«... en 38 années de sacerdoce presbytéral et épiscopal, j'ai prononcé environ 1250 homélies, dont 750 furent mises par écrit et constituent douze épais volumes dactylographiés...»
(Le Saint Archevêque Confesseur et chirurgien Luc de Crimée)
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La version russe de l’homélie ci-dessous fut mise en ligne le 16 avril 2021, sur le site internet de la paroisse du Saint Archevêque et Confesseur Luc de Crimée, à Ekaterinbourg. Le site n’indique malheureusement pas la date à laquelle elle fut prononcée.
Les saints évangélistes Marc et Luc racontent le récit du paralytique avec des détails très importants. Ils écrivent que ceux qui ont amené le malade au Seigneur ne pouvaient entrer dans la maison où se trouvait Jésus-Christ à cause de la foule. Alors ils montèrent le paralytique sur le toit et, après avoir démonté celui-ci, ils descendirent le malade sur sa couche devant le Seigneur. Ils s’imposèrent littéralement, avec audace, devant le Christ, leurs cœurs brûlant de la foi que le grand Thaumaturge leur donnerait selon leur foi. Et il en fut ainsi. Quel incroyable événement inouï! Après tout, quand ils démontèrent le toit, de l’argile et de la poussière tombaient sur la tête de ceux qui étaient dans la maison et sur la tête de Jésus-Christ. A Sa place, toute autre personne se serait indignée et aurait réagi vertement envers les audacieux qui L’avaient couvert de déchets du toit. Mais Notre Seigneur ne prononça aucune parole de reproche. Au lieu de cela, Il leur accorda en échange le plus grand des bienfaits: Il guérit le malade qu’ils avaient apporté en disant que, par leur foi, ses péchés lui étaient pardonnés, et Il lui ordonna de prendre son grabat sur ses épaules et de rentrer chez lui (Mc.2:3-12 & Lc.5:18–25).Souvenez-vous de la Cananéenne, païenne : lorsque le Seigneur arriva en ce lieu, elle tomba à genoux et Le pria de guérir sa fille possédée. Mais Jésus-Christ ne lui accorda aucune attention et poursuivit Son chemin. Elle Le suivi sans relâche et L’implora tellement longtemps que les Apôtres se fatiguèrent de ses demandes et dirent au Seigneur : «Renvoie-la!». C’est alors qu’Il demanda à cette païenne : «Est-il possible de retirer le pain de la bouche des enfants et de le jeter aux petits chiens?». La réplique de la femme est stupéfiante par la profondeur de sa foi et de son espérance : «C’est vrai, Seigneur, mais les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres». Sur quoi Il répondit : «Femme!Grande est ta foi! Qu’il en soit fait selon tes souhaits. Et sa fille fut guérie à l’instant même»(Mc.7:25-30 & Mth.15:22–28). La foi de cette malheureuse femme était très grande et le Seigneur en apprécia son exceptionnelle élévation.
Voilà comment il convient d’agir avec le Seigneur: dans notre prière, nous devons ressembler aux petits enfants qui de tout leur être tendent leurs mains vers leur maman pour être consolés, ou comme le pauvre qui tombe d’inanition et qui vient demander l’aide de celui qui est connu pour sa bonté. Donc, pour que notre prière soit acceptée par Dieu, deux conditions sont nécessaires. C’est avant tout une foi profonde dans la miséricorde infinie du Seigneur, et il ne doit y avoir aucun doute, aucune hésitation dans le cœur. C’est alors seulement que nous serons entendus : lorsque nous invoquerons Dieu avec un cœur rempli d’une foi ardente. En plus de la foi, la ténacité est nécessaire dans la prière. C’est ce à quoi l’Apôtre Paul appela les chrétiens de Thessalonique: «priez sans cesse» (1Thes.5:17). Il faut savoir que ce que nous demandons ne nous sera pas donné dès les premiers mots; nous devons manifester notre espoir ardent et ferme en Dieu seul.
