AthanasiosEn Grèce et en Russie, le Métropolite Athanasios de Limasol prodigue des enseignements spirituels nombreux et denses, dont la conformité avec la tradition est unanimement reconnue. Avec régularité, le site pravoslavie.ru présente à ses lecteurs russes des entretiens et conférences du Métropolite Athanasios. Nous en proposons ici la traduction française.

Votre Éminence, n’avez-vous pas l’impression que nous vivons des temps anormaux? Au risque de passer pour des ronchons, les gens ont toujours prétendu qu’avant le soleil brillait plus fort, que l’herbe était plus verte et les gens, meilleurs. Toutefois un sentiment généralisé d’anxiété et d’inquiétude est partagé aujourd’hui par tous, pas seulement par les Chrétiens.
Je pense que nous aussi, avons mûri et vieilli, et nous voyons le passé sous un éclairage qui lui est favorable, il en devient plus acceptable que le présent. Il ne fait aucun doute que le monde avance vers les temps derniers. Néanmoins, pour un Chrétien, «hier» et «demain» n’existent pas. Seul existe aujourd’hui, qui se vit dans les Mystères de l’Église, dans la Divine Liturgie, dans la présence de Dieu. Lors des fêtes de l’Église, nous disons «Aujourd’hui, le Christ est né, aujourd’hui, le Christ est baptisé, aujourd’hui, le Christ est cloué sur la croix». C’est ainsi que nous vivons aujourd’hui le Royaume des Cieux, qui avance vers la fin. Je pense que nous devons rendre grâce à Dieu pour le Royaume des Cieux. Comme disait Geronda Païssios, au plus nombreuses sont nos tribulations, au plus Dieu nous bénit.
Admettons que dans l’Église, «hier» et «demain» n’existent pas, mais au-delà de la clôture de l’église se produisent des choses très surprenantes: on reconnaît les unions de personnes de même sexe, à certains endroits il est possible de tuer les personnes âgées, si c’est leur souhait, mais il se peut que ce soit aussi selon le souhait de ceux qu’ils importunent. On observe une exceptionnelle propagande en faveur de la débauche, et on voit commettre l’illégalité sous nos yeux. Ne sommes-nous pas en droit de dire que notre monde est fort différent de ce qu’il était voici cinquante ans?
Nous déplorons que nos frères ne connaissent pas le Saint Évangile et commettent des actes tels que ceux que vous mentionnez. Nous prions pour eux et pour le monde entier. Mais vous savez, l’Église a toujours connu les tribulations. Elle est apparue à l’époque de l’idolâtrie. Et pendant des siècles, elle fut persécutée. Souvenez-vous de ce qui se passait en Russie voici quelques décennies. Et malgré cela, l’Église va son chemin. Nous ne nous désespérons pas, nous rendons grâce à Dieu de ce nous sommes dans l’Église et nous prions Dieu afin que nous y demeurions. Nous prions Dieu pour ceux qui sont hors de l’Église, afin que ces frères connaissent Dieu à leur tour, car de cela nous portons la responsabilité. Nous savons que le prince de ce monde, le diable, est hors de l’Église. Mais le Christ vaincra le diable, et les gens qui veulent la vérité et la justice du Christ seront éternellement avec lui. Ceux qui sont dans l’Église portent une énorme responsabilité; celle de dispenser la vérité de l’Évangile à ceux qui le veulent.
En Russie, dans les années ’90 on a connu un élan spirituel colossal. Aujourd’hui, nous observons clairement un refroidissement de la foi, et il se peut que ceux qui devaient devenir les fils du Roi choisissent, plutôt que le Christ, un royaume et un maître tout différents. Comment les Chrétiens peuvent-ils raviver en eux le feu du zèle?
Les personnes qui abandonnent le Christ ont toujours constitué une source d’affliction pour les Chrétiens, mais aussi une incitation à manifester de l’amour et à prier pour ces personnes qui ont chuté. Nos relations avec ceux qui ne croient pas en le Christ doivent être empreintes d’un amour immense et mues par une grande affliction. Dans l’Évangile, le Christ nous dit que nos actes doivent être une lumière pour les autres, afin qu’ils apprennent à connaître Dieu (Mat. 5:16)
Nous sommes coupables de ce qu’il existe des gens qui ne connaissent pas le Christ. Nous devons ressentir une énorme responsabilité à l’égard de l’âme de ces personnes.

Si nous devenons saints, nous attirerons des gens au Christ. Notre problème est que la sainteté nous fait défaut.

