Le Métropolite Nikolaos (Hadjinikolaou) de Mésogée et de Lauréotique est l’une des personnalités contemporaines marquantes de l’Église de Grèce. Diplômé de la faculté de physique de l’Université de Thessalonique, d’astrophysique à Harvard et d’ingénierie mécanique à l’Institut de technologie du Massachusetts, il a étudié ensuite la théologie au Collège de la Sainte-Croix à Boston et à la faculté de théologie de Thessalonique. Tonsuré moine en 2003, il servit au metochion du monastère de Simonos Petras pendant quinze ans. Devenu métropolite du diocèse de Mésogée, il est membre du comité de bioéthique auprès du Saint-Synode de l’Église de Grèce. Despotis Nikolaos, a écrit de nombreux ouvrages, dont un, intitulé «La Sainte Montagne, Point le plus élevé de la terre» (traduit et publié en 2016 en russe – «Святая Гора – высочайшая точка Земли» – par les Éditions du Monastère de la Sainte Rencontre à Moscou. Ce livre est le journal des visites que rendit l’auteur au Mont Athos depuis les années ’70 du siècle dernier jusqu’à nos jours). Le texte ci-dessous n’en est toutefois pas extrait, même s’il présente des événements qui y sont liés; il s’agit de la traduction d’un long texte mis en ligne dans les pages russe du site “Pemptousia”, sans date.