Un jour, notre Seigneur Jésus-Christ raconta cette parabole à Ses disciples : «Si quelqu’un de vous, ayant un ami, va le trouver au milieu de la nuit, disant : Mon ami, prête-moi trois pains, car un de mes ami qui voyage est arrivé chez moi, et je n’ai rien à lui offrir et que de l’intérieur de la maison, l’autre réponde : Ne m’importune point ; la porte est déjà fermée, mes enfants et moi nous sommes au lit ; je ne puis me lever pour te rien donner : je vous le dis, quand même il ne se lèverait pas pour lui donner, parce qu’il est son ami, il se lèvera à cause de son importunité, et lui donnera autant de pains qu’il en a besoin» (Lc.11,5-8). Et des soucis quotidiens, en avons nous peu? Une seule prière suffirait-elle pour les prendre tous en compte? Comment accomplir cette exigence adressée à tout chrétien ? Puisque notre Seigneur Jésus-Christ n’exige de nous rien qui soit impossible. Prier sans cesse ne signifie pas seulement prier dans un coin à la maison ou à l’église, faire des métanies. Il faut que notre cœur soit habité en permanence par une disposition à la prière, il faut que notre cœur soit en permanence humilié par notre indignité, et notre peccaminosité, qu’il soit pénétré rempli d’un frémissement de crainte devant la grandeur de Dieu.
Et, si cette sainte disposition ne nous quitte jamais, nous prierons toujours et partout: lorsque nous sommes au travail ou quand nous labourons la terre, lorsque nous sommes occupés aux choses quotidiennes. Nous prierons et quand les autorités de ce monde nous appellent à rendre des comptes; nous tenant devant leur porte, nous adresserons en silence des soupirs à Dieu, demandant Sa protection. L’essentiel est qu’il y ait un désir de prier, que le cœur aspire à Dieu.
Nous sommes tous beaucoup moins occupés que le Saint Prophète David, car il était Roi d’Israël et, étant chargé de veiller sur la vie de son peuple, du matin au soir il s’occupait des affaires de l’État. Quand priait-il, alors? Voyez comme il criait vers Dieu: «Mes larmes ont été mon pain jour et nuit» (Ps.41:4). Il écrivit de nombreuses hymnes de prière, les psaumes. «Je me suis fatigué à gémir, de mes larmes, chaque nuit, je baigne ma couche, de mes pleurs j’inonde mon lit» (Ps.6:7). «Au milieu de la nuit, je me levais pour te confesser au sujet des décrets de ta justice» (Ps.118:62). Voilà quand qu’il priait; il chantait Dieu pendant la nuit, car tout le jour, il était chargé des labeur royaux. Et nous ne trouverions pas le temps d’adresser nos soupirs à Dieu et de verser des larmes?
Il est nécessaire de prier non seulement avec les mots des prières mémorisées, mais de manière à ce que la bouche parle car le cœur déborde (Mth. 12:34 & Lc.6:45), afin que depuis notre cœur nous fassions silencieusement monter nos prières au Seigneur, comme le faisait Sainte Anne, mère du Prophète Samuel. Elle était stérile et elle en souffrait, car elle désirait ardemment avoir un enfant. Un jour, elle alla au temple à Jérusalem et, s’agenouillant, avec ardeur elle élança tout son esprit vers Dieu. Sans aucune parole, avec la seule aspiration du cœur, elle Lui demanda de lui donner un fils et fit le vœu de consacrer son enfant au Père Céleste. Et c’est ainsi également que le Saint Prophète Moïse pria Dieu d’épargner au peuple d’Israël la terrible punition qu’Il lui avait préparée. Le Prophète restait silencieux, mais la prière intérieure brûlante de son cœur s’élevait jusqu’à Dieu telle une immense lamentation pétrie d’angoisse, si bien que le Seigneur dit : «Qu’as-tu à crier ainsi vers Moi, Moïse?».
Est-ce de façon que prie la majorité d’entre nous? Nous ne prions pas du tout en esprit. Nous prononçons des paroles machinalement, sans pénétrer dans ce que nous demandons. Mais si nous-mêmes n’écoutons pas nos propres prières, comme Dieu pourrait-Il nous écouter?