Dès lors nous sommes injustes dans nos relations avec nos frères qui ne voient pas de sainteté en nous et dès lors n’avancent pas, ne se rapprochent pas de l’Évangile. C’est ainsi que ce dont nous avons réellement besoin, c’est de sainteté et de saints dans notre Église.
La question était un peu différente. A quels instruments recourir pour raviver en nous le feu de la foi chrétienne et aspirer à la sainteté quand survient le refroidissement consécutif aux premières années enflammées de la période de néophyte? Nous voyons des tragédies se dérouler jusqu’au sein des familles de prêtres. L’épouse d’un prêtre célèbre l’a quitté, plusieurs séminaristes connus ont divorcé. Nous voyons se produire des choses impensables là où nous n’imaginions pas qu’elles puissent se produire. Sur quoi les Chrétiens contemporains devraient-ils concentrer leur attention pour que ces choses ne se produisent pas?
Notre vie sera toujours remplie de tentations; cela ne fait aucun doute. Et bien sûr toutes ces tentations auront pour but de déraciner notre amour pour Dieu. Mis à part la vigilance et l’ascèse que nous devons accomplir au cours de notre vie, il est très important que l’homme qui souhaite préserver la chaleur en son cœur ait un saint et vertueux père spirituel vers lequel il peut se tourner dans les durs moments de tentation. Alors, ce père spirituel, avec l’aide de l’Esprit Saint, nous aidera, afin que ne s’éteigne pas en notre cœur l’amour pour Dieu. Mais nous devons aussi nourrir notre âme par la prière et la lecture de livres spirituels. Alors, avec l’aide de notre père spirituel, nous serons en mesure de résister à ces grands troubles qui prennent place en nos vies et autour de nous.

Vous dites qu’il est bon d’avoir un saint père spirituel. Mais en Russie la situation est telle que nous avons de très nombreux jeunes prêtres qui n’ont tout simplement pas d’expérience spirituelle, ni de dons spirituels particuliers. Que doit faire la majorité des Chrétiens qui n’a pas la possibilité de s’adresser à des hommes à la vie sainte?

Saint Païssios disait que quand l’aide humaine n’est pas disponible, alors arrive l’abondante aide de Dieu.

