Double drapeauLa Russie est-elle l’héritière du grand Empire Byzantin ? Si elle ne l’était pas que devrait-elle faire pour le devenir ?  La Russie peut-elle s’approprier l’héritage civilisationnel, moral et politique de Byzance ?  Voici la traduction française du riche entretien d’Andreï Norkine avec les historiens Pavel Kouzenkov et Evgueni Spitsyne, publié le 09 juin 2016, sur le site Tsargradtv.ru. Ce texte a en outre l’avantage de mettre en perspective certaines dimensions de la tragédie qui se déploie  actuellement au sein et autour de l’Église.
Le récent pèlerinage du Président de Russie, Vladimir Poutine, sur la Sainte Montagne de l’Athos a provoqué un débat qui s’est répandu au sein de la société. Qu’est-ce que la Russie d’aujourd’hui ? Est-elle l’héritière de Byzance, oui ou non ? Un tel débat a-t-il raison d’être?
P.K. Ce débat est plus que pertinent. Car qu’est-ce donc que Byzance ? Essentiellement, il s’agit de l’Empire Romain, chrétien, grec, mais, Empire Romain. L’empire continuateur direct de celui de César Auguste. Et l’État le plus emblématique de l’histoire. Les discussions au sujet de l’héritage romain vont bon train depuis longtemps, dès la fin de l’Antiquité. Et dans le monde contemporain, la Russie est loin d’être la seule à revendiquer cet héritage. Les États-Unis également ont des prétentions à cet égard..
Evgueni Iourievitch, pensez-vous qu’un tel débat soit utile ?
E.S. Ce débat existe déjà depuis longtemps dans le milieu académique. Mais il émerge seulement de temps à autre dans la conscience sociale. Et la plupart du temps, les participants au débat ignorent l’essence de la question. Ils racontent n’importe quoi, sans connaître même les faits historiques élémentaires. Dès lors, on est confronté à des étiquettes mensongères, des clichés de propagande, etc.
La Russie est-elle l’héritière de Byzance ?
E.S. Je ne considère pas la Russie comme l’héritière directe de l’Empire byzantin. Pensons par exemple à l’acte même du Baptême de la Rus’. Dans la vaste conscience de notre société subsiste Povest Vr Letl’idée traditionnelle selon laquelle le Christianisme nous fut transmis par Byzance. Mais c’est loin d’être le cas. Si l’on examine la «Chronique des Temps Passés» du moine Nestor, on y trouve la célèbre Légende de Korsun à propos du baptême du Prince Vladimir, dans laquelle on lit clairement le Symbole de foi des Arianistes. Ce Symbole de Foi était proclamé par les hérétiques, condamnés au concile de Nicée, et annonçait un filioque peu classique, où l’identité de l’ousia qui unit la Sainte Trinité de Dieu le Père, Dieu le Fils et l’Esprit Saint, est remplacée par une similitude.Et si nous examinons attentivement les premières décennies de l’histoire russe, nous voyons distinctement que des communautés arianistes vivaient chez nous.
P.K. On a traduit le terme grec ‘homoousios’ par ‘essence semblable’. Il s’agit effectivement d’une hérésie, mais la simplicité du russe ancien ne permettait pas de reproduire ces précisions de la théologie. Mais sur cela que je souhaite insister, mais sur le fait que dans le premier manifeste du Christianisme russe, «Paroles sur la Loi et la Grâce », du Métropolite Hilarion, on lit clairement «Le nouveau Constantin» en parlant de Vladimir, le baptiste de la Rus’. ET il est bien le nouveau Constantin dans le tableau dressé par Hilarion, qui parle encore de « Grande Rome ». Constantin fut le baptiste de la terre grecque et romaine, c’est-à-dire de l’Empire Romain, Byzance. De même, Vladimir fut le baptiste de la Rus’. Mais il ne s’agit pas ici de l’héritage de Byzance, mais d’un élément plus général.
Le terme ‘succession’ est-il adapté ou non ?
P.K. Bien sûr, mais pas dans le sens où un disciple succède au maître. Car nos maîtres, ce ne furent pas les Grecs, mais les Apôtres. Nos auteurs ont toujours souligné ce point. C’est le Christ, et non l’Église grecque, qui nous enseigna l’Évangile. Néanmoins, les Grecs intervinrent comme une sorte de maillon intermédiaire
Mais il y a aussi le modèle. Le modèle de liturgie chrétienne, qui ne signifie pas toujours l’imitation directe de Byzance, est également un élément très important. L’histoire russe a peu de choses en commun avec celle de Byzance, beaucoup moins, par exemple que les histoires serbe et bulgare.
