Écrits

Le Métropolite Ioann de Saint-Pétersbourg et Ladoga, de bienheureuse mémoire, est l’un des auteurs russes les plus traduits sur le présent blogue. Sa vie est longuement abordée dans la rubrique qui est consacrée à Vladika Ioann.
Le texte ci-dessous est la suite de la traduction inédite en français d’un long chapitre, en réalité un addendum, d’un livre édité à partir de leçons données par le Métropolite Ioann, alors encore Archevêque de Samara, à l’Académie de Théologie de Leningrad en 1989, au sujet de la situation de l’Église en Russie au début du XXe siècle, des schismes qui l’ébranlèrent et des grands confesseurs de la foi qui la maintinrent à flots contre vents et marées. La vie de trois d’entre eux est abordée par Vladika Ioann: le Saint Métropolite Benjamin (Kazanski) de Petrograd et Gdov, le Saint Archevêque Hilarion (Troïtski) de Vereya, et le Saint Hiéromoine Nikon (Beliaev) d’Optina. L’original russe est donc l’addendum du livre «Rester debout dans la foi» (Стояние в вере), publié à Saint-Pétersbourg en 1995, par les éditions Tsarskoe Delo.

Le Hiéromoine Nikon (Beliaev) d’Optina

(…) Le 10 décembre, comme s’ils étaient dotés d’ailes de joie, les frères se précipitèrent à Moscou. Le 11, ils étaient déjà dans la capitale et, directement de la gare de Briansk, sans rentrer chez eux, ils se précipitèrent vers l’Évêque Tryphon, leur bienfaiteur et intercesseur, avec la joyeuse nouvelle.
Le temps des préparatifs et démarches associés au nécessaire enregistrement officiel de leur déménagement fila à toute vitesse. Quand ces préparatifs furent terminés, ils firent leurs adieux à tous, quittant pour toujours leur maison natale, leur mère, leurs frères, leurs sœurs, leurs connaissances et leurs proches, laissant le monde avec son agitation et ses angoisses, avec le seul désir de consacrer toute leur vie au Seigneur, qui les appelait si miraculeusement pour le servir dans l’ordre monastique. L’Évêque Tryphon les bénit en leur remettant des Croix: vous montez sur la Croix, c’est pourquoi je vous donne des Croix en bénédiction. Que Dieu vous aide!
Et le recteur de l’église des Saints-Constantin-et-Hélène, où leur grand-père avait travaillé si dur et dont ils étaient également allés prendre congé, leur donna en guise de bénédiction des petites icônes De la Très Sainte Mère de Dieu «Joie inattendue».
Leur mère leur fit ses adieux en les bénissant avec deux icônes du Pokrov de la Très Sainte Mère de Dieu, confiant ses chers fils à «l’avocate chaleureuse du monde glacé», la Très Pure Mère de Dieu, à sa garde et sa protection invisibles. Entre autres choses, Le Père Siméon Liapidevski, leur prêtre de paroisse, dit à Nicolas: «Oui, là-bas, tu verras et ressentiras en fait, par ta propre expérience, l’existence et les machinations de l’ennemi, le malin, dont tu n’as jusqu’à présent fait la connaissance que dans les livres».
Munis de prières, de bénédictions et de bons souhaits, les frères quittèrent définitivement Moscou le 22 décembre 1907 pour se rendre à Optina. Le lendemain, ils arrivèrent au Monastère et s’installèrent d’abord à l’hôtellerie, puis dans leurs cellules, dans la «maison Zolotoukhine», dans le coin Sud-Est de la Skite. L’équipement des cellules était des plus simples : une table, deux tabourets, un lit en bois recouvert de feutre doublé, une étagère en coin, côté façade. Une nouvelle vie commençait pour les deux frères. Nicolas avait alors 19 ans. Il fut placé sous le patronage du Starets Barsanuphe. Pour commencer, celui-ci fit découvrir au jeune homme la vie extérieure de la Skite et lui enseigna les règles de comportement. Ensuite il lui assigna une obédience à caractère général, avec d’autres frères. Dans le même temps, le Starets attira Nicolas vers les travaux d’écriture. Quand il fut convaincu de ses capacités, il lui confia un travail plus complexe: la rédaction d’un bref contenu des lettres (sous forme de table des matières) du Starets Ambroise, dans le cadre de la réédition du premier tome consacré à ces lettres.
À la fin de février 1908, Nicolas fut nommé bibliothécaire adjoint, dans le cadre du transfert de la bibliothèque dans un nouveau local, l’étage supérieur de l’église Saint Léon de Catane. En même temps, il fut désigné pour chanter au chœur et lire. Il avait une bonne voix, une basse douce et veloutée. Malgré le fait qu’il avait la gorge faible et ne pouvait pas chanter longtemps, il ne refusa jamais de chanter au chœur, bien que jamais il ne demanda de pouvoir le faire.
