Saint Luc de Crimée. L’esprit vit éternellement.

«... en 38 années de sacerdoce presbytéral et épiscopal, j'ai prononcé environ 1250 homélies, dont 750 furent mises par écrit et constituent douze épais volumes dactylographiés...»
(Le Saint Archevêque Confesseur et chirurgien Luc de Crimée)
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L’homélie ci-dessous, prononcée en 1948, est intégrée dans le recueil intitulé «Saint Luc de Crimée, Oeuvres Choisies» («Избранные творения» page 243. Éditeur :Sibirskaia Blagozvonnitsa; Moscou; 2010..

«’En vérité, en vérité, je vous le dis, si quelqu’un garde Ma parole, il ne verra jamais la mort.’ Les Juifs lui dirent : Nous voyons maintenant qu’un démon est en Toi. Abraham est mort, les prophètes aussi, et Toi, Tu dis que Tu es plus grand que notre père Abraham, qui est mort? Les Prophètes aussi sont morts ; qui prétends-Tu être?» (Jean 8;51-53).
Ils ne comprenaient pas, vraiment pas, de quelle vie, de quelle immortalité parlait le Christ. Et jusque aujourd’hui encore, beaucoup ne comprennent pas cela. Mais nous devons comprendre. Il existe deux morts, la première et la seconde.
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Saint Luc de Crimée : Revêtir le Christ

«... en 38 années de sacerdoce presbytéral et épiscopal, j'ai prononcé environ 1250 homélies, dont 750 furent mises par écrit et constituent douze épais volumes dactylographiés...»
(Le Saint Archevêque Confesseur et chirurgien Luc de Crimée)
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L’homélie ci-dessous, prononcée en 1957, la semaine de l’Exaltation de la Sainte Croix, est intégrée dans le recueil intitulé «Tome 2» des Homélies de Saint Luc de Crimée, édité par l’Éparchie de Simferopol et de Crimée.

«Quiconque est en Jésus-Christ est une nouvelle créature ; les choses anciennes sont passées, voyez, tout est devenu nouveau» (2Cor.5;17). Voilà ce qu’écrit l’Apôtre Paul dans sa deuxième Épître aux Corinthiens. Dans son Épître aux Romains qu’il avait convertis du paganisme au Christ, il dépeint avec des traits vifs l’état déplorable de ces nouveaux chrétiens.
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Saint Luc de Crimée. L’Esprit et la Chair.

«... en 38 années de sacerdoce presbytéral et épiscopal, j'ai prononcé environ 1250 homélies, dont 750 furent mises par écrit et constituent douze épais volumes dactylographiés...»
(Le Saint Archevêque Confesseur et chirurgien Luc de Crimée)
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L’homélie ci-dessous est intégrée dans le recueil intitulé «Tome 1» des Homélies de Saint Luc de Crimée, édité par l’Éparchie de Simferopol et de Crimée.

Je sais que vous êtes nombreux à lire les Saintes Écritures, et je sais aussi que vous lisez surtout l’Évangile ; les épîtres et les Actes des Apôtres, vous les lisez peu. Pourquoi les lisez-vous peu? Tout d’abord, parce que vous ignorez combien de sagesse élevée ces épîtres contiennent ; vous les considérez comme secondaires par rapport aux Évangiles. C’est la première raison. Et la deuxième raison est que les épîtres de l’Apôtre Paul, qui sont les plus nombreuses parmi les épîtres apostoliques, sont écrites dans une langue très difficile. Sa pensée se déploie très singulièrement, pas comme les gens pensent habituellement. L’Apôtre Pierre lui-même, dans l’une de ses épîtres dit que dans les épîtres de Paul, il y a des choses difficilement intelligibles. Et il est vrai que de nombreux passages des épîtres du Saint Apôtre Paul sont difficile à comprendre. Vous ne sauriez les comprendre sans aide, sans guide. Je vais aujourd’hui vous expliquer un passage de grande importance dans l’Épître de l’Apôtre Paul aux Romains : «Car je ne sais pas ce que je fais : je ne fais pas ce que je veux, et je fais ce que je hais» (Rom.7;15). «Car le bien que je veux, je ne le fais pas, et le mal que je ne veux pas, je le fais» (Rom.7;19). «Malheureux que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort?» (Rom.7;24).
Malheureux sommes-nous, vous et moi! Qui va nous délivrer de notre corps de mort?
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Saint Luc de Crimée : Il y a de nombreuses demeures dans la maison de Mon Père.

