Le texte ci-dessous est la troisième partie de la traduction d’un article original rédigé en mémoire du Père Hiérodiacre Héliodore (Gaïriants)par Madame Olga Rojniova et publié sur le portail Pravoslavie.ru le 10 novembre 2020. Le texte propose cette introduction : Mes amis, notre cher Père Héliodore s’en est allé. Il est parti le 26 octobre, fête de la Très Sainte Mère de Dieu d’Iviron, alors que retentissent devant le trône de Dieu les paroles d’action de grâce à Celle Qu’il aima et vénéra tant au cours de toute sa vie monastique : Réjouis-Toi, bonne Gardienne de la Porte, Qui ouvre la porte du paradis aux fidèles !
Le neuvième jour est déjà là et tous nous avons l’impression, en arrivant à Optino, que le Père Héliodore est là, qu’il lit l’acathiste, proclame les louanges à la Très Sainte Mère de Dieu, entouré, comme d’habitude par les pèlerins, par ses enfants spirituels… Souvenons-nous de lui.

Le Père Héliodore se souvenait:«je m’attachai au starets et restai à ses côtés pendant quatre ans. Avec lui, nous rendions visite à tous les startsy. Je les soignais, leur lavais les genoux, massais leurs plaies».
«Batiouchka Cyrille me bénit pour aller à Optino»
«Quand j’ai choisi la voie monastique, je suis entré à la Laure de la Trinité-Saint-Serge. J’y ai accompli mon obédience auprès du Starets Cyrille (Pavlov) pendant quasiment quatre ans, de 1985 à 1989». Je pensais donc que j’allais rester à la Laure, mais un jour, Batiouchka Cyrille me dit:
– «Attends encore…»
L’année 1989 commença et il me bénit pour aller à au Désert d’Optino. Il m’appela et me dit :
– «Georges, demain, tu iras à Optino»
– «Quel Optino?!», m’inquiétai-je.
Batiouchka me répondit :
– «Le Désert d’Optino, c’est un monastère, dans l’Oblast de Kalouga près de la ville de Kozielsk.»
-«C’est quoi, Kozielsk?», pensai-je. «Il y a là un un bouc [Jeu de mot entre Kozielsk et ‘Koziol’, qui signifie bouc, chèvre. N.d.T.], ou c’est un endroit plein de chèvres? Je n’en ai jamais entendu parler!». «Batiouchka, que le Seigneur soit avec vous! Mais quel Kozielsk? Où dois-je aller? Je n’irai nulle part!»
Le Starets Cyrille sourit:
– «Mais si, tu vas y aller, tu vas y aller! Il y a là un monastère… Pourquoi refuses-tu?»
– «Premièrement, parce que vous n’y serez pas!
Le Starets Cyrille répondit:
– «Il y aura le Père Elian!»
(L’Archimandrite du grand schème Élie était alors le Hiéromoine Elian.)
J’eus de nouveau une pensée pécheresse: «Comme si cet Elian pouvait être comparé au Starets Cyrille?»
Batiouchka Cyrille était mon premier confesseur. Je le fit remarquer au Père Cyrille. Et il sourit de nouveau :
– «Non et non, tu y vas!»
Je suis tombé à genoux devant lui:
– «Batiouchka, si vous voulez, vous pouvez me chasser, mais je n’irai pas!»
Je le regardai. Il baissa la tête et se tut. Il était irrité. Après cette pause, il me dit :
– «Alors bon, tu ne veux pas m’écouter. Eh bien, vas auprès de Saint Serge, dans l’église de la Trinité! Demande-lui ce qu’il a à te dire…»

La châsse de Saint Serge

Je fut pris d’un doute. Comment aurais-je pareille bénédiction ? Les reliques de Saint Serge allaient me parler, ou quoi ? Je demandai :
– «Batiouchka, qu’est-ce que vous racontez ?…»
– «Maintenant, ça suffit ! Vas-y!»
Je me levai et partis. Notre conversation avait eu lieu en bas, dans la salle où on préparait les colis. C’était là que le Starets recevait habituellement les fidèles. Et il s’en alla dans sa cellule à l’étage. Je pris peur, je devins tout pâle, mes jambes tremblaient… Je ne savais que faire. Mais je devais aller voir Saint Serge, puisque Batiouchka avait béni.
J’y allais, et mes larmes coulaient en ruisseaux. Je pleurais, je pensais : «Voilà, ça m’est tombé dessus! Comment pourrais-je me séparer de Batiouchka Cyrille?! Il m’a nourri spirituellement pendant quatre ans, et maintenant il faut allez à Optino, à Kozielsk, chez Elian!». Ces pensées me tourmentaient pendant que j’avançais vers Saint Serge. C’était le jour où on lisait là l’Acathiste à la Très Sainte Mère de Dieu. Un vendredi ou un dimanche; maintenant je ne me souviens plus.
Beaucoup de gens s’étaient réunis et glorifiaient la Très Sainte Mère de Dieu. Je me suis faufilé à travers la foule vers la châsse contenant les reliques de Saint Serge et, je me suis effondré à genoux. J’ai appuyé ma tête sur la châsse et j’ai pleuré. En pleurant, je pensai : «Que faire?!.. Comment dois-je vivre?!» Voilà ce que je dis et répétai. Rien ne me vint à l’esprit, sauf: «Kozielsk! Optino!» C’était la première fois que j’avais entendu ces mots dans la bouche du Starets Cyrille. Mais qu’est-ce que c’était, Optino?.. Pendant trente minutes, la lecture de l’acathiste se poursuivit. Je pleurais sans arrêt, à genoux sur le sol. Et puis, l’acathiste se termina, les gens commencèrent à vénérer l’icône et à s’éloigner lentement. Les femmes de ménage devaient bientôt venir et on me demanderait aussi de sortir de l’église. Et je n’avais rien compris. Batiouchka avait dit: «Saint Serge te dira tout!». Je pleurai encore, mettant mes dernières forces dans la prière et demandai: «Seigneur! Eh bien, que dois-je faire?.. Saint Serge, que dois-je faire?!». Tout à coup, la foule s’écarta et j’entends une voix:
– «Va à Optino!»
Une voix forte, insistante. J’ai sursauté et le flot de mes larmes s’interrompit. Ce n’était pas une hallucination, mais le cri de quelqu’un. Je me relevai et vis cette image: un bienheureux rampait sur le sol, et les moines l’avaient saisi et le faisaient sortir. Ils le repoussaient et j’ai réalisé que ces mots venaient de lui.  Je me suis tenu sur la pointe des pieds et lui criai:
– Quoi? Quoi?
Seul Batiouchka Cyrille m’avait parlé d’Optino. Mais l’homme répéta :
– Je te l’ai dit : vas à Optino!
Mais alors ils l’emmenèrent