Agionoros.ru a mis en ligne une série de textes concernant des ascètes contemporains. Plusieurs de ces textes concernent Geronda Seraphim (Dimopoulos), dont une biographie fut publiée en 2011 : «Père Seraphim Dimopoulos (1937-2008). Un ascète dans le monde contemporain» («Πατήρ Σεραφείμ Δημόπουλος (1937-2008) Ένας ασκητής στον συγχρονό κόσμο». Les textes publiés par Agionoros.ru ne sont pas extraits de ce livre, mais ont plutôt pour objet d’apporter un éclairage complémentaire. La première partie se trouve ici.

Peu nombreux furent ceux qui eurent la possibilité de constater dans quel dénuement Geronda vivait. Dans sa chambre se trouvait un frigo endommagé, sur lequel était posé un petit réchaud au gaz et deux caisses en bois : voilà toute la richesse de son «mobilier». Un jour, la tranquillité de Geronda fut perturbée. A proximité de sa retraite isolée, on ouvrit un centre de divertissements. La musique hurlait toute la nuit, les moteurs des véhicules vrombissaient, les cris retentissaient. Geronda Seraphim ne pouvait plus prier, ni dormir. Il se réfugiait dans un réduit et tentait malgré tout de se reposer un peu, assis sur un banc étroit. «A cause d’eux, je ne parvenais plus à dormir. Mais cela ne se prolongea guère. Le centre ferma rapidement». Le night club cessa effectivement d’exister.
Geronda Seraphim n’avait pas de paroisse qui lui fût attribuée. La tâche qui lui était dévolue était de desservir les villages éloignés de l’éparchie, qui étaient dépourvus de prêtre de paroisse. Il ne possédait évidemment pas de voiture et effectuait tous ses déplacements à pieds. Il se mettait en route tard le soir pour atteindre sa destination à l’aube, allant à travers la neige, la pluie, le froid. Chemin faisant, il était trempé, et gelé. Un de ses enfants spirituels raconte qu’un jour, Geronda quitta sa kaliva un samedi soir et se mit en route pour le village de Krania, sur le Mont Olympe. Pendant la nuit, il se reposa un peu dans la forêt et célébra Orthros et Liturgie le dimanche matin. Et il se remit ensuite en chemin pour rentrer chez lui. Il convient, afin de comprendre la situation, de se rappeler qu’à cette époque, Geronda Seraphim était âgé d’environ 70 ans et que la distance parcourue, aller-retour, approchait les cent quarante kilomètres. Une nuit, une voiture heurta Geronda. Le conducteur n’avait pas remarqué la silhouette qui marchait au bord de la route. Mais le Seigneur protégeait Geronda Seraphim, et celui-ci ne fut pas blessé. Quand il marchait, il était immergé dans la prière, jamais distrait par la curiosité, il n’observait pas ce qui l’entourait. Et quand il confessait des femmes, jamais il ne regardait leur visage.
Un jour, un de ses fils spirituels vint à lui. Geronda était assis sur une chaise, les pieds trempés dans un bassin où il avait mélangé de l’iode à l’eau. Suite à ses incessantes pérégrinations, il ne restait plus de chair saine à ses pieds. Pas une seule fois on n’entendit Geronda Seraphim se plaindre de ses maux, dont il souffrait abondamment, et il s’efforçait de ne pas prendre de médicament. Il les acceptait seulement dans les cas aigus d’occlusion intestinale car à la douleur insupportable s’ajoutaient des vomissements. Un jour, en hiver, Geronda était assis devant sa kaliva. Il faisait froid et venteux et sa demeure n’était pas équipée de moyen de chauffage. Il était épuisé par la grippe. Il confessait les visiteurs mais refusait leur aide. Une autre fois, un de ses fils spirituels le découvrit tordu de douleur devant la kaliva. Il lui proposa de l’emmener à l’hôpital, mais il essuya un refus. Le lendemain, il le trouva dans la même position, mais à nouveau, Geronda Seraphim refusa toute aide. Un jour, il tomba gravement malade et pendant un mois, il resta alité, sans pouvoir parler ni manger. Ses enfants spirituels (dont de nombreux Albanais qu’il avait amenés à l’Orthodoxie) lui proposèrent de l’emmener à l’hôpital, et de nouveau, il refusa, demandant par des gestes que l’on prie Dieu pour lui. Les gens commencèrent à pleurer de chagrin et d’inquiétude concernant leur bienfaiteur qui non seulement était leur père spirituel, mais venait aussi matériellement en aide aux familles.