«... en 38 années de sacerdoce presbytéral et épiscopal, j'ai prononcé environ 1250 homélies, dont 750 furent mises par écrit et constituent douze épais volumes dactylographiés...»
(Le Saint Archevêque Confesseur et chirurgien Luc de Crimée)
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Homélie prononcée par Saint Luc de Crimée, le 13 août 1948, le vendredi de la septième semaine après la Pentecôte. Elle est intégrée dans le recueil intitulé «Hâtez-vous à la suite le Christ» (Спешите идти за Христом

«Que votre cœur ne se trouble point. Croyez en Dieu, et croyez en moi» (Jean 14,1). Votre cœur ne se troublerait-il pas ? Ne se troublerait-il quand vous regardez ce qui se passe autour de vous ? Ne se troublerait-il pas quand vous tombez en tentation, quand le Seigneur vous envoie une épreuve, quand vous avez à supporter l’affliction, quand la tristesse domine votre cœur? Oui, alors, votre cœur se trouble.
Mais le Seigneur dit : «Que votre cœur ne se trouble point. Croyez en Dieu, et croyez en moi». Cela seulement est nécessaire : seulement croire en Dieu, croire en notre Seigneur Jésus Christ. Cette foi chassera de nous tous les troubles. Elle constitue le seul refuge au milieu de vos afflictions, de vos tentations, de vos troubles.
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Saint Luc de Crimée. Le Royaume des Cieux est en nous.

«... en 38 années de sacerdoce presbytéral et épiscopal, j'ai prononcé environ 1250 homélies, dont 750 furent mises par écrit et constituent douze épais volumes dactylographiés...»
(Le Saint Archevêque Confesseur et chirurgien Luc de Crimée)
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Homélie prononcée par Saint Luc de Crimée, le 30 mai 1954. Elle est intégrée dans le recueil intitulé «Homélies Tome III» (Проповеди. Том 3.(Войно-Ясенецкий) Архиепископ Лука) , édité par les éditions de l’Éparchie de Simféropol et de Crimée en 2003

