Agionoros.ru a mis en ligne une série de textes concernant des ascètes contemporains. Plusieurs de ces textes concernent Geronda Seraphim (Dimopoulos), dont une biographie fut publiée en 2011 : «Père Seraphim Dimopoulos (1937-2008). Un ascète dans le monde contemporain» («Πατήρ Σεραφείμ Δημόπουλος (1937-2008) Ένας ασκητής στον συγχρονό κόσμο». Les textes publiés par Agionoros.ru ne sont pas extraits de ce livre, mais ont plutôt pour objet d’apporter un éclairage complémentaire. Voici la quatrième partie de la série. Les premières parties se trouvent ici.

Malgré qu’on lui ait conféré le rang d’Archimandrite, Geronda Seraphim continuait de porter une simple petite croix de fer. Les prêtres qui le connaissaient plaisantaient à ce propos : «Dis-donc, Père, tu l’as achetée chez un forgeron?». Les lacets jamais noués et son sac à moitié dévoré par les souris attiraient sur Geronda Seraphim l’attention des passants : «Geronda, votre sac est parsemé de trous! Vous allez perdre vos clés et tout ce que vous transportez!». Mais Geronda n’y accordait aucune attention. Il était capable de s’asseoir n’importe où pour se mettre à écrire ou encore de se coucher en tout endroit à même le sol pour se reposer.Un jour, un conducteur qui avait accepté d’emmener Geronda arrêta son véhicule devant un kiosque pour y acheter quelque chose. Lorsqu’il revint à son véhicule, il constata que Geronda Seraphim avait ouvert les portières, allongé les jambes, et posé les pieds sur le tableau de bord. Ce genre de comportement, adopté par Geronda, était de nature à provoquer un malaise, notamment auprès de certains prêtres. Ces derniers prétendaient que Geronda discréditait l’Église, qu’il avait succombé à la tentation ou qu’il avait perdu la tête. Néanmoins, la majorité des gens sentaient la pureté de cœur de Geronda et lui accordaient un grand respect.
Geronda Seraphim s’efforçait avec ardeur de dissimuler ses vertus, ses bonnes actions et sa vie de héros de l’ascèse. Dès qu’il constatait que quelqu’un faisait son éloge devant un étranger, il s’en éloignait. Il ne permettait pas qu’on lui embrasse la main. Au moment de bénir et prendre congé, il réussissait toujours à la retirer discrètement.

Paternité spirituelle
Geronda Seraphim célébrait avec humilité, simplicité, ainsi qu’une grande piété. Pendant les offices, il récitait les Évangiles par cœur, sans un regard pour le livre ouvert. La teneur de ses prêches était intense, et leur expression fort accessible. Ils reposaient sur sa profonde expérience spirituelle et produisaient une forte impression sur ceux qui les écoutaient. Geronda parlait toujours sans l’aide d’un support de papier ; par moment, son regard s’élevait et de temps à autre, il élevait les mains vers le ciel.
Geronda était un confesseur et un père spirituel remarquable. Auprès de chacun, il faisait preuve d’un grand discernement et s’avérait être un véritable médecin des maux spirituels. Une foule de gens venait se confesser à lui. Un de ses enfants spirituels raconte : «Je me confessais une fois l’an, et j’accomplissais un pèlerinage à la Sainte Montagne. Mon père spirituel athonite me conseilla de trouver un confesseur dans ma ville, afin que je reçoive un soutien spirituel de façon plus fréquente. M’étant mis à la recherche d’un bon confesseur, on me raconta qu’à Larissa vivait un prêtre qui délaissait les choses de ce monde et même sa propre apparence. Sa maisonnette était sise au milieu d’un terrain abandonné, à proximité de la prison de haute surveillance. Sa véranda était flanquée de l’étendard byzantin. Ce que j’avais entendu m’était allé droit au cœur, et je décidai de rendre visite à ce prêtre, mais avec l’écoulement des jours, mon intention se dissipa. Environ sept ou huit mois plus tard je fus atteint par de sérieux problèmes de santé. Un jour, alors que je sortais, troublé, de chez le médecin, je me souvins soudain du geronda de Larissa, dont j’avais entre temps oublié le nom. Je décidai de lui rendre visite sans délai. Je trouvai sa maison sans aucun problème. Une femme était assise juste à côté. Elle me confirma qu’ici vivait le Père Seraphim Dimopoulos. La kaliva était très modeste. Deux portes donnaient sur la véranda. Celle-ci était entourée d’une balustrade dont les barres verticales métalliques faisaient penser à une clôture de prison. Quelques chaises en plastique étaient disposées dans la ‘cour’, envahie par les herbes folles et les détritus. L’endroit avait un air très négligé. Je me mis à appeler :
Père Seraphim, Père Seraphim!
Un homme à la barbe noire ébouriffée apparut sur le seuil de la porte.
Bonjour… (et il cita mon prénom !). Comment vas-tu?
Je fus profondément troublé de ce qu’il connût mon nom. Je lui demandai s’il pouvait me consacrer un peu de temps.
Pars, va-t-en.
Quand puis-je revenir?
Pars et ne reviens plus.
Mais le lendemain matin, je revins auprès de Geronda. Cette fois, la barrière ainsi que la porte de la maison étaient ouvertes, comme si le Père Seraphim m’attendait. «Entre, viens à l’intérieur», me dit-il. Le désordre régnait dans la pièce, la table était encombrée d’objets divers. Mais, immergé dans l’émotion, je n’y attachai aucune attention. J’étais imprégné du sentiment de me tenir devant Dieu Lui-même. Je parvins à peine à retenir mes larmes, réalisant que le geronda sans dents, ébouriffé, tanné par le soleil, et au regard perçant, savait tout de moi. Pendant la confession, il m’aida avec délicatesse à nommer mes péchés : «Certains agissent parfois de la sorte, … d’autres font ainsi, … certains vivent de telle façon…». Il lut la prière d’absolution, et avant que je ne parte, il me remit un exemplaire de «L’Histoire Lausiaque».
A aucun moment je ne fis mention à Geronda de mon problème de santé, mais celui-ci disparut tout de même. Cette rencontre avec Geronda me permit de me décharger du poids de mes innombrables transgressions. Je vins rendre visite de plus en plus souvent à Geronda Seraphim, ne doutant à aucun instant que devant moi se tenait un saint contemporain. Chacun des rencontres laissait en moi une impression indélébile. C’était la première fois de ma vie qu’il m’était donné de rencontrer un homme qui s’était consacré sans partage à Dieu. Il ne prenait aucun soin de lui-même et ne recherchait ni la gloire ni la renommée. Dieu était le sens de sa vie. Après avoir rencontré Geronda Seraphim, je me résolus à accorder moins d’attention aux choses du monde qui m’avaient préoccupé intensément. Je changeai mon mode de vie et mon point de vue, comprenant que j’avais fort négligé mon salut. Je me mis à craindre une mort soudaine suivie de la perdition éternelle. Avec Geronda Seraphim, un monde nouveau s’ouvrit à moi, un chemin nouveau, qui jour après jour emplissait ma vie de sens et de contenu». (A suivre)
Traduit du russe.

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