Bien sûr, ce que vous dites est très logique mais néanmoins, la logique divine est différente. Le Seigneur n’a pas besoin de moi, ni de personne, même pas des gerondas Porphyrios et Païssios. Dieu peut accomplir Son dessein Lui-même dans l’âme des gens, et c’est pourquoi nous ne devons jamais désespérer.
L’Église est la mystérieuse présence de Dieu dans le monde. Si quelqu’un était allé auprès de Geronda Païssios sans la foi, il n’aurait retiré aucun bénéfice de sa démarche. Et l’inverse est vrai aussi: si tu t’approches de ton père spirituel, fût-il jeune, avec foi et humilité, tu recevras la réponse qui correspondra à la volonté de Dieu.
Voici une histoire que j’ai entendue au Mont Athos. Le père spirituel d’un moine vint à mourir. Il enfila alors le vêtement de son père spirituel défunt sur un rondin et dit: «Puisque je n’ai plus de père spirituel, je m’adresserai à ce rondin». Et il en alla ainsi. Et un jour, alors qu’il venait de poser une question au rondin, il entendit une voix lui répondre «Non, ne fais pas cela!». Dieu agit donc conformément à notre foi. Je comprends très bien ce que vous dites, mais malheur à nous si nous nous reposons sur les personnes et non sur Dieu. En Grèce même, nombreux étaient ceux qui ne connaissaient pas les gerondas Païssios et Porphyrios lorsque ceux-ci étaient en vie, même s’il s’agit bien de saints uniques. L’important, c’est que l’Église continue son œuvre.
Lorsque la foi de l’homme est vivante, s’il aime Dieu, alors, mis à part Dieu et Son Église, il n’a besoin de rien. Mais quand refroidissent la foi et le zèle et qu’apparaît le besoin du monde qui selon les paroles de l’apôtre «est sous la puissance du malin», comment se sauver?
Il suffit au Chrétien de faire alors ce que fit l’apôtre Pierre quand il commença à se noyer. Il s’écria: «Seigneur, sauve moi!» Et le Seigneur lui tendit la main et le sauva.
Le Christ est vivant! Toujours, il est proche. Et celui qui se tourne vers Lui reçoit de l’aide.
Et quand on prie et que l’on ne voit pas de réponse à la prière, quand il nous semble que Dieu se tait?
Tant que l’homme attendra le résultat de sa prière, il ne le verra jamais car le principe même de cette prière est erroné. Je ne prie pas pour voir quelque fruit ou résultat que ce soit. Je prie pour que mes péchés soient pardonnés, pour que le Seigneur me fasse grâce. Le Seigneur nous donne Son Corps et Son Sang, efface les péchés et à travers Son Église, Il nous donne la grâce de l’Esprit Saint. C’est pourquoi il nous suffit de prier Dieu avec simplicité et humilité, pour qu’Il nous fasse grâce. L’homme humble croit en Dieu et ne se demande pas si Dieu l’entend ou non. Si on veut voir le résultat de la prière cela veut dire que l’on met cela en doute. Et puisque Dieu ne veut pas nous nuire à travers notre orgueil, Il nous cache les fruits de notre prière. Il est tout à fait possible qu’Il nous les montre, quand nous faisons preuve d’humilité, quand nous pouvons nos délecter des fruits de la prière sans même nous en rendre compte. A un moine qui toujours demandait à voir les fruits de sa prière, un geronda dit: «Tu ressembles à l’homme qui sème sa semence et qui chaque jour la déterre pour voir si les racines commencent ou non à pousser. Laisse cette semence en terre, arrose-la, prends-en soin, et elle grandira d’elle-même».
Comment expliquer une telle vérité à ceux qui se tiennent loin de l’Église? Nombreux sont ceux pour qui la vie est un supermarché dans lequel on entre et on achète en vitesse ce qu’on veut. On allume un cierge, et Dieu doit guérir un cancer, aider à déménager, trouver du travail, etc.
Nous ne sommes pas les avocats de Dieu. Nous ne devons pas sans cesse expliquer ce que Dieu fait pour chaque athanassios-lemessou-IN-Rpersonne. Nous devons enseigner aux hommes à aimer Dieu de l’amour d’un enfant, et non du point de vue du chaland de supermarché. Nous devons avoir confiance en Dieu, confiance en la Providence divine. Dieu parlera au cœur de chaque homme et nous ne devons pas nous alarmer et nous tourmenter de ce qu’il va advenir du monde et des hommes. Le Christ est le Sauveur du Monde. Il a été crucifié pour les hommes. Il ne sera injuste envers personne. Dieu s’adresse au cœur de chacun quand cela s’avère nécessaire. Si Dieu Se tait, taisons-nous.
Nous devons abandonner l’âme de chaque personne à la divine Providence. Il arrive que l’on vive de nombreuses afflictions, tentations et incompréhensions, pour parvenir à sentir Dieu en notre cœur. Vous souvenez-vous de Job le Longanime? Le Seigneur permit qu’il traverse une quantité impressionnante de tribulations et ne lui adressa la parole que tout à la fin. Dieu sait quand parler au cœur de l’homme. Nous devons avoir confiance en Dieu, confiance en son amour pour le monde entier. Lorsque nous voyons qu’une personne a besoin de Dieu, nous devons prier pour elle, et Dieu ne manquera pas de toucher son cœur.
Mais alors comment l’Église peut-elle remplir sa mission? Si vous dites qu’il ne convient pas de s’inquiéter de ce qu’il adviendra du monde, que Dieu parlera au cœur de l’homme au moment opportun, nous ne devons pas nous préoccuper de ce que les gens aillent ou non vers l’Église, ni quand ils le feront. Mais ne devons-nous rien faire pour amener ces gens vers l’Église. Quelle devrait être la vraie mission de l’Église?
Le semeur sème les graines en terre et ensuite il ne s’inquiète pas, mais prie pour que le Seigneur fasse croître la semence. De même nous devons semer la semence, l’arroser, en prendre soin et ne pas nous inquiéter de la manière dont elle croîtra.
Quelle est la limite jusqu’à laquelle nous pouvons nous approcher du monde, afin de tenter de l’influencer? Depuis longtemps déjà, dans l’Église russe, on discute des méthodes à utiliser dans le cadre des missions. Les prêtres peuvent-ils assister aux concerts de rock, jouer au football, etc.? De telles méthodes sont-elles susceptibles d’attirer les gens vers l’Église?
Je pense que le monde n’a pas besoin que nous assistions aux concerts de rock ou que nous jouions au football. Je pense qu’il a besoin que nous soyons là, où on peut nous trouver, c’est-à-dire dans l’église, à l’ambon, pour les confessions, pour les conversations spirituelles. Les gens ont besoin d’entendre de notre part la parole de Dieu. Les gens ont besoin que nous les accueillons avec amour et bonté. Ils n’ont pas besoin de notre présence au football ou que nous allions boire dans les discothèques. Ils ont besoin de notre amour, de notre bonté et de la sainteté de notre vie.

Traduit du Russe. Source.