Geronda Jérôme, originaire du berceau des saints d’Asie Mineure, était un homme qui concentrait en lui maintes rares vertus et des facultés et dons uniques. Le monde, enfoncé dans le péché et assoiffé de recherche spirituelle trouva en lui un père. Il sut écouter et comprendre le monde, l’étreindre avec douceur, lui indiquer le chemin, lui montrer une issue, l’inspirer, lui donner espoir, lumière, amour et grâce divine. Le monde trouva en lui celui qui témoigna par ses sages paroles, ses actes bons sa paix intérieure secrète.
L’humble Père Jérôme, higoumène de Simonos Petras pendant une dizaine d’années, se singularise, parmi les personnages les plus significatifs, importants, qui ont marqué l’histoire de ce monastère. Originaire d’Asie Mineure, berceau des saints, il grandit en sainteté dans le vignoble de la Panagia, dans les fleurs des vertus et les fruits du sacerdoce, au Metochion de l’Ascension.
Dans un petit coffre sous le saint autel de la chapelle Sainte Marie-Madeleine du Monastère de Simonos Petras, les saintes reliques du pieux higoumène sont préservées, tel un précieux trésor, un dépôt unique, souvenir de son séjour terrestre et de son chemin céleste. Derrière l’autel de l’église de l’Ascension, une poignée de terre repose, reste d’un corps rendu gracile par la vie ascétique, et dans laquelle sont concentrés les rares sucs vitaux produits par l’esprit de l’homme, son saint économe. Et d’innombrables pèlerins se sont empressés jusqu’à nos jours, de venir vénérer cet espace vide, offrant leurs larmes et leurs prières à ce vestige, minime mais empreint de sens; il s’agit là de la meilleure preuve de la grâce et de la sainteté qui s’exhalent des lieux. Cette tombe vide est saturée de grâce. L’absent y est présent. Sa mémoire ne s’est pas évaporée dans le passé; elle fait naître le présent à la vie et vivifie le futur.
Yannis Diakogeorgis, le futur Père Jérôme, naquit en 1871 dans le village de Reiz-Dere en Asie Mineure. Le 28 octobre 1888, il vint au Monastère athonite de Simonos Petras, où il reçut la tonsure monastique le 21 mars 1893, le Dimanche des Rameaux. En février 1914, il devint membre du Conseil des Anciens (‘proïstamenos’) du monastère. Le 11 avril 1920 il reçut l’ordination diaconale et le lendemain, l’ordination presbytérale, et le 20 avril 1920, pendant la semaine des Myrophores, il accéda au rang d’higoumène. Le 15 juin 1931, il fut «exilé» au Monastère de Koutloumoussiou, et trois mois plus tard, à Athènes, au metochion de l’Ascension. En 1937, on lui proposa de récupérer la charge d’higoumène du monastère, mais son humilité l’inclina à refuser. Le 7 janvier 1957, la veille de la Nativité dans l’ancien calendrier, il rendit son dernier souffle en ce monde. Il vécut donc dix sept ans chez lui en Asie Mineure, quarante trois ans dans son monastère, Simonos Petras, et vingt- six ans encore au metochion de l’Ascension. Ceci constitue l’arrière-plan chronologique épuré du chemin de la vie temporelle d’un homme éternel, le cadre temporel dans lequel se développèrent les multiples facettes de la vie simple du Père Jérôme, qui trouva son expression dans la beauté de sa personnalité. Son corps frêle, éprouvé par toutes les maladies et infirmités possibles, sa physionomie dans laquelle s’étaient accumulés les événements petits et grands de sa vie, sa simplicité et son humilité, laissaient pressentir quelque chose de grand, d’unique, de saint. Le Père Jérôme n’était pas seulement pro-higoumène athonite, il fut aussi l’économe, et l’intendant du Metochion de l’Ascension. Ce saint assure aujourd’hui l’intendance du Monastère de Simonos Petras en même temps que celle du Metochion de l’Ascension, et il embellit notre Église pour l’éternité.
Le chemin de sa vie.
Né en Asie Mineure, il y grandit dans l’atmosphère de foi profonde et de piété développée par ses parents, la vie de l’Église, les saints, les vivantes manifestations des miracles de Dieu, mais en même temps dans une grande pauvreté, la maladie et l’adversité. Les rencontres avec les saints de son époque (à douze ans seulement il se rendit sur l’île de Chios pour recevoir la bénédiction et approcher les dons ascétiques de Saint Parthénios de Chios (1815-1883)), la familiarité avec les grands saints de notre Église, les pèlerinages, les commémorations des défunts, les textes des prières et des offices (A six ans, il connaissait par cœur le Grand Acathiste), le contact avec les miracles et les interventions divines (Dans son enfance, il guérit lui-même miraculeusement de plusieurs graves maladies), l’attirance naturelle vers les choses de l’Église, les choses saintes, le monachisme, de même que les traits de son caractère et ses talents naturels (Il était sérieux, taiseux, d’une nature profonde, talentueux) et enfin les prières que lui transmirent ses parents, voilà tout ce qui fit le fondement solide de son saint chemin monastique.

(Photo : http://www.isihazm.ru)