Très vite, il fut apprécié dans la Skite, ainsi que sa lecture remarquable, dont il avait posé les fondements tout jeune, à l’église de le Très Sainte Mère de Dieu «Consolation de tous les affligés» à Moscou. La lecture lente et régulière sans intonation ni «expression», qui auraient imposé ses propres sentiments et expériences, plut à tout le monde. Avec sa voix agréable, cette lecture produisait l’impression appropriée et était facilement perçue, ce qui est le plus précieux dans la lecture et le chant dans l’église.
L’ordre des lecture pour la règle et dans l’église était le suivant: l’hexapsalme lors des matines et les canons étaient lus par des moines plus anciens, tonsurés à la mantia. Les acathistes et les canons des acathistes étaient lus par les hiéromoines. Les frères tonsurés au rason lisaient les épîtres de l’Apôtre lors du déjeuner, le prologue lors des matines, les parémies lors des vêpres, les heures, complies et les acathistes des jours de fête. Les jeunes frères, les novices : les heures, les complies et des cathismes hors des jours de fête.
La haute appréciation de la lecture de Nicolas fit, contrairement aux règles, qu’on le désigna pour lire ce qui n’était pas censé être lu par un novice.
Lorsque Nicolas eut terminé la table des matières des lettres du Starets Ambroise, il reçut une autre obédience, en collaboration avec le hiéromoine Koukcha, ou plutôt, sous sa direction, la composition des règles des offices qui différaient de l’ordinaire, par exemple, «L’Exaltation de la Sainte Croix», les offices de la Semaine Sainte et d’autres. Il y avait beaucoup de travail à la bibliothèque. Nicolas œuvrait sans relâche pour aider le bibliothécaire le Père Ioann Polev (qui devint plus tard le Hiéromoine Joseph). Lorsque la bibliothèque fut déplacée et installée dans la nouvelle salle, le Père Ioann offrit a Nicolas, pour sa diligence, le livre «Le chemin impérial de la Croix du Seigneur».
Nicolas, avec la gaieté qui lui était inhérente, accomplissait volontiers toutes les obédiences qui lui étaient confiées. Avec le visage toujours joyeux, il travaillait dans le réfectoire, balayait la neige, portait du bois de chauffage, allumait le poêle, lavait la vaisselle, balayait le sol, accompagnait les travailleurs dans la forêt pour chercher du bois. Pendant un certain temps, il a travaillé dans l’église; il était assistant du sacristain. Au début du printemps, il participait activement aux obédiences au jardin: il convoyait du fumier comme engrais, il creusait, plantait. En été, lors de la fenaison, avec tous les frères, il fauchait l’herbe et ramassait le foin dans les prairies près de Kozelsk. Ici, à la Skite, il fit connaissance avec le travail qui n’est pas divertissement, comme dans le monde. Il devait être sur pieds et travailler tôt le matin jusque tard le soir, et maintenir de longues stations debout pour la prière. Et lui, choyé et pas habitué au travail physique, ne rechigna sur quoi que ce soit. Son âme brillante ne connaissait ni le découragement, ni le mécontentement, ni les murmures. Il acceptait tout facilement et joyeusement.
En octobre 1908, Nicolas fut nommé secrétaire chargé de la rédaction du courrier du Supérieur de la Skite, le Starets Barsanuphe. Et il fut libéré de toutes les autres obédiences, à l’exception du chant au chœur et de la lecture. Cette obédience fut fondamentale pour la suite de sa vie dans la Skite. Le Starets Barsanuphe aimait son rédacteur de lettres de toute son âme et trouvait en lui non seulement un disciple et un moine exemplaire, mais aussi un digne zélateur de ses préceptes et de ses instructions.
Réciproquement, Nicolas ressentait pour le Starets non seulement de l’amour, un respect illimité et de la dévotion, mais il s’inclinait devant lui et se livrait pleinement à la volonté du Starets. Vivant sous la direction du Père Barsanuphe, Nicolas édifia son âme par la lecture des récits de la vie de saints héros de l’ascèse, en particulier, du Starets Macaire d’Optina, du Starets Lev, de l’Archimandrite Moïse, de l’Higoumène Antoine et d’autres. (A suivre)
Traduit du russe

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