Écrits

Le Métropolite Ioann de Saint-Pétersbourg et Ladoga, de bienheureuse mémoire, est l’un des auteurs russes les plus traduits sur le présent blogue. Sa vie est longuement abordée dans la rubrique qui est consacrée à Vladika Ioann.
Le texte ci-dessous est la suite de la traduction inédite en français d’un long chapitre, en réalité un addendum, d’un livre édité à partir de leçons données par le Métropolite Ioann, alors encore Archevêque de Samara, à l’Académie de Théologie de Leningrad en 1989, au sujet de la situation de l’Église en Russie au début du XXe siècle, des schismes qui l’ébranlèrent et des grands confesseurs de la foi qui la maintinrent à flots contre vents et marées. La vie de trois d’entre eux est abordée par Vladika Ioann: le Saint Métropolite Benjamin (Kazanski) de Petrograd et Gdov, le Saint Archevêque Hilarion (Troïtski) de Verei, et le Saint Hiéromoine Nikon (Beliaev) d’Optino. L’original russe est donc l’addendum du livre «Rester debout dans la foi» (Стояние в вере), publié à Saint-Pétersbourg en 1995, par les éditions Tsarskoe Delo.

Le Saint Hiéromartyr Benjamin

(…) Le 24 janvier janvier 1910, l’Archimandrite Benjamin reçut la chirotonie épiscopale, devenant Évêque de Gdov et Vicaire de l’Éparchie de Saint-Pétersbourg. Une nouvelle page de sa vie s’ouvrait, avec son activité de hiérarque. Comme on l’a écrit ci-avant, quand il était jeune, l’Évêque Benjamin lut beaucoup au sujet des podvigs des saints, rêvant d’accomplir lui-même des podvigs. Maintenant, devenu hiérarque, il s’efforçait de mettre en œuvre dans sa vie les saints idéaux des pieux héros de l’ascèse, disciples du Christ. Et pour reprendre les paroles de notre Sauveur, il devint en vérité lumière du monde.
Au début, l’Évêque Benjamin commença à célébrer surtout dans les églises des usines des faubourgs de Peterbourg, là où vivaient la majorité des ouvriers, et après, il donna des cours du dimanche, sur différents thèmes spirituels. Il attira à lui, pour organiser et donner les leçons, des séminaristes et des étudiants de l’Académie de Théologie. Ces leçons rencontrèrent un franc succès chez les ouvriers.
A l’exemple de certains héros de l’ascèse d’antan, l’Évêque Benjamin souhaitait ardemment œuvrer au salut de femmes tombées dans le péché et la déchéance, les débarrasser de leur vice, les faire embaucher dans un emploi honnête et œuvrer à un avenir meilleur pour elles.
Il existait à Peterbourg une société unique et remarquable : «La Société de la Très Sainte Mère de Dieu», dont un des objectifs était justement le salut de ces femmes tombées dans la déchéance. Elle était localisée Rue Borova, dans laquelle on trouvait justement de très nombreuses maisons «de tolérance». L’Évêque Benjamin devint l’âme de cette Société. Il y fut très actif et ses activités rencontrèrent le succès. De nombreuses femmes abandonnèrent leur mode de vie délétère et devinrent d’honnêtes ouvrières. Dans ce domaine d’activités, Son Éminence agissait prioritairement par la prière et les paternels entretiens. Chaque hiver, d’octobre à la semaine pascale, l’Évêque Benjamin célébrait chaque mercredi et chaque vendredi l’Acathiste à la Très Sainte Mère de Dieu, dans l’église de la rue Borova. Chaque fois, l’église était remplie de gens en prière, presque exclusivement des femmes; de nombreuses d’entre elles étaient des pensionnaires des maisons de tolérance. Toute l’église chantait, chacune, et chacun, tenait en main un cierge allumé, prononçant avec une foi profonde et en une prière sincère les paroles de l’Acathiste. Tout le monde était contaminé par l’inspiration de la prière de l’Évêque Benjamin, qui disait les paroles de la prière de façon simple, sans aucun effet, mais avec émotion. L’Acathiste terminé, tout le monde faisait la file devant Vladika pour recevoir sa bénédiction. Et ces malheureuses femmes sortaient pieusement de l’église, les yeux rayonnant de joie. Ces offices ainsi que le charisme personnel de l’Évêque Benjamin exerçaient leur influence sur leurs âmes et elles étaient de plus en plus nombreuses à rejeter le vice et à revenir dans le digne chemin.
Ce travail, authentiquement chrétien et pastoral, Vladika l’accomplissait avec humilité, sans pompe ni publicité, mais la rumeur populaire à leur sujet se répandit bientôt dans tout Peterbourg, particulièrement au sein du simple peuple, qui se mit à le vénérer comme un homme de sainte vie.
