Le texte ci-dessous est la traduction d’un extrait du livre «Le Père Jean de Kronstadt» de I.K. Sourskii, aux pages 59-62 du chapitre 8 du tome I. La version du livre utilisée ici est celle qui fut publiée en 2008 à Moscou par les Éditions «Otchii Dom», et qui regroupe en un seul volume les deux tomes du livre écrits l’un à Paris, l’autre à Belgrade, par l’auteur.

La Cathédrale Saint André à Kronstadt

Le nombre de ceux qui souhaitaient se confesser auprès du Père Jean était important au point qu’il lui était physiquement impossible d’accéder à la demande de chacun d’eux. Il faut préciser que la Cathédrale Saint André à Kronstadt était remplie lors des offices célébrés par le Père Jean, au point qu’il devenait impossible d’y entrer, alors que l’édifice pouvait accueillir de cinq à sept mille personnes.Pour cette raison, ou pour que revête plus de puissance ce Mystère du Repentir, le Père Jean introduisit dans la Cathédrale Saint André, la confession commune de tous les participants, comme elle se déroulait pendant les premiers siècle du Christianisme. J’ai entendu, de la bouche même de certains qui y prirent part, qu’il s’agissait d’une chose bouleversante. Voici comment me la décrivit mon ami aujourd’hui décédé, Constantin Semionovitch Zviaguine, Directeur de la branche de Toula de la Banque du Gouvernement. Dans sa jeunesse, il fut officier de cavalerie dans l’Artillerie de Montagne, et se retrouva au Pamir. Ensuite, il participa à deux reprises, avec le rang de capitaine d’État-major de l’Artillerie équestre, à deux missions d’ambassade envoyées par l’Empereur Alexandre III à l’Empereur Melenik II, Négus d’Abyssinie, et il vécu de nombreuses années en Éthiopie.
L’impétuosité caractérisa tant sa jeunesse que son âge mûr. Déjà âgé de quarante ans, il pensa à épouser une jeune fille de bonne et pieuse famille. Il se rendit auprès du Père Jean et participa à une confession commune. Tous ceux qui étaient présent dans la cathédrale criaient avec force leurs péchés, ouvertement, sans être gêné par la foule massivement présente; ils n’en oubliaient aucun, mêmes les plus effroyables, et ils criaient vraiment fort pour que le Père Jean les entende autant qu’il le pouvait. Et Zviaguine hurlait. La cathédrale n’était qu’un gémissement, le sueur dégoulinait, non à cause de la chaleur, mais de par le bouleversement vécu. Tous, littéralement sans la moindre exception, sanglotaient, et à travers ces hurlements et ces gémissements, les âmes des hommes et des femmes se purifiaient miraculeusement, comme le fragment d’or est purifié par le feu dans le creuset.
Une femme écrit : «Deux messieurs attirèrent involontairement mon attention. Ils se tenaient devant moi, juste derrière la clôture: l’un portait les cheveux gris, l’autre était jeune, mais tous deux était vêtus élégamment, avec classe. Pour commencer, le plus vieux écoutait le Père Jean en le regardant avec condescendance, et le plus jeune, tout simplement en souriant, mais au fur et à mesure que le Père Jean parlait, l’expression de leurs visages devint sérieuse et concentrée: pour finir, ils s’agenouillèrent tous deux et sanglotèrent en cachant leur visage de leurs mains…
Le Père Jean se tenait sur l’ambon, devant l’icône du Christ, et priait ardemment, implorant du Seigneur de miséricorde le pardon pour toute cette masse de gens qui se repentaient en criant et en sanglotant. Il nous observait de son regard pénétrant et soudain… de grosses larmes inondaient son visage.