Quant à savoir ce que peut être l’héritage de Byzance, à mon sens il s’agit de l’État chrétien, un État qui s’efforce, nonobstant les difficultés, de se baser sur les principes du Nouveau Testament. C’est un vladimir_prince10tel État que construisit Constantin, et que fonda le Prince Vladimir. Voilà, en fait, l’idée de la Troisième Rome, qui fut tellement chérie à la fin du XVe et au début du XVIe siècle.
E.S. Je ne suis guère d’accord avec cela. Selon moi, la théorie de la Troisième Rome n’est pas interprétée correctement. On a l’habitude chez nous de mettre surtout l’accent sur la dimension géopolitique de cette doctrine, mais j’accorderais plus d’attention à la dimension eschatologique.
Quel est le sens sous-jacent? Deux Rome sont tombées car elles sont tombées dans l’hérésie. L’une l’a fait d’elle-même, et l’Église se divisa entre Orthodoxes et Catholiques, ceux-ci étant les hérétiques. La Nouvelle Rome, Constantinople, tomba après avoir signé l’union de Ferrare-Florence. La troisième Rome tient. Il n’y en aura pas de quatrième. Cela signifie que si Moscou tombe dans l’hérésie, il n’y aura plus sur terre d’autre État orthodoxe. Car Byzance tomba, le Royaume de Serbie tomba, le Royaume bulgare tomba, etc. Cela signifiera la chute du Christianisme en tant que tel.
Mais qu’est-ce qui dérange alors? Qu’y aurait-il de mal dans cette approche de l’héritage byzantin?
E.S. Je ne dis pas qu’il y aurait quelque chose de mal. Je dis simplement que le lien avec Byzance est indirect. Il ne s’agit pas d’un héritage direct. La doctrine de l’Église autocéphale existe, et il convient de s’en souvenir. Que s’imaginait alors le Patriarcat de Constantinople? Le Patriarche est accouru en tendant la main. Il n’avait plus de troupeau en tant que tel. Et l’Église autocéphale de Moscou fut dirigée d’abord par un Métropolite, et ensuite seulement par le Patriarche ; c’était en fait l’Église du Patriarche Œcuménique. Malgré qu’existaient naturellement les Patriarcats de Constantinople, d’Antioche, et les autres, hiérarchiquement égaux. Mais il s’agissait plutôt d’un tribut payé à la tradition, rien de plus.
P.K. Le domaine ecclésiastique est polycentrique, et c’est très important.Ce qu’on nomme les Églises Locales firent très tôt partie de l’axiologie orthodoxe, à la différence de ce qui s’est passé en Occident. Il n’y a chez nous pas de place pour le papisme, peu importe ce que les Constantinopolitains tentent aujourd’hui de promouvoir. Mais voilà, sur le plan politique, et le Starets Philothée l’a clairement déclaré, Moscou n’est pas seulement Église, elle est un État-Eglise. Elle est l’État gardien des traditions orthodoxes.
E.S. D’où l’appel personnel adressé à Vassili III, selon lequel il devait être ‘oint de Dieu’ et ‘protecteur’.
P.K. Et c’est bien cela la grande idée de Byzance. Qu’est-ce donc que Byzance? C’est l’État qui entoure Константин-Великий.-Икона.l’Église de sa protection. Contrairement à ce que l’on croit, quand Constantin le Grand s’est converti, il n’instaura pas le Christianisme comme religion d’État. Il n’en fut pas ainsi ; à cette époque, relativement longue, le paganisme continua à exister dans l’Empire. Mais celui-ci prit l’Église sous sa protection. Voilà ce que fut ce moment crucial. L’État protégeant l’Église des hérétiques, des schismes, des troubles, etc. Ce modèle est la symphonie dans laquelle chacun joue sa partition.
E.S. Il me semble tout de même que la tradition du byzantisme est arrivée un peu plus tard en Russie, plus précisément à l’époque d’Ivan le Terrible, lors de la création de la «Chronique du Klobouk blanc», du «Dit des Princes de Vladimir». A ce moment-là il est nettement admis que le tsar russe est l’héritier direct de ces Romulus romains. Ce n’est pas un hasard si dans l’une de ses lettres à Johan III, il qualifie ce dernier d’esclave et affirme «nous sommes de la lignée de Romulus Augustule », de façon relative, évidemment. Ici, donc nous voyons une doctrine d’État nette, selon laquelle nous sommes les héritiers de Byzance.
