Les trois néomartyrs d’Optino

Dans plusieurs textes concernant le Hiéromoine Vassili et les Moines Théraponte et Trophime, les trois frères d’Optino Poustin’ assassinés dans l’enceinte du monastère la nuit de Pâques 1993, on lit qu’ils sont devenus extrêmement familier des fidèles qui les prient, aujourd’hui encore. Ces fidèles ont simplement lu et relu le livre «Pâques rouge», et les trois frères sont devenus comme des membres de leur famille. L’Église ne les a pas encore glorifiés, mais il est devenu impossible de tenir le compte des miracles attribués à leurs prières. Ce livre, «Pâques rouge», n’a pas été traduit en français. Il est bien sûr moins évident pour les fidèles francophones de considérer les trois frères d’Optino comme des membres de la famille et demander ainsi leur prière. En vue de faire mieux connaître chacun de ces trois merveilleux moines et afin donc d’aider les lecteurs de ce blog à adresser plus volontiers leurs prières à ces trois néomartyrs, nous poursuivons la traductions de plusieurs extraits de deux livres.

Le Moine Trophime

«Fuyez à votre montagne, comme l’oiseau»(Ps.10,1), dit le Prophète David. Ainsi, Trophime passa sa vie monastique vraiment comme sur les sommets des montagnes, sans s’arrêter aux propriétés corruptibles des choses, mais en touchant seulement leur contenu spirituel.
Le chemin de vie monastique est difficile, mais beau. C’est une grande miséricorde de Dieu que le Seigneur accorde à Ses élus.
Un jour, on demanda à Trophime de porter les lourds sacs d’une jeune pèlerine au bus qui partait vers Kozielsk. Voyant un moine avec une jeune fille, le conducteur commença à plaisanter grossièrement: «Tu n’as pas assez d’hommes à la maison?», dit-il à brûle pourpoint à la jeune fille. Et, s’adressant à Trophime : «Et toi, idiot, jeune comme tu es, pourquoi tu gâches ta vie? Que fais-tu au monastère? Vas donc vivre pour ton plaisir! Pourquoi vous martyrisez-vous, vous les moines?»
Les gens assis dans le bus, habitués à tous les incidents scandaleux qui surviennent dans le monde, se taisaient prudemment, attendant la réaction du moine insulté. Mais Trophime, sans hésiter, sourit et dit: «Oui, mon frère, c’est vrai. Je suis un imbécile parce que je ne suis pas entré au monastère immédiatement. J’aurais dû y venir voici dix ans. J’ai gâché mon temps à des bêtises je ne sais même plus où.»
Après avoir entendu cette réponse, les gens se réjouirent et prirent parti pour Trophime : «C’est bon, chef, ne t’énerve pas. Ils ont leur vie, nous avons la nôtre». Trophime intervint : «Chacun a sa propre vie, mais le Jugement, ce sera pour tous, dit Trophime, et la mort nous attend tous. Personne n’y échappera». Trophime avait facilement enduré l’offense, car il considérait qu’il était tout juste digne du pire. Et comme il convient pour un moine, il endurait toutes les afflictions qu’il rencontrait. Et le chauffeur du bus lui dit : «Pardonne-moi, frère, de t’avoir troublé», et il se dirigea tranquillement vers le portail du monastère. Ainsi, souvent, ne comprenant pas l’essence de la vie monastique, certains, en raison de leur péché, se mettent à condamner les moines et à les soupçonner d’actes pervers propres au monde pourri et endurci dans les péchés. Mais le Seigneur ne demeure pas inattentif à de telles diffamations et punit souvent sévèrement les blasphémateurs.
Un jour, une pèlerine âgée vint à Optino. Elle y fut emmenée en voiture par un homme apparemment membre de l’intelligentsia. En chemin, ils parlèrent et il s’avéra que le conducteur n’était pas un homme simple, mais le directeur d’une usine à proximité.

Optino Poustin’