Je sais que tous vous croyez en la vie éternelle, je sais que vous aspirez à entrer dans le Royaume des Cieux, mais je ne suis pas convaincu que vous compreniez correctement ce qu’est la vie éternelle et ce qu’est le Royaume des Cieux. Je sais qu’il en est quelques-uns qui se représentent le Royaume des Cieux de façon tout à fait erronée. La représentation qu’ils s’en font est proche de celle des musulmans; ils pensent que le Royaume des Cieux est la vie festive dans de délicieux jardins paradisiaques où ils seront enchantés par des hymnes, des danses, de la musique, de jolies jeunes filles et où ils pourront se gaver de mets luxueux. Mais l’Apôtre Paul dit que «le Royaume de Dieu ce n’est pas le manger et le boire mais la justice et la paix et la joie dans l’Esprit-Saint»(Rom.14;17).
Comme vous pouvez le voir, il ne s’agit pas du tout de ce qu’imaginent les musulmans et les gens qui comprennent mal, même parmi les chrétiens; il ne s’agit pas de nourriture et de boisson, ni de jouissance de mets somptueux, mais de quelque chose de tout à fait différent : la justice, la paix et la joie du Saint-Esprit. Quand un jour on interrogea notre Seigneur Jésus Christ au sujet du Royaume des Cieux, Il répondit : «Le Royaume de Dieu ne vient pas de manière à frapper les regards. On ne dira point : Il est ici, ou : Il est là ; car voyez, le Royaume de Dieu est à l’intérieur de vous» (Lc.17;20-21) 2 . Avez-vous déjà entendu, lu, réfléchi à ces paroles merveilleuses? Savez-vous que le Royaume des Cieux est en vous ? Dans Sa prière sacerdotale, notre Seigneur Jésus Christ parle de la Vie Éternelle, qui est la même chose que le Royaume des Cieux, comme ceci : «Or, la vie éternelle, c’est qu’ils Te connaissent, Toi, le seul vrai Dieu, et celui que Tu as envoyé, Jésus-Christ» (Jean 17;3). A nouveau, c’est très différent de ce qu’imaginent les musulmans, à nouveau, il s’agit de quelque chose de très profond, à nouveau, des paroles d’une importance immense. La Vie Éternelle, c’est la connaissance du Vrai Dieu et de Celui qu’Il a envoyé, Jésus Christ.
Mais comment connaître Le Seul Vrai Dieu et Jésus-Christ qu’Il a envoyé? Qui donc connaissons-nous le mieux et de façon la plus proche de tous, ne sont-ce pas nos proches, ceux avec qui nous vivons?
Pour connaître plus étroitement et mieux les gens, leurs actes, leurs sentiments, leurs pensées et leurs désirs, vous devez entretenir une relation étroite avec eux, et surtout, une relation d’amour. Nous ne connaissons pas du tout les gens qui nous sont étrangers et ceux qui sont loin de nous.
De même, pour connaître le Seul Vrai Dieu et Jésus-Christ envoyé par Lui, il faut une communion constante, rapprochée et étroite avec Lui, avec Dieu le Père Lui-même, avec le Seigneur Jésus-Christ et, bien sûr, avec le Saint-Esprit, car la Sainte Trinité est indivisible.
Comment est-il possible pour nous de connaître le Seul et Grand Dieu? Cela n’est possible que dans l’amour, car nous savons du grand Apôtre Jean le théologien que Dieu est amour, et la communion avec Lui n’est possible que dans l’amour: «Dieu est amour ; et celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui»(1Jean.4; 16). Dieu est proche de nous quand nous entretenons une communion constante avec lui par la prière et les œuvres d’amour. Il y eut beaucoup, beaucoup de justes dans le monde, il est impossible de parler de tout le monde, je vous rappelle les justes de la terre russe les plus proches de nous : Seraphim de Sarov, Serge de Radonège, Antoine et Théodose de la Laure de Kiev. Alors quoi, serions-nous surpris que le Royaume des Cieux ait commencé dans le cœur de ces grands justes pendant de leur vie sur terre?
