna la théorie de Darwin. Il parla et parla, jusqu’à ce que j’en perde la tête. Et avec la tête toute embrouillée, je me précipitai directement dans la forêt, à la chapelle de Sainte Barbara. Y entrant, je demandai au Christ : «Mon Christ, si Tu existes, apparais devant moi!». Je répétais cela sans cesse, en faisant des métanies. C’était l’été. La sueur dégoulinait le long de mes bras, j’étais trempé. Finalement, je m’écroulai de faiblesse. Mais je ne vis rien, ni n’entendis rien. Eh bien, il s’avère que Dieu ne m’aida pas, même pas d’un petit craquement, d’une ombre, rien ; mais finalement, je n’étais encore qu’un gamin. Observant du point de vue humain, ou à l’aide de la logique, ce qui se passa, on pourrait dire : «Mon Dieu, c’est triste pour lui, le pauvre! A partir de onze ans, il a commencé à gravir les échelons, il a mené une fameuse ascèse, et maintenant, il est en crise. Il avait la tête embrouillée par des théories farfelues, à la maison, son frère lui mettait des bâtons dans les roues, il s’est enfui dans la forêt pour demander Ton aide…». Mais pas de réponse, rien de rien !!! Épuisé par les métanies, je m’assis et je me dis : «Mais bon, quelle réponse fit Costas quand je lui demandai son avis sur le Christ?» «C’était l’Homme à la plus grande bonté, le plus juste. Par Ses enseignements, Il a bousculé les intérêts des Pharisiens, qui L’ont crucifié par envie». Alors je décidai ceci : «Puisque le Christ fut cet Homme si bon et juste, à un point tel qu’il n’y en eut pas un autre pareil à Lui, puisque les mauvaises gens Le tuèrent par envie et méchanceté, alors, pour cet Homme, je dois faire plus que ce que je n’ai fait. Je dois même être prêt à mourir pour Lui». Je venais à peine de me dire cela que le Christ m’apparut. Il apparut au milieu d’une lumière intense, la chapelle resplendissait. Il me dit «Je suis la Résurrection et la Vie. Celui qui croit en Moi, fût-il mort, vivra»(Jean11;25-26). D’une main, Il tenait un Évangile ouvert, sur lequel je lus les mêmes paroles. Il se produisit un tel changement intérieur en moi, que je répétais sans aucune arrêt: «Eh ben, Costas, vient donc ici maintenant, et on discutera pour voir si Dieu est ou s’Il n’est pas!»
Tu vois, avant de m’apparaître, le Christ a attendu que je prenne une décision pleine de philotimo. Et s’Il veut une décision pleine de philotimo d’un gamin, combien plus la veut-Il d’un adulte ?
Traduit du russe

Source :  Преподобный Паисий Святогорец «Слова. Том II. Духовное пробуждение». Издательство:Орфограф, Москва. Pp. 273-276.

  1. Dans un texte publié le 19 avril 2010 sur le site Un Orthodoxe Ordinaire, on trouve le commentaire suivant au sujet du terme philotimo. Dans une note extraite du livre St Arsène de Cappadoce par le Père Païssios traduit et édité par le monastère St Jean le Théologien Souroti de Thessalonique (où repose Père Païssios) on peut lire cette définition plus spécifiquement chrétienne orthodoxe : φιλότιμο = noblesse d’âme, bonté, reconnaissance, amour purifié exempt de tout retour sur soi, de celui qui ne regarde jamais son propre intérêt mais ne cherche qu’à être agréable à Dieu, le Père Païssios considérait cette vertu comme le fondement du progrès dans la vie spirituelle.