Dieu n’écoute pas non plus les prières qui lui déplaisent. Il rejette les demandes d’occasionner du mal aux gens, par exemple, lorsque nous voulons punir nos ennemis ou lorsque nous demandons inconsciemment ce qui est nocif pour les autres. Même les prières du Saint Apôtre Paul, qui demanda à trois reprises de le délivrer des persécutions et des sévices de l’ennemi maléfique, le Seigneur ne les exauça pas, disant: «Ma grâce te suffit, car Ma force s’accomplit dans ta faiblesse»(2Cor.12:9). Quand nous sommes faibles, nous sommes forts, car alors nous avons l’audace envers Dieu. Il faut se souvenir de cela et demander à Dieu seulement des biens spirituels, sans attendre l’accomplissement de ce que nous considérons dans l’erreur comme un bien pour nous-mêmes. Le Seigneur sait mieux que nous ce qui est bon pour nous et ne nous donne que ce qui est mérité.
Et il arrive que la punition tombe sur des peuples tout entiers. Nous prions avec zèle, jour après jour, pour que le Seigneur ait pitié de nous et arrête les pluies qui détruisent les potagers et les champs de blé, et les pluies ne s’arrêtent pas.
Cela signifierait-t-il qu’il est inutile de prier, que Dieu n’entend pas nos prières? Non, cela signifie que lorsque le Seigneur envoie une calamité sur tout un peuple, tout le peuple doit Le supplier de le délivrer du malheur. Mais si l’on compare le nombre de personnes qui prient à la population de toutes les villes de la région sur laquelle les pluies se déversent, il s’avère que seule une petite poignée prie Dieu. La plupart des gens ne se tournent pas vers lui. Les gens devraient suivre l’exemple des habitants de l’ancienne ville de Ninive: quand ils apprirent que leur ville avait été condamnée par Dieu à la destruction, tout le peuple, comme un seul homme, a prié et jeûné avec diligence pendant trois jours et trois nuits. Et le Seigneur les épargna! (Jonas3:2-7).
Souvenons-nous encore d’autre chose, la captivité de Babylone et la destruction de Jérusalem. Un châtiment sévère fut infligé au peuple d’Israël pour s’être écarté du vrai Dieu et avoir adoré les astartés et les baals. Alors le Seigneur parla par la bouche du prophète Jérémie: «Parcourez les rues de Jérusalem et regardez, informez-vous ; cherchez sur ses places publiques si vous y trouvez un homme, s’il en est un qui pratique la justice, et qui recherche la fidélité, et je ferai grâce à la ville… Tu les as frappés, et ils n’ont pas eu de douleur ; Tu les as exterminés, et ils n’ont pas voulu recevoir l’instruction ; ils ont endurci leur face plus que le roc ; ils ont refusé de revenir… Tes fils m’ont abandonné, et ils jurent par ce qui n’est pas Dieu. Je les ai rassasiés, et ils ont été adultères… Et je ne les punirais pas pour ces crimes! Oracle de Yahweh ; et d’une nation telle que celle-là je ne me vengerais pas!» (Jér.5:1,3,7,9).
Voyez-vous maintenant pourquoi les pluies ne s’arrêtent pas chez nous, malgré les prières? Mais nous ne devons pas désespérer. Après tout, quand le Seigneur a condamné à la destruction les villes de Sodome et de Gomorrhe, le juste Abraham en entendit parler et supplia Dieu d’être miséricordieux: «N’épargneras-tu pas ces villes, si elles comptent au moins cinquante justes?» Et le Seigneur était prêt à les épargner. Abraham continua à demander: «Si il y en a quarante, ou vingt, au moins dix justes, ne les épargneras-tu pas?» Le Seigneur était prêt à épargner Sodome et Gomorrhe pour l’amour de dix justes, mais il n’y en avait pas autant (Gen.18:20–33).
Nous devons implorer Dieu sans relâche, même si nous voyons qu’Il n’exauce pas directement nos prières. Souvent, les grands saints priaient très longtemps pour que le Seigneur exauce leur demande, surtout lorsqu’ils priaient pour leur peuple pécheur.
Le Seigneur entendra nos supplications et nous fera grâce.
Amen.
Traduit du russe
Source

  1. Pp. 105 et 106 du livre « Святой Врач » (Le Saint Médecin) écrit par l'Archidiacre Vassili Marouchak. (Moscou, Danilovskii Blagovestnik, 2013)