Il pleurait pour nous… De se yeux si purs, il purifiait le mal de tout nos péchés… Ou pourrait-il y avoir de meilleure preuve du saint, de l’évangélique amour pour le prochain?… Ne sont-ce pas cet amour profond, qui tout étreint, qui s’afflige et qui souffre, ainsi que ces larmes d’un cœur pur, qui lavent les péchés du prochain?…
Oui, le Père Jean pleurait, unissant ses larmes à nos larmes, comme un authentique bon pasteur du troupeau du Christ, s’affligeait pour les âmes de ses brebis!… C’est à cet instant que l’émotion du peuple sanglotant atteignait son paroxysme! L’énorme cathédrale résonnait des gémissements, des cris, des sanglots. Il semblait que tout l’édifice tremblait sous les hurlements incessants de la foule!…
Quel tableau saisissant! Cette vision est à la fois grandiose et attendrissante; elle prouve clairement la puissance de la foi en Dieu, et la grandeur d’esprit du peuple russe, érigée sur ce fameux exploit ascétique du repentir inspiré par les instructions de son sage pasteur!… Soudain, au milieu des hurlement retentit la voix du Père Jean, demandant au peuple de se calmer. Entendant sa voix, nous nous tûmes et nous regardions son visage, dans un espoir joyeux».
«Vous êtes-vous repentis? Souhaitez-vous vous corriger?» demanda d’une voix tonitruante le Père Jean à la foule frémissante.
A l’unisson des âmes et avec sincérité foule fit retentir en réponse les cris: «Nous nous repentons, Batiouchka, nous voulons nous corriger, priez pour nous!», et tous inclinaient la tête humblement, attendant le pardon et la rémission de leurs péchés, à travers leur père spirituel qui avait reçu du Seigneur le pouvoir de retirer et libérer les gens de leurs péchés.
Un silence de sépulcre régnait lorsque le Père Jean, se tenant sur l’ambon, éleva son épitrachilion et le tendit vers l’avant dans un geste signifiant qu’il en couvrait le chef de tous ceux qui étaient présents, et prononça la prière d’absolution des péchés.
Rempli de la joie d’avoir été délivré d’un lourd fardeau, la foule respirait plus librement et regardait, les yeux remplis de larmes de joie, le bon pasteur rayonnant de triomphe spirituel, qui avait pu secouer la honte salvatrice des âmes des repentants et laver de ses propres larmes les âmes souillées.
La communion de cette foule innombrable dura plus de deux heures. Ayant reçu les Saints Dons des mains du Saint Père, Zviaguine, et probablement tous les fidèles, rentrèrent à la maison complètement renouvelés, purifié des impuretés et de la malice des péchés qui obscurcissaient leur âme depuis tant d’années. Zviaguine se maria et commença à mener une vie exemplaire. Il était rare de rencontrer des époux aussi amicaux et heureux. A la page 347 du livre, publié en 1905, par la «Société de diffusion d’une instruction religieuse et morale conformes à l’esprit de l’Église Orthodoxe», et contenant des enseignements du Père Jean, on peut lire la note suivante, écrite par le Père Jean lui-même :
«Un laïc eut dans la Cathédrale Saint André la vision du Sauveur étendant Ses mains divines au dessus de toute l’assemblée et étreignant celle-ci, lors de la confession commune, quand je donnai l’absolution des péchés. Je remercie le Seigneur pour cette vision, pour Sa miséricorde annonçant qu’Il acceptait le mode de confession commune, conforme à Sa volonté divine».
Vladimir Youlievitch Orlovski, de confession luthérienne, se trouvait dans la Cathédrale Saint André pendant la confession commune de l’assemblée par le Père Jean. Il raconte que celui-ci lisait le prières avant la confession, et ensuite élevait les mains vers le ciel en proclamant:«Repentez-vous!». Alors, ceux qui se tenaient à côté d’Orlovski, des voleurs et autres criminels, clamèrent avec force, avec toute l’assemblée, tous leurs péchés, sans se sentir gênés, comme s’ils souhaitaient que le Père Jean les entende. Cela produisit une impression tellement stupéfiante sur Orlovski qu’il en eut froid dans le dos.
Traduit du russe.