Et l’Église Orthodoxe russe est la seule à se prétendre telle?
P.K. Évidemment, l’Éthiopie se considère aussi comme la Troisième Rome. Les Bulgares, avec Veliko Tarnovo, prétendent eux-aussi qu’ils sont les héritiers de Byzance. Mais, à tout le moins, ces choses eurent lieu beaucoup plus tôt. Cela faisait figure d’antiquité, lorsqu’au XIVe siècle, Byzance s’éteignit. Les prétendants sont nombreux, et il est important d’être en mesure de prouver son droit à l’héritage.
Devrions-nous, nous-mêmes prouver quoique ce soit? J’observe deux directions dans notre discussion. La première est géopolitique. C’est la Russie, aujourd’hui grande puissance mondiale, qui a droit à sa propre vision des choses, qui se protège elle-même, mais aussi les États plus faibles. La seconde direction est morale et esthétique. Il s’agit alors de valeurs traditionnelles.
P.K. Mais il s’agit de la même chose. Car sans la morale, la politique nous conduira là, où elle a mené l’Occident contemporain, dans le monde du cynisme absolu et du pragmatisme, dissimulés sous quelques jolies formules.
Attendez… Nombreux sont ceux qui rétorqueront que morale et politique ne sont pas du tout compatibles. Elles s’excluent mutuellement.
E.S. En réalité, c’est une erreur.
P.K. C’est une des principales erreurs de celui qui ignore ce qu’est la civilisation byzantine. Byzance se distingue de la civilisation occidentale et de celle de l’Antiquité en ce qu’elle manifeste que, comme le dit le Nouveau Testament, les mondes spirituels et politiques sont inséparables. Car dès que la spiritualité disparaît du monde politique, ce monde tombe dès lors entre les mains de satan, avec toutes ls conséquences que cela implique. La spiritualité est indissociable de la politique.
symphonie des pouvoirsE.S. Lorsque furent introduites les réformes nikoniennes, qui constituèrent un élément étranger dans l’histoire russe, Nikon s’appuyait sur les enseignements de Saint Jean Chrysostome concernant la symphonie des pouvoirs, spirituel et séculier. Ce faisant, il prétendait à un pouvoir égal à celui du pouvoir du souverain.
P.K. Parce qu’il s’était immergé dans la lecture d’ouvrages catholiques…
E.S. Je ne conteste pas cela. N’oubliez pas qui est venu à l’aide de Nikon. Ce sont les diplômés de l’Académie Mogila de Kiev, Damascène Ptitsyne, Arsène Satanovski, Epiphane Slavinetski, etc. Et qui fonda cette académie? Les Jésuites. Qui se trouve aujourd’hui à la tête l’Église de Rome ? Les Jésuites. Qui promeut aujourd’hui chez nous l’idée de l’œcuménisme ? Ces Jésuites camouflés.
P.K. Tout cela exista à Byzance. Voilà ce qui important. Byzance aussi avança dans une telle direction. Et elle en mourut.
E.S. Elle mourut de la main de ces œcuménistes.
P.K. Et des tentations. Car elle aurait beaucoup aimé vivre dans l’amitié avec l’Occident, parce que l’Occident était puissant, il connaissait le progrès, il se développait activement. Il s’agissait donc déjà de corruption ainsi que, disons, d’une dégradation spirituelle.
E.S. Pavel Vladimirovitch, excusez-moi, mais rappelez-vous par quelles promesses l’Occident séduisit Daniel de Galicie : «La couronne est pour toi, nous t’aiderons!». Et l’ont-ils aidé? Non!
Vous venez de mentionner une des causes de la chute de l’Empire Byzantin. A quoi bon vouloir leur ressembler?
E.S. Nous tiendrons compte de cette expérience.
P.K. Nous n’en avons aucune garantie. De plus, c’est très à contrecœur que nos dirigeants russes, princes et tsars, prirent sur eux le joug de la ‘Troisième Rome’. Cette idée n’est utilisée de manière officielle quasiment nulle part, sauf lors de l’instauration du Patriarcat de la Rus’. Car il s’agit d’une terrible responsabilité, que d’être le gardien de l’Orthodoxie. Il est d’ailleurs très intéressant de se souvenir que dans son discours d’intronisation, Pierre Ier prononça, de façon très significative, les paroles suivantes : «Nous ne devons pas essayer de ressembler à l’Empire Grec», car les Grecs, comme il disait, avaient tout perdu.

