Traduction d’un texte publié dans le n°348 de 1999 du journal «Vera» (la Foi), journal orthodoxe du Nord de la Russie, et rédigé par Monsieur I. Vladimirov, sur base du rapport établi pour les IVe lectures joanniques à Arkhangelsk (Section «Vie et service du Juste Jean de Kronstadt») par le Père Guennadi Belovolov.

La Mère de Dieu est apparue aux plus grands saints de Russie : Serge de Radonège, Alexandre de Svir, Seraphim de Sarov…
On connaît trois apparitions de la Mère de Dieu à Saint Jean de Kronstadt. Ce qui est unique dans ce cas, c’est qu’elles furent décrites par Saint Jean de Kronstadt lui-même. Les apparitions aux autres saints furent décrites, soit à partir de la narration qu’ils en firent, soit par des témoins.

Toutes les apparitions de la Mère de Dieu à Saint Jean de Kronstadt se produisirent au cours d’un sommeil superficiel, eurent lieu dans l’appartement du saint, aujourd’hui transformé en appartement mémorial, et chacune d’elles fut porteuse d’un profond sens spirituel. En réalité, seules deux de ces apparitions à Saint Jean dans les dernières années de sa vie sont bien connues aujourd’hui, mais une première eut lieu en 1857. C’était la deuxième année où le Père Jean desservait la Cathédrale Saint André de Kronstadt. Batiouchka la décrivit dans son journal, mais cette partie de son journal n’a encore été publiée par personne à ce jour ; elle est conservée dans les archives. En voici donc la première publication. Batiouchka la décrivit brièvement. De façon générale, au début, toutes les notes sont brèves. Mais même dans cette courte note, l’icône de cette apparition se dessine sous nos yeux. Voici ce texte : «Rêve. La Mère de Dieu entre les portes, avec une branche de palme, en vêtements bleus».
Sans doute fait-il référence aux portes royales de la Cathédrale Saint André, que Batiouchka desservait et qui allait devenir le chandelier du grand saint, qui y célébra pendant cinquante trois ans. Comme on le sait, la branche de palme est un symbole de victoire, de gloire. Parfois, on représente la résurrection du Christ avec des anges qui se tiennent devant Lui tenant des branches de palme. Le Seigneur fut accueilli avec des branches de palmier lors de son entrée à Jérusalem. Et voilà que la Mère de Dieu rendit visite au futur grand héros de l’ascèse avec des branches de palme. Ce songe-prophétie concernant sa gloire future fut en même temps le signe de ce que la Toute Sainte Elle-même le prenait sous Sa protection. Il me semble que quelque chose manquerait à la vie du Juste Jean de Kronstadt sans cette apparition ; elle vient confirmer la vocation de Batiouchka Jean.

L’apparition suivante est la plus connue. Elle eut lieu quarante ans plus tard. Elle est reproduite dans l’acathiste écrit par Batiouchka lui-même et publié dans le livre «Réflexions à propos de l’Église et du culte orthodoxe».
«Le 15 août 1898, écrivit-il, le jour de la Dormition de la Mère de Dieu, j’eus le bonheur de voir pour la première fois en rêve la Reine des Cieux face à face et d’entendre sa voix si douce, bénie et tellement encourageante : carissimes êtes-vous, enfants du Père Céleste. Alors, conscient de mon indigence, je regardai Son très saint visage avec crainte et en pensant : ne me repousse pas loin de Toi avec colère, Reine des Cieux! Oh, visage très saint et très bon! Oh, yeux bleus de colombe, bons, humbles, tranquilles, majestueux, célestes, divins! Je ne vous oublierai pas, divins yeux! Cette apparition se prolongea une minute, ensuite elle s’éloigna de moi sans hâte, descendant un petit ravin, jusqu’à disparaître. Je vis la Céleste Visiteuse s’éloigner, de dos. Au début, je la vis comme dans une icône, clairement, mais ensuite, Elle s’en détacha, bougea et Se mit en chemin. Ce soir-là, j’avais écrit l’homélie du jour de la Dormition et j’étais allé dormir tard, vers deux heures. Lors des vigiles, je lus avec grande humilité l’acathiste et le canon de la Dormition de la Mère de Dieu, dans l’église de la Dormition».