Le Royaume des Cieux est là où Dieu vit, et le Grand et Vrai Dieu a vécu, a clairement vécu, dans le cœur de ces grands justes, car toute leur vie a été consacrée à Dieu, à la connaissance de Dieu, à l’amour de Dieu, à la communion avec Lui. Alors, qu’y a-t-il d’étrange, à ce que nous croyions, selon la parole de Christ, que le Royaume des Cieux a commencé dans le cœur de ces grands justes au cours de leur vie terrestre? Leur vie terrestre était complètement différente de celle des gens du monde.
Ils ont consacré toute leur vie à Dieu, toute Leur vie a été en étroite communion avec Lui. Est-il donc si extraordinaire d’affirmer que le Saint-Esprit est entré dans leur cœur, et qu’ils étaient les temples de Dieu, et que le Saint-Esprit les habitait?
Et les gens de ce monde, vivent-ils de cette façon, dans leur grande et écrasante majorité? Non, non, pas du tout: ils ne pensent pas à Dieu, ils n’aspirent pas à la Vie Éternelle et n’y croient pas; ils n’ont pas besoin du Royaume des Cieux, car toutes leurs pensées, leurs aspirations, tous leurs désirs sont dirigés seulement vers le royaume terrestre.
Ils n’ont pas besoin de la Vie Éternelle, ils ont seulement besoin d’organiser leur vie terrestre de la meilleure façon possible, et toutes leurs aspirations, toutes leurs pensées ne sont dirigées que vers cela. Et tous ceux qui vivent avec pour but leur préparation pour la Vie Éternelle, l’acquisition des vertus supérieures qui leur ouvrent l’entrée dans le Royaume des Cieux, ils constituent le petit troupeau du Christ, selon Sa Sainte parole. Et ce n’est pas seulement dans le cœur des grands saints que le Royaume de Dieu s’ouvre déjà au cours de leur vie; dans le cœur des chrétiens ordinaires qui suivent le Christ et L’aiment, le Royaume de Dieu commence déjà maintenant.
Rappelez-vous la parole très importante de l’Apôtre Jean le Théologien au sujet du Saint-Esprit: «…nous connaissons qu’Il demeure en nous par l’Esprit qu’Il nous a donné.» (1Jean3;24).
À chaque prière ardente, à chaque bonne action, nous ressentons le souffle silencieux du Saint-Esprit dans notre cœur. Nous devenons paisible, calme, doux, silencieux, nous cessons de juger et de rapporter les péchés des autres, et par ce changement bienfaisant de notre esprit, nous apprenons que le Saint-Esprit est en nous. C’est le début du Royaume de Dieu en nous, comme la faible aube du jour qui se lève, mais à mesure que les commandements du Christ sont remplis, cette aube devient de plus en plus lumineuse. Dans le cœur des grands saints, le soleil brillait déjà dans toute sa puissance, et nous n’avons que l’aube… Mais c’est déjà le Royaume de Dieu en nous.
Mais n’allez pas pensez que, comme l’aube du jour, ce début du Royaume des Cieux se développera de Lui-même dans votre cœur. Non, je vous le dis, petit troupeau! Comprenez la grande parole du Seigneur Jésus-Christ: «le Royaume de Dieu est pris par la force, et les violents s’en emparent» (Mat.11;12). C’est par la grande force de l’amour et l’effort dans les bonnes actions, que nous devons constamment contribuer au lever de l’aube et à la montée du Soleil de Vérité dans nos cœurs.
Un grand labeur est nécessaire pour purifier nos cœurs de toute impureté pécheresse, des passions et des convoitises. Et c’est alors seulement que le Royaume de Dieu s’ouvrira de plus en plus clairement en nous.
Si un tel labeur quotidien de purification de notre cœur est la tâche principale et la plus importante de notre vie, si nous ne consacrons que peu de temps aux besoins quotidiens du corps, alors la mort elle-même ne sera pas une source d’effroi pour nous, mais un événement profondément joyeux, car elle sera une transition directe vers la Vie Éternelle. Alors, au son de la trompette de l’Archange et du terrible éclair qui déchire le ciel d’Est en Ouest, nous nous écrirons avec une grande joie, «…notre délivrance approche» (Lc.21;28). Le Soleil de Justice, le Christ notre Dieu, nous donnera cette joie si nous franchissons la porte étroite, si nous suivons le chemin étroit de l’accomplissement de Ses commandements et de la souffrance pour Lui.
Amen.