La relation avec Byzance eut souvent à souffrir des courses de chevaux qui s’y déroulaient. Pour les uns, c’était bien, pour d’autres, c’était mal. Pourquoi, selon vous ?
E.S. Les gens qui ont étudié Byzance savaient de quoi ils parlaient. Et ils n’ont pas raconté de bêtises. Mais les gens qui se prennent de haut, comme nos libéraux actuels, ‘à la Monsieur Ryjkov’, ils ne connaissent ni l’histoire de Byzance, ni l’histoire de la Russie. Ils retirent l’un ou l’autre élément de son contexte et fabriquent des théories selon lesquelles Byzance, au sens large, et particulièrement du point de vue de sa politique, c’était quelque chose de mal. Et ils nous jouent toute une partition là-dessus.
Chez nous, dans notre société contemporaine, une relation à Byzance s’est-elle formée?
P.K. Avec vous, nous sommes les premiers à discuter de cela en public. En fait, de nombreux mythes règnent, et les gens, même à l’Université de Moscou, étudient très peu Byzance. Et ce, malgré que le  doyen de la Faculté d’Histoire soit lui-même un byzantiniste.
E.S. Effectivement, Karpov est un bon historien, je suis d’accord. Il étudie surtout la Méditerranée.
P.K. Oui, il étudie la Byzance occidentale, et Venise. Ce dont vous parlez, les théories sur les intrigues à Byzance, c’est une réaction de l’Occident, un monde relativement primitif et sauvage, par comparaison à Byzance. Elle fut réellement une civilisation dont le niveau politique était très élevé. Quand les chevaliers croisés, des moujiks dans un coffrage métallique, arrivèrent à Constantinople et rencontrèrent des politiciens professionnels, ils avaient l’impression d’être entourés de coquins qu’il faudrait finir par traiter à l’épée. Mais on leur proposa de s’installer et on s’occupa d’eux, on leur fit la conversation. En fin de compte, il s’avéra qu’un des chevaliers était un vassal de l’Empereur! Nos princes réagirent parfois de façon similaire : «Les Grecs ont toujours été menteurs!». Mais c’est là une réaction de simplets face à une culture raffinée! Les Byzantins et tous les Chrétiens avaient un objectif important ; protéger les vies humaines. S’il était possible de le faire sans combattre, il fallait le faire sans combattre. C’était en dissonances par rapport au Moyen-âge…
E.S. … en Europe de l’Ouest! Car nous agissions fondamentalement en défense de nos terres et non en agresseurs.
Et que devons-nous faire? Persister dans notre volonté de continuer à expliquer pourquoi la Russie est l’héritière de l’Empire byzantin? Ou ce faisant, ne risquons-nous pas de provoquer une sorte de conflit avec l’Occident et même à l’intérieur, chez nous?
P.K. Vous vous souvenez comment ont commencé les années 90’? Nous adhérions sans nuance à la voie du développement occidental. Le Ministre Kozyrev déclarait à ce sujet que «La Russie est une partie de l’Occident». Un point, c’est tout ; il n’y avait pas de discussion. Comment tout cela s’est terminé, nous le savons également. L’Occident ne nous a pas acceptés. Ce n’était pas notre choix, c’était leur choix. Pourquoi ne nous acceptèrent-ils pas? Et bien, parce que nous ne sommes pas l’Occident ; nous ne l’avons jamais été. Prenez l’Ukraine. Pourquoi une telle tragédie? Parce qu’il s’agit d’une zone de contact, par laquelle passe la ligne de front entre deux systèmes de vision du monde. Il ne s’agit pas de systèmes religieux ou politiques, mais de système selon lesquels on envisage le monde. Le système de la Chrétienté occidentale a muté. La piété demeure, mais elle est hypocrite car en fait elle est tournée vers la prospérité.
E.S. Et plus encore, cette mutagenèse a produit ‘l’ukrainité’. Nous pouvons, en mettant la main sur le cœur, affirmer que ‘l’ukrainité’ est en fait une forme de mutagenèse subie par une partie de la nation russe.
Le danger existe-t-il aujourd’hui, d’aller vers une aggravation globale de la situation avec l’Occident?