Sa maison n’était pas équipée d’un téléphone. Quant aux toilettes, elles se trouvaient à l’extérieur. Toujours, Geronda cherchait à s’isoler. Par un jeûne sévère et la prière, il s’efforçait de se rapprocher de Dieu qu’il aimait de tout son cœur et à la suite Duquel il marcha dès sa tendre jeunesse. Sa prière était incessante ; «La prière de Jésus ne s’arrête jamais», disait Geronda. Il portait de vieux vêtements reprisés, et pas lavés, mais jamais il ne s’en dégagea une odeur désagréable. Il possédait un seul jeu «d’habits du dimanche», et chaque soir il enfilait un pull mangé par les souris.
Geronda parlait peu ; souvent il soulignait l’importance de la vertu du silence. Il faisait preuve de mesure dans ses paroles ; son propos était imagé et clair. Il aimait plaisanter, mais ses paroles simples contenaient toujours un sens profond et c’était un vrai plaisir que de  l’écouter parler. Il était délicat et faisait preuve de précaution. Respectant tout un chacun, il avait toujours un mot favorable concernant son prochain, quel qu’il fût. Pacificateur et doux, il était une vraie consolation pour tous ceux qui l’entouraient. Quand on l’approchait, on ressentait une indescriptible joie intérieure. En lui, tout respirait la grâce. Il sortait tout droit des pages d’un ancien «Paterikon».
A l’entrée de sa kaliva, Geronda Seraphim avait accroché une icône du Saint Megalomartyr Panteleimon, pour lequel il éprouvait une particulière vénération. Il vénérait également beaucoup la Très Sainte Mère de Dieu. Un jour alors qu’on lui apportait une icône de la Panagia, il l’embrassa à plusieurs reprises alors que les larmes s’écoulaient à profusion de ses yeux. Un jour, alors qu’il allait célébrer l’office en l’église d’un village éloigné, Geronda y pénétra et se précipita vers l’icône de la Panagia devant laquelle il demeura un temps en prière. Il raconta qu’un jour, alors qu’il souffrait d’une attaque de mauvaises pensées, il essaya d’appeler Geronda Porphyrios, le futur Saint, au téléphone, mais malgré ses appels répétés, ce dernier ne décrochait pas. Geronda Seraphim tomba en prière avant d’essayer à nouveau. Cette fois, Geronda Porphyrios décrocha, et avant qu’un mot ne lui soit adressé, il se mit à exposer et analyser les pensées qui tourmentaient Geronda Seraphim. Dès cet instant, et selon ses propres paroles, Geronda Seraphim ressentit la visite de la Grâce divine. Il fut délivré pour toujours du poids de ses pensées. «Le Père Porphyrios a une grande grâce», disait-il. Il connut au moins cinq habitants de Larissa qui souffraient du cancer et qui furent guéris par les prières de Saint Porphyrios (Celui-ci en avait parlé à Geronda Seraphim lors de leur entretien téléphonique). Evstathios Zakhariou, policier à Larissa raconte : «Au bout de plus de dix années au cours desquelles j’ai fréquenté Geronda Seraphim de bienheureuse mémoire, je suis convaincu de ce qu’il fut un vrai juste, un héros de l’ascèse. Son aspect extérieur ne produisait pas grande impression. Il était peu soigné, négligé même, jamais peigné. Dans sa kaliva régnait le désordre. Mais tous ceux pour qui l’aspect extérieur ainsi que les manières inhabituelles de Geronda étaient peu importants, voulaient le connaître de près, convaincus de ce qu’il était habité par la Grâce de l’Esprit Saint. Geronda était très sévère vis-à-vis de lui-même, il mangeait peu, dormait peu (sur le sol, sans lit), il cuisinait rarement, et quand il le faisait, ses mets étaient des plus simples. Il dût passer des heures innombrables sous le soleil brûlant, pour parcourir, toujours à pieds, ses trajets si longs. Juste avant sa mort, il dût se résoudre à voyager en autobus et à recourir à l’auto-stop. L’humilité fut sa plus grande vertu ; il dissimulait ses charismes et ses vertus ; ce n’est pas un hasard si Saint Païssios l’Athonite le qualifia de «lièvre qui se cache». Il évitait toujours de parler à propos de lui-même, et tout particulièrement, de ses exploits et dons spirituels. Geronda Seraphim parlait peu, confiant à ses enfants spirituels juste le nécessaire pour qu’ils puissent lutter contre le mauvais. Il disait : «De notre propre vie spirituelle, il ne faut jamais parler à personne sauf à notre père spirituel». (A suivre)
Traduit du russe

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