L’Évêque Benjamin aimait beaucoup célébrer pour le simple peuple et s’entretenir avec ceux qui en faisaient partie. Et il nourrissait spirituellement ses ouailles. Le dimanche et les jours de fête, l’après-midi, Vladika célébrait des acathistes dans diverses églises des environs de Peterbourg, là où vivaient des démunis et des ouvriers. Ces acathistes étaient accompagnés de remarquables homélies et d’entretiens, dans les églises, dans les maisons paroissiales mais aussi dans le logement des recteurs des églises.
Au temps des fêtes de la Nativité et de Pâques, il célébrait chaque année, toujours les mêmes jours, la Divine Liturgie dans les usines Poutilov et Oboukhov, où les ouvriers l’aimaient particulièrement. Ceci fut avéré, soit dit en passant, lorsque Vladika consacra une nouvelle église dans l’usine Poutilov. En signe de reconnaissance pour son activité d’éducateur et de nourricier spirituel, il reçut des ouvriers et employés de l’usine de somptueux ornements archiépiscopaux. Après la Liturgie, lors d’un dîner auquel participaient des représentants de cette gigantesque usine, on put comprendre tout l’amour sincère dont il faisait l’objet, et combien on l’appréciait.
Au cours des dernières années précédant le début de la Première Guerre Mondiale, Vladika bénéficiait d’une grande popularité parmi les élèves des écoles secondaires. Les souvenirs de témoins oculaires d’un office célébré à l’Institut Demidov pour Filles à l’occasion de la fin de l’année scolaire sont parvenus jusqu’à nous. Le manière de célébrer, pénétrante et sincère, de Vladika fascina tellement les pieuses jeunes filles que leur chœur chanta comme jamais auparavant, et toutes les élèves diplômées de huitième année prièrent avec une foi profonde. Après, toutes racontaient que jamais elles n’avaient fait l’expérience d’un sentiment d’une telle élévation.
L’image faite d’innocence enfantine et de pure virginité qu’offrait Vladika Benjamin était tellement évidente pour tous que jamais, d’aucune part on n’entendit à son égard une opinion défavorable, quoique ce groupe de femmes que l’on qualifiait ironiquement de «myrrophores», et qui littéralement suivaient Vladika Benjamin à la trace, ait pu donner prétexte à une maigre rumeur.
Ceux qui avaient l’occasion d’observer Vladika de près savaient combien son âme souffrait, lisant avec aisance les pensées de certaines femmes préférant le désœuvrement, l’indécente et l’incrédulité.
Vladika Benjamin dirigeait le groupement de ceux qu’on appelait les porteurs de croix, qui organisait dans toutes les églises de Peterbourg des processions lors des fêtes de dédicace et pour les grandes fêtes. Le lundi de Pâques, les processions venant de toutes les églises de Peterbourg confluaient vers la Perspective Nevski et les rues adjacentes et une fois réunies, l’immense procession, avec en tête Vladika Benjamin descendait, en chantant «Christ est ressuscité» et le Canon Pascal, toute la Perspective Nevski jusqu’à la Laure Saint-Alexandre-Nevski, où elle était accueillie par le Métropolite de Peterbourg, tous les hiérarques et les frères de la Laure et tous ensemble célébraient la Divine Liturgie.
[Note de l’éditeur : Pour Vladika Ioann, les paroles creuses n’avaient pas leur place. Chaque homélie, chaque conférence, chaque livre, il les sentait avec son cœur. Un fait nous permet d’en juger : quand il accéda à la chaire métropolitaine de Saint-Pétersbourg, le Métropolite Ioann n’oublia pas les actions de son illustre prédécesseur, le Métropolite hiéromartyr Benjamin. Il consacra labeur et prières à la reprise des processions à Saint-Pétersbourg. Et ainsi, le 16 mai 1993, pour la première fois après l’interdiction des athées ennemis de Dieu et dans l’indifférence totale des autorités démocratiques de la ville, dans notre capitale du Nord, la Perspective Nevski fut consacrée par les prières des fidèles orthodoxes. Gloire à Dieu et merci au Métropolite Ioann ! Mais… après le décès de Vladika, son successeur le Métropolite Vladimir renonça sans la moindre hésitation aux processions, déclarant qu’il n’en avait pas besoin. Dieu sera son juge!] (A suivre)
Traduit du russe

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