Poutine SouverainetéE.S. Ce n’est pas nous qui aggravons la situation. Au cours d’une réunion avec Poutine, Koudrine a dit : ralentissons un peu nos démarches géopolitiques. Faisons des concessions à l’Occident, il faudrait que nous nous développions. Et Poutine a répondu : «On ne ralentira rien en ce qui concerne notre souveraineté». Et il a tout à fait raison. Car l’expérience historique nous enseigne que nous n’avons absolument pas besoin de tenter de nous accorder avec l’Occident, et surtout pas en tête-à-tête, sans document écrit. Ils essaient toujours de vous mener par le bout du nez. C’est d’ailleurs leur principe général en politique, tant intérieure qu’internationale ; donnez-leur la main, ils vous couperont le bras.
Les historiens et les sages de la politique savent cela fort bien. Il est bien dommage que nous ayons eu à la tête de l’État beaucoup d’hommes politiques, je ne prononcerai pas le nom de famille de ce Mikhaïl Sergueievitch, qui, naïfs comme des enfants ont lâché tout ce qu’ils pouvaient, et tout ce qu’ils n’auraient jamais dû! Voici peu, Tcherniaev a eu 95 ans. Il était assis et me regarde dans le blanc de l’œil et dit : «J’ai entendu personnellement comment James Baker a promis à Gorbatchev que jamais au grand jamais l’Otan n’avancerait vers l’Est!» Et bien quoi, les enfants, vous n’êtes pas directeur d’école ou d’université, ni même d’une grosse entreprise du secteur de la défense! Vous êtes à la tête d’un immense État à l’histoire millénaire! Et comme des mômes, vous vous asseyez en racontant qu’«il me l’avait promis!» Et on voit aujourd’hui le résultat de cette politique.
Quant à l’héritage byzantin, je pense que l’expérience historique de Byzance, entre autres celle de ses relations avec l’Occident, nous devons absolument y recourir, mais plus encore, il faut l’étudier jusque dans les détails, il faut l’activer et l’introduire dans la politique réelle contemporaine. Et tout particulièrement dans l’arène internationale.
P.K. Quoique je défende la thèse de la «Russie-Héritière de Byzance», je dois admettre l’amère vérité selon laquelle que c’est aujourd’hui seulement que se pose la question de la compréhension du phénomène de la civilisation byzantine. Nous avons au cours de tous ces siècles été trop jeunes, trop faibles, trop naïfs. Jusqu’ici, la plupart de nos politiciens furent trop naïfs dans leurs conceptions de la lutte géopolitique. Byzance, héritière de Rome fut une civilisation dotée d’une très haute culture géopolitique. Il est très important de comprendre cela. Cela ne contredit pas le Christianisme, au contraire, cela le complète. «Soyez purs comme la colombe et sage comme le serpent!», voilà la sagesse que nous devons absolument assimiler dans cet héritage de Byzance.
Et comment faire?
P.K. Il faut faire l’étude de cette expérience.
E.S. Et préparer des cadres. Avouons honnêtement que de nos écoles sortent des ignorants. Nos étudiants sont des ignorants. Nos enseignants sont ignorants. Il faut d’urgence mettre fin à la destruction de l’enseignement qui a cours depuis un quart de siècle. Il nous faut former des cadres.
P.K. Un second élément fort important est la morale en politique. Prenons, par exemple la récente visite du Président sur la Sainte Montagne de l’Athos. On aurait pu dire que c’était juste un anniversaire, que le Président décida d’honorer. Mais cela provoqua un choc. Pourquoi? VVP AthosPremièrement, parce que pour la première fois s’est dessinée très clairement une ligne morale en politique. A juste titre, l’agitation a gagné les libéraux. Ils ont compris de quoi il retournait. Ils ont compris que cette fois, la Russie retrouvait finalement ce qu’on pourrait appeler son visage. Elle opérait un choix de civilisation! Et elle ne fut pas la seule à le faire, voilà qui st important. On a commencé à raconté que Poutine fut placé sur le trône impérial. Mais il n’y avait là évidemment aucun trône impérial. Il s’agissait simplement d’une place d’honneur dans l’église que l’on réserve aux bienfaiteurs, à un évêque, etc. Cela n’avait aucun rapport avec l’empire. Mais ce sont les starets athonites qui ont placé Vladimir Poutine à cet endroit! Et ça, c’est important. La Russie a été mise à une place d’honneur par des gens qui comprennent les choses…

Traduit du russe
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