A quinze ans, pleinement conscient d’être appelé au monachisme, il accomplit un pas décisif dans la voie du renoncement volontaire au monde. Il quitte sa terre natale bénie et sa famille pour entrer dans une communauté monastique. Il quitte donc la péninsule d’Érythrée en Asie Mineure et traverse la mer de l’impermanence de ce monde, échangeant le monde terrestre pour le monde céleste, en rejoignant la péninsule de l’Athos enchâssée dans la mer et le ciel, pour trouver la grâce de Dieu plutôt que mettre en valeur ses multiples talents. Il trouve refuge dans le monastère d’un de ses compatriotes d’Asie Mineure, originaire de la petite ville d’Alatsata, le Monastère de Simonos Petras, l’édifice le plus spectaculaire, le plus osé de la Sainte Montagne, qui semble suspendu aux rochers, s’efforçant de s’élever vers les cieux. Le Saint y vit quarante-trois ans, accomplissant toutes les obédiences, depuis magasinier et hôtelier jusqu’à higoumène, et s’élevant en même temps sur l’échelle des vertus, à commencer par la patience, l’humilité, l’obéissance, la modestie et le silence, jusqu’à l’ascèse inlassable de la tempérance, de la prière permanente, la douceur, l’absence de jugement, la miséricorde et l’impassibilité. Il faisait preuve d’une diligence et d’un zèle sans pareils. Chaque minute de temps libre était consacrée à la lecture et aux études spirituelles à la bibliothèque du monastère. Dès le début, il dut assumer la responsabilité complexe des instructions aux metochions. Faisant preuve d’une obéissance exemplaire, il acquiesçait sans la moindre hésitation aux demandes de ses supérieurs, accomplissant de longues obédiences hors les murs du monastère, réglant les problèmes administratifs et économiques, sans jamais perdre un seul instant de vue sa vocation monastique ou les exigences de sa communication intérieure avec Dieu.
Comme l’écrivit lui-même le Saint, qui se trouvait au Metochion de l’Ascension, dans sa lettre mémorable du 22 septembre 1911 à l’Higoumène Joannice: «Dois-je m’en aller ou mon souhait est-il de rester définitivement au monastère? Dieu seul le sait, Lui qui connaît toutes les pensées, c’est pourquoi toute verbosité à ce sujet serait hors de propos. L’accomplissement sans contrainte de mes simples obédiences me pèse lourdement, Saint Père. Si on y ajoute mon éloignement du «nid», la pression devient extrême, car il m’est difficile d’endurer en outre la séparation spirituelle. Mais tout cela doit être mis en œuvre pour le bien et au nom de la prospérité de notre monastère, et suite à votre souhait et votre injonction paternelle». Jusqu’à son plus grand âge, cette observation attentive de sa propre vie, ce respect, cette noblesse d’esprit et cette obéissance intégrale à ses supérieurs lui seront inhérents. Les résultats spectaculaires de son travail au monastère, l’accomplissement efficace des obédiences qui lui étaient attribuées, et surtout sa douceur, son humilité, et ses principes moraux en général suscitèrent d’une part l’amour et le respect, mais d’autre part, comme bien souvent en de telles circonstances, ils générèrent aussi l’envie et l’hostilité. Sa réponse fut toujours le silence et la bienveillance.
Une source inextinguible à laquelle il puisait sa force fut la relation entretenue par la communauté qu’il dirigeait avec les saints de notre Église. L’amour de Geronda Jérôme pour Saint Dimitri et Saint Jean le Théologien avait planté ses racines dès son jeune âge, lorsque dans le cadre d’une relation directe qu’il entretint avec eux, il fut digne de guérisons miraculeuses par leur intercession. Saint Dimitri le guérit de pénibles tumeurs aux jambes, et Saint Jean le Théologien le guérit d’une hernie au début de sa vie monastique, en 1897. Mais avant tout, les saints lui firent don, avant la guérison elle-même, de la certitude de leur présence. C’est précisément sur base de ce sentiment que grandit sa relation avec eux. Et elle lui conféra la force qui lui permit de maintenir, en dépit des soucis et charges de la gestion du monastère, le lien avec le monde d’En-Haut. Son amour pour les saints était tellement puissant que le Seigneur le trouva digne d’en rencontrer un, comme nous l’avons mentionné, en la personne du grand saint ascète de Chios, Saint Parthénios, peu avant le décès de celui-ci. Il fut en outre lié d’amitié avec Saint Nectaire, Saint Sabas le Nouveau de Kalimnos, et Saint Nikolaos Planas.