Saint Jean le Théologien

Quelle description précise, sublime, de l’apparition! Batiouchka décrit même le visage et les yeux de la Mère de Dieu, comme s’il lisait un acathiste avec enthousiasme. À cette époque, Batiouchka célébrait dans la deuxième église, rattaché à la Cathédrale Saint André, église dédiée à la Dormition. (Cette église, Gloire à Dieu, a été préservée à Kronstadt, mais elle n’est pas encore restaurée à ce jour).
Lorsque la Mère de Dieu apparut à Saint Seraphim de Sarov, Elle dit en le désignant : «Celui-là, il est de notre lignée». Ici, nous avons affaire à une révélation ; il s’avère qu’il existe un genre précis de saints, particulièrement proches de la Mère de Dieu, qu’Elle aime particulièrement, genre qui fut vraisemblablement inauguré par Saint Jean le Théologien, devenu Son fils. Saint Jean de Kronstadt est l’un d’eux. Batiouchka ne décrit pas l’endroit où s’est produite cette apparition. Il évoque juste dans une phrase le petit ravin. Cela signifie que c’était en pleine nature. On peut supposer que Batiouchka vit la Toute Sainte ici, dans le Nord, à Karpogory, à Soura ; c’était probablement un paysage familier au Père Jean depuis son enfance.
«Comme dans une icône, clairement…», écrit Batiouchka. Dans quelle icône? D’après la description, elle devait être semblable à l’icône de la Mère de Dieu de Pioukhtitski. Il s’agit de l’unique icône de la Mère de Dieu où Elle est représentée sur terre, parmi les collines et les ravins. D’habitude, on la représente dans les nuages, ou dans une cellule. En 1894 les sœurs du Monastère de Pioukhtitski offrirent au Père Jean une grande icône de la Mère de Dieu, qu’il accrocha au mur chez lui, dans sa cellule. Aujourd’hui, elle est retournée au Monastère de Pioukhtitski. On sait que le Père Jean aida le Monastère de Pioukhtitski. On y trouve encore aujourd’hui une chambre remplie de choses qui lui appartinrent véritablement, entre autres, un phélonion et une riza. Mais ce qui est le plus surprenant, c’est que l’icône de la Mère de Dieu de Pioukhtitski soit fêtée le 15 août. L’apparition eut donc lieu la veille au soir de la Fête de la Mère de Dieu de Pioukhtitski!
S’il s’agissait d’une apparition de la Mère de Dieu, on pourrait en peindre une icône. Il existe des icônes des apparitions de la Mère de Dieu à Saint Serge de Radonège et à Saint Seraphim de Sarov. Dans le Monastère Saint Jean à Karpovka, il existe une icône de la vie de Saint Jean de Kronstadt, et dans la mesure où cette apparition de la Mère de Dieu est mentionnée dans l’acathiste du Saint, une des miniatures lui est consacrée. Le sujet est organisé photographiquement: Saint Jean de Kronstadt est allongé sur sa couche, comme s’il dormait, et la Mère de Dieu avance vers lui. Cela ne reflète pas la réalité. Il n’était pas au lit lors de l’apparition, celle-ci se produisit spirituellement, lorsque le pasteur somnolait superficiellement, et j’ose supposer que la vision elle-même se déroula ici, au pays natal de Saint Jean de Kronstadt. L’iconographe de Saint-Pétersbourg, le Diacre Nikolaï Grouzdev a essayé de disposer l’apparition de la Mère de Dieu dans l’icône de façon plus proche, plus serrée que ce que Batiouchka écrivit dans son journal. Cette icône (…) a été peinte cette année et fut offerte à l’Appartement-Mémorial de Saint Jean à Kronstadt. L’année qui a suivi cette apparition, Batiouchka a fondé un monastère dans son village natal, à Soura. Je ne puis certifier que cette décision fut une conséquence directe de l’apparition de la Mère de Dieu, mais la coïncidence dans le temps de ces deux événements est évidente. Cette apparition miraculeuse ouvrit d’une certaine manière une nouvelle période dans la vie de Saint Jean de Kronstadt, particulièrement liée avec le Nord.

La troisième apparition fut publiée dans le livre «le Chemin vers Dieu» («Путь к Богу»), publié en 1905. Sa mention dans le journal était indépendante de toute idée de publication. Elle eut lieu le trois février 1902.
«Avant de m’éveiller, vers six heures, le matin, je vis un saint songe: l’enfant Jésus bien vivant dans les bras de Sa Très Sainte Mère, me regardant de Ses yeux saints, emplis de bonté et de douceur, et la Toute Sainte me regardait avec tant de bonté. Ces yeux me parlèrent énormément, sans un mot. Ils étaient dirigés tantôt vers moi, tantôt vers Sa Très Sainte Mère. Ses lèvres bougeaient doucement, disaient des choses avec tendresse, mais je ne pouvais les entendre, comme si j’étais sourd. Elles exprimaient de la bienveillance à mon propos, comme on le voyait au mouvement des yeux. Je rend grâce au Seigneur pour cette tendre vision de grâce. Cette vision ne fut-elle pas la réponse à ma prière d’hier soir devant l’icône de la Mère de Dieu de Kazan?»
Portons un regard spirituel sur cette apparition. La veille, le deux février, on fête la Présentation au Temple du Seigneur. Dans l’icône de cette fête, la Très Sainte Mère de Dieu est illustrée alors qu’elle présente l’Enfant au Temple. Il en existe une variation, soit elle tient l’enfant dans Ses bras, soit Elle Le remet à Siméon qui reçut Dieu en ses mains («Богоприимец»). La Mère de Dieu de Saint Jean de Kronstadt apparaît pratiquement comme sur l’icône de l’Entrée au Temple du Seigneur. Quand on lit attentivement le texte, Batiouchka occupe la place du Juste Siméon. La Mère de Dieu vient vers le Père Jean comme pour lui remettre l’Enfant-Dieu. A cette époque, Saint Jean de Kronstadt avait déjà dépassé 70 ans, passé l’âge biblique donné à l’homme pour accomplir les choses importantes de sa vie. Cette apparition nous permet de qualifier le Père Jean de Kronstadt par l’expression «qui reçut Dieu en ses mains», dont auparavant, seul le Juste Siméon avait été digne.
Peu de temps après cette vision arriva l’époque de la révolution. Batiouchka devint l’objet de critiques, de calomnies. Il commençait en ce temps-là son chemin du Golgotha. La foule des journaleux et scribouillards qui trahirent le Christ le décriaient. Ce signe de la Mère de Dieu fut une consolation pour le Père Ioann, avant son podvig de confesseur. Le Seigneur Lui-même vint consoler ce serviteur qui Lui plaisait.
Trois apparitions de la Mère de Dieu, trois époques de la vie de Saint Jean de Kronstadt. Elles témoignent de ce qu’il est un élu particulier de la Mère de Dieu, semblable à Saint Serge de Radonège et Saint Seraphim de Sarov.

Saint Père Jean de Kronstadt prie Dieu pour nous!

Traduit du russe
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