Le Moine Théraponte. Pâques a resplendi.

Les trois néomartyrs d’Optino

Dans plusieurs textes concernant le Hiéromoine Vassili et les Moines Théraponte et Trophime, les trois frères d’Optino Poustin’ assassinés dans l’enceinte du monastère la nuit de Pâques 1993, on lit qu’ils sont devenus extrêmement familier des fidèles qui les prient, aujourd’hui encore. Ces fidèles ont simplement lu et relu le livre «Pâques rouge», et les trois frères sont devenus comme des membres de leur famille. L’Église ne les a pas encore glorifiés, mais il est devenu impossible de tenir le compte des miracles attribués à leurs prières. Ce livre, «Pâques rouge», n’a pas été traduit en français. Il est bien sûr moins évident pour les fidèles francophones de considérer les trois frères d’Optino comme des membres de la famille et demander ainsi leur prière. En vue de faire mieux connaître chacun de ces trois merveilleux moines et afin donc d’aider les lecteurs de ce blog à adresser plus volontiers leurs prières à ces trois néomartyrs, nous poursuivons la traductions de plusieurs extraits de deux livres.

Au monastère, les obédiences changent souvent, pour que les frères ne s’engluent pas dans de vaines occupations et se souviennent toujours que la vie sur terre est brève. De plus, la pratique prolongée d’une obédience peut devenir prétexte à vanité ou à une forme de sécularisation.
Ainsi, Théraponte dut assurer la fabrication des planches à icônes et des croix de bois remises lors des tonsures monastiques. Un jour, un moine fit son éloge :
– Formidable, quelles superbes croix tu sculptes!
– Oui mais pour quel bénéfice? Un homme qui sculptait lui aussi des croix pensa un jour : c’est tout de même bien que je procure un tel bénéfice au gens. Très peu de temps après, il tomba gravement malade et il eut l’impression d’être dans son cercueil, couvert par le tas de croix qu’il avait sculptées. Et soudain, ces croix tombèrent en poussière sous ses yeux. Et il lui fut révélé que Dieu n’a pas autant besoin de nos œuvres que de la pureté de notre âme et de notre humilité. Sans humilité, toutes les œuvres sont vaines.
Théraponte était un taiseux. Il était capable de se taire très longtemps. Il avait appris cela dans la taïga quand il travaillait comme garde-chasse. Il lui arrivait alors de rester des mois sans rencontrer personne et sans parler. C’est dans les écrits des Saints Pères que Théraponte a lu que le début de l’humilité, c’est le silence. C’est ainsi que l’homme ne peut acquérir l’humilité avant d’avoir appris à se taire. Et le silence lui-même est la langue du siècle à venir car c’est la langue des Anges. Et il pensa également : l’homme étudie vraiment beaucoup de langues, mais on n’enseigne pas le silence.
Le futur martyr connaissait par sa propre expérience l’utilité du silence : celui qui parvient à le garder acquiert la lumière de l’âme, et cette lumière incite l’homme à se taire, car tout comme la chaleur sort de la pièce à travers la porte fermée, la chaleur du monde du cœur disparaît suite à la verbosité.
Un jour les frères tinrent la conversation suivante :
– Pour s’habituer au silence, il faut à peu près deux ou trois semaines, dit Théraponte. Mais j’ai lu que Abba Agathon garda des cailloux en bouche tant qu’il n’eut pas appris le silence. Visiblement, cela dépend beaucoup des prédispositions de chacun. Si auparavant on parlait peu, il ne faut pas longtemps pour savoir tenir sa langue, mais si on avait l’habitude de parler beaucoup, il faut travailler dur pour y parvenir. S’étant observé lui-même, Théraponte ajouta : le silence dévoile des passions qu’on ignorait, la curiosité, le murmure, le souhait de s’occuper de tout et de faire la leçon. C’est pourquoi il est très important d’apprendre le silence aussi bien de l’esprit que du cœur.
– «C’est quoi le silence de l’esprit et du cœur?», lui demanda-t-on.
– C’est ne pas permettre aux pensées et aux sentiments pécheurs de parler à l’intérieur de soi. Le silence est un médicament qui guérit l’âme.
– Et s’il est nécessaire de parler pour se défendre? Car enfin, si on te calomnie, tu dois pouvoir rétablir la vérité.
– Le Seigneur garde ton âme tant que tu tiens ta langue.Il faut savoir que, quelle que soit la situation dans laquelle tu te trouves, la victoire revient au silence. Et si tu te souviens toujours des paroles de l’Évangile, «…tu seras justifié par tes paroles, et tu seras condamné par tes paroles?»(Mat.12;37), tu verras bientôt qu’il vaut mieux te taire que parler.
Pour Théraponte, le Carême de 1993 se déroula dans les prières et les podvigs assidus. Chaque jour, il se rendait à l’église pour tous les offices. Il fut désigné pour lire les cathismes des heures, pour être sacristain et surveiller l’église. Peu de temps avant Pâques, Théraponte décida de sculpter pour lui-même une croix de tonsure, mais il y avait toujours quelque chose qui allait de travers et il dit à un frère :
– Écoute, frère, quelque chose de bizarre a lieu en moi. Je voudrais me sculpter une croix de tonsure, et je n’y parviens pas. J’en ai faites tellement pour les autres, mais pour moi, je n’y arrive pas. Sculpte-moi une croix.
Le frère acquiesça, mais le Seigneur préparait pour Théraponte non pas une croix de bois, mais la croix la plus précieuse de toutes, celle de martyr. Peu de temps plus tard, c’est précisément à ce frère que fut confiée la tâche de fabriquer les croix pour les tombes des néomartyrs les moines Trophime et Théraponte, et le hiéromoine Vassili.