– Qui allez-vous voir, petite mère ? Demanda-t-il.
– Eh bien, je vais pour prier Dieu. Répondit la femme, de bon cœur.
– Vous êtes des idiots. Dit le directeur avec un petit sourie satisfait. Ces moines vous font tourner en bourriques comme ils veulent.
– Pourquoi êtes vous comme ça? Essaya de résister la femme.
– Je sais ce que je dis, répliqua le directeur en s’énervant. Réfléchis. Pourquoi ils vont tous, les yeux baissés? Parce que ce sont tous des drogués.
– Mais que dites-vous là? Rétorqua la femme. Vous devez craindre Dieu. Les moines sont des hommes saints.
– Et pourquoi je Le craindrais? Continua le directeur. Je le sais, il y a chez eux une infirmerie. Ils y vont se faire piquer tous les matins et repartent les yeux baissés.
– Mais pourquoi donc êtes-vous ainsi? Répéta la femme, le cœur endolori. Vous ne connaissez rien aux moines et vous parlez si mal d’eux !
Le directeur fit descendre la femme devant le portail du monastère et poursuivit sa route. Mais quelle ne fut pas la surprise de cette femme lorsque le lendemain, elle apprit que son chauffeur était mort subitement d’un infarctus. Le Seigneur l’avait puni pour avoir calomnié Ses enfants bien-aimés.
«Voulant détruire les âmes des hommes, l’ennemi prépare aux chrétiens toutes sortes de perfidies et de ruses que nous ne remarquons souvent pas», dit un jour Trophime. «Et il mène une bataille particulièrement féroce contre les moines. Parce que les moines ont tout abandonné pour l’amour du Christ et sont venus sauver leurs âmes. Le trompeur rusé tentera en premier lieu de tuer la foi du moine envers son père spirituel et son higoumène, en lui montrant leurs soi-disant infirmités, en particulier devant aux novices. Et puis, quand il réussit, il devient le maître à part entière de l’âme du moine et le conduit à quitter le monastère pour le détruire et le perdre». Trophime parlait de sa propre expérience. Il racontait même comment un jour ce fut de justesse qu’il ne quitta pas le monastère.
Tout cela débuta avec le fait qu’il avait subitement commencé à remarquer les soi-disant défauts de la vie du monastère. Et puis il lut un livre sur le Mont Athos, où les moines vivent de façon très stricte, dans le silence. Apparut alors dans son âme la pensée qu’il ne ferait pas son salut au Désert d’Optino, où trop peu de temps était consacré au silence. «Je vais aller au Mont Athos, là je vais me battre et je vais sauver mon âme», pensa Trophime. Et il s’enfonça tellement dans cette pensée, qu’il commença à faire ses paquets. Mais il craignait de raconter tout à son confesseur : de toute façon, il ne comprendra pas et ne me laissera pas partir. Alors, les tentations ont commencé: impossible d’accomplir les obédiences et la prière ne va plus. Il s’éveilla un matin, prit mon sac à dos et partit en direction de Kozielsk. Mais par la Providence Divine sur le chemin, il rencontra une voiture dans laquelle se trouvait le moine responsable de la discipline. Ayant vu Trophime, il dit au conducteur d’arrêter la voiture et demanda:
– Et où donc te mène ton chemin, frère?
– Je vais faire mon salut sur l’Athos, répondit Trophime de toute la simplicité de son âme .
– Eh bien monte, on va te conduire.
– Oui mais non, merci Seigneur, je parviendrai bien par y arriver.
– Monte, monte et assieds-toi. As-tu demandé la bénédiction à ton confesseur ?
– Euh, non, se troubla un peu Trophime.
– Mais comment donc? Tu dois demander la bénédiction de ton confesseur et puis seulement te mettre en route.
Trophime s’assit dans la voiture et rentra au monastère. La bénédiction pour aller au Mont Athos, il ne la demanda pas; il avait compris qu’il s’agissait d’une tentation de l’ennemi.
Car, comme le Christ «a souffert, et a été Lui-même éprouvé, …Il peut secourir ceux qui sont éprouvés»(Hébr.2, 18), dit l’Apôtre. Ainsi, Trophime, ayant vécu tout par sa propre expérience, aida les pèlerins qui venaient vers lui à apprendre la simplicité dans le raisonnement et à reconnaître ainsi les machinations de l’ennemi perfide.
Un jour, un jeune ouvrier vint près de lui chercher des clous dans l’entrepôt. Il avait l’apparence d’un homme de prière : mouvements lents, voix lente et très posée. A l’époque, Trophime était magasinier. Ils parlèrent un peu, Trophime lui dit: «Écoute, frère, quels hommes de prière sommes-nous? Avec nos péchés? Ici, nous parlons de prière, d’exploits ascétiques, de veilles, et nous ne remarquons pas comment nous murmurons, parce que nous sommes mécontents de ce que nous avons. Mais celui qui murmure n’hérite pas du Royaume de Dieu. Le plus important pour nous, frère, c’est l’humilité. Sans elle, toutes nos prières ne sont pas agréables à Dieu. Nous devons apprendre à nous résigner à la situation dans laquelle nous vivons. Et puis si on nous persécute, alors quoi, allons-nous encore murmurer contre Dieu parce que les conditions pour nos exploits ascétiques et la prière ne sont pas réunies?»
Le travailleur écouta avec attention et après avoir reçu une telle faveur pour son âme, il remercia Trophime.
Le futur martyr lui-même, après avoir passé toute la journée dans dans l’accomplissement méticuleux de ses obédiences, lisait sans exception sa règle monastique en faisant de nombreuses grandes métanies. Mais toujours en cachette, pour que personne ne voie ni ne sache.
La nuit, il arrivait qu’il s’asseye et lise longtemps les Saints Pères, et pour ne pas être profondément endormi au moment de l’office de minuit, qui était célébré quotidiennement dans le monastère à six heures et demie du matin, il s’agenouillait et dormait, les mains appuyées sur une chaise.
Traduit du russe

Source :
Небесные ратники. Жизнеописания и чудеса Оптинских новомучеников (Les soldats célestes. Vie et miracles des néomartyrs d’Optino) Alexandre Ivanovitch Iakovlev. Éditions : Святитель Киприан, Moscou 2013. Pages 172 à 179.