Sainte Marie Madeleine

Son amour ardent pour la sainteté trouva à s’exprimer poétiquement, grâce au talent de composition et d’exécution de chants et hymnes ecclésiastiques que Dieu lui donna. En 1893, peu de temps après sa tonsure monastique, il écrivit «huit canons en huit voix à notre Saint Père Théophore Simon le myrrhoblite» pour remplacer ceux qui furent détruits par l’incendie de 1891. En 1896, il composa les canons aux saints protecteurs du monastère, Saint Simon le Myrrhoblite et Sainte Marie Madeleine, qui furent publiés en 1924, avec les hymnes qui y sont rattachées et les huit canons à Saint Simon. En 1902, Geronda Jérôme écrivit et composa un office entier à Saint Ephrem le Syrien. Il compléta également des offices demeurés incomplets, dont les offices des Saints Néophyte et Joannice, Saint Jérôme et Sainte Marie Madeleine. Même en exil, Geronda Jérôme continua à glorifier le Nom du Seigneur en écrivant un canon de prière à Saint Antoine le Grand, des acathistes à Saint Ménas, Saint Victor et Saint Vincent, au Patriarche Paul de Constantinople et à Saints Serge et Bacchus, et en complétant divers offices aux saints dont les reliques étaient préservées au Monastère de Simonos Petras, et en composant des hymnes de prières et supplications au Seigneur, à la Panagia et à différents saints. Il participait sans faute et avec ferveur aux offices quotidiens et offrait au Seigneur la récitation de la prière permanente.

Geronda Daniel de Katounakia

Geronda Jérôme combinait des vertus rares et nombreuses avec des dons et facultés uniques; il était donc naturel qu’on le distinguât parmi les frères. Sa glorieuse renommée resplendissait à travers toute la Sainte Montagne, alors qu’il était encore en vie. Elle s’étendit ensuite à toute la Grèce et devint générale. Lorsque Geronda Joannice, l’ancien du Père Jérôme et higoumène de la communauté, quitta ce monde à la fin d’une pénible maladie, les pères du monastère prirent la décision unanime de satisfaire aux dernières volontés de l’ancien de bienheureuse mémoire et d’obéir à la sage injonction du moine Daniel de Katounakia et aux sentiments de tous les pères de l’Athos, et ils élurent Geronda Jérôme en qualité de successeur de Geronda Joannice.
Il convient de souligner ici que de toute sa vie, jamais Geronda Jérôme ne demanda ni ne convoita quoi que ce fût. Toujours, il attendait patiemment, et il renonçait volontairement aux honneurs et aux distinctions. Malgré qu’il était né pour être hiéromoine et confesseur, jusqu’au moment de son élection au rang d’higoumène, en 1920, alors qu’il était âgé de quarante neuf ans, il demeura simple moine. Et lorsqu’on lui demanda d’accepter l’ordination, il hésita et ne donna pas son accord. Cette situation se prolongea jusqu’au moment où il ne pouvait plus ne pas être ordonné. Le 11 avril 1920, le saint homme fut ordonné diacre, le lendemain, prêtre, et ensuite archimandrite et confesseur, par le Métropolite Ireneos de Cassandrie
Quelques mois après son élection, le Père Jérôme quitta son monastère et se rendit en visite à Athènes où il célébra, pour la première fois en qualité d’higoumène, dans son Metochion de l’Ascension bien-aimé. Un mois avant la dormition de son bien-aimé, Saint Nectaire, Évêque de Pentapole, auquel il était lié par amitié depuis 1898, le Père Jérôme fut jugé digne de lui rendre une dernière visite, à l’hôpital, le jour de sa fête onomastique, le 11 octobre 1920. Ainsi, avec la bénédiction de ce Saint, avec les prières de la Communauté des Saints et de toute la Sainte Montagne, sous la protection salutaire de son céleste protecteur, Saint Jérôme, et des protecteurs du monastère, Sainte Marie Madeleine et Saint Simon le Myroblyte, le Père Jérôme accepta, à cinquante ans, de prendre sur lui la charge d’higoumène et la croix presbytérale. Mais nonobstant cette élévation subite en grade et en vénération, il ne changea en rien son mode de vie ; il resta simple, humble, affable, ascétique, délicat, discret et conciliant, comme par le passé. Sa vie d’higoumène se distingua par sa vie spirituelle féconde, son humilité, son hospitalité, sa miséricorde, son dur labeur, sa diligence, et sa foi en la Divine Providence. (A suivre)

Traduit du russe.
Source.