… Juste avant Pâques, Théraponte commença à distribuer ses propres affaires. C’était étonnant ; il donna ses outils avec lesquels il sculptait les croix. Et il dit à un des frères :
– Comme c’est bien ici, en terre d’Optino! J’aimerais, je ne sais pourquoi, que cette Pâques soit éternelle, qu’elle ne finisse jamais, pour que sa joie demeure toujours dans mon cœur.
Théraponte soupira, regarda le ciel et, en souriant légèrement, ajouta :
– Le Christ est ressuscité !
Le frère se souvint : «Suite à ses paroles, je ressentis dans mon cœur une telle légèreté, une telle joie, qu’on aurait dit non ps les paroles d’un homme, mais celles d’un Ange».
Pendant l’office Pascal, Théraponte se tenait, tête baissée, près du porte-cierge pour les âmes des défunts. Quelqu’un lui donna un cierge. Il l’alluma mais, on ne sait pourquoi, il ne le plaça pas immédiatement, il le garda un temps en main. Ensuite il le plaça, se signa et partit se confesser.
«Le corps est endormi…» chantait le chœur des frères. Le canon des matines se termina et les prêtres en ornement rouge vif entrèrent lentement dans l’autel. On aurait dit des guerriers fatigués rentrant à la maison après une dure bataille. Ils portaient en eux la joyeuse nouvelle de la victoire, et en même temps, le souvenir de ceux qui ne reviendraient pas du champ de bataille. Nombreux sont ceux qui se souviennent que cet office Pascal fut assez inhabituel. On avait le sentiment que quelque chose d’important allait se produire.
Théraponte communia mais n’alla pas à l’autel, il se dirigea humblement vers le bout de l’église où il prit l’antidoron et la zapivka. Après, il alla devant l’icône des Startsy d’Optino, inclina la tête et plongea dans la prière. Une moniale âgée se souvient : «Son visage était imprégné de tendresse, et il avait l’air tellement rempli de grâce, mais d’une grâce…!». L’office Pascal prit fin. Tous se dirigèrent vers le réfectoire pour rompre le jeûne, mais Théraponte demeura pour surveiller l’église. Il voulait encore rester encore un peu, pour prolonger ce merveilleux triomphe comparable à nul autre, cette indescriptible joie Pascale dans l’âme.
Soudain, Trophime entra dans l’église. Il fit un signe et Théraponte se hâta à sa suite vers le clocher. …Les premiers rayons du soleil levant, se frayant un chemin à travers les sommets des pins centenaires, dissipèrent les ténèbres nocturnes qui pendaient au-dessus de la terre. Les merveilleuses modulations du chant des oiseaux rappelaient les demeures paradisiaques, où l’on chante constamment la louange Angélique à Dieu. Le son des cloches réveilla le silence de l’aube. C’étaient les moines Théraponte et Trophime qui annonçaient au monde une grande joie: le Christ Ressuscité des morts!
«Le moine Théraponte était un sonneur virtuose», se souvinrent les frères. «Il était très sensible au rythme et sonnait avec légèreté, sans aucune tension.»
– Seigneur, Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de nous pécheurs, s’écria-t-il d’un cœur rempli de tendresse, alors que le carillon sonnait Pâques.
À ce moment-là, le couteau du sataniste, long de soixante centimètres, portant la gravure du chiffre 666, perçait le cœur du pieux moine. Théraponte tomba. Son visage, tourné vers l’Est, se figea dans un calme silencieux. Il a toujours cherché à garder dans son âme la paix qui venait du Doux Jésus, avec elle, il entra dans la joie éternelle du Christ Ressuscité. Avant Pâques, Théraponte avait distribué tout ce qu’il avait. Maintenant, il avait donné avec joie la dernière chose, sa vie terrestre, transitoire.
À la suite de Théraponte, le moine Trophime fut tué, et non loin de la tour de l’Ermitage, le Hiéromoine Vassili. Le cœur des fidèles fut écrasé par le chagrin. Et comment ne pas pleurer ici, alors que les enfants du Christ ont eu en partage le sang (Hébr.2;14). Mais la Résurrection du Christ est la preuve que les frères ne sont pas morts. Ils sont seulement appelés par Christ à un autre ministère, céleste.
Leur vie terrestre, remplie du podvig de l’amour, s’était terminée et était devenue la prédication de la Résurrection du Christ.
… Le jour de l’enterrement, il tomba soudain de la neige mouillée. Les flocons blancs tombaient au sol et fondaient immédiatement. Il y avait beaucoup de gens, comme à Pâques. L’office funéraire, accompli selon l’oustav de Pâques, prit fin. Lorsque les cercueils des martyrs furent transportés au cimetière du monastère, surgi de derrière les nuages, le soleil printanier brillant parut soudainement et illumina la terre de ses rayons de vie, comme pour rappeler que le sang versé par les martyrs d’Optino n’est pas du simple sang, mais un sang digne du Ciel, un sang Saint, abreuvant la terre des âmes des hommes de la foi et de l’amour pour le Christ. Et ce sang ne crée pas dans le cœur des fidèles la peur du martyre, mais le regret que le Seigneur ne nous ait pas aussi accordé une récompense aussi précieuse.
Rien n’est plus fort que l’amour pour Dieu. Celui qui l’a acquis n’a pas peur des privations, des tortures, ni de la mort la plus violente, mais, plongé dans l’amour du Christ, il ne remarque plus rien du monde visible, car, ayant déménagé dans le ciel, il est semblable aux Anges.
Traduit du russe
Source :
Небесные ратники. Жизнеописания и чудеса Оптинских новомучеников (Les soldats célestes. Vie et miracles des néomartyrs d’Optino) Alexandre Ivanovitch Iakovlev. Éditions : Святитель Киприан, Moscou 2013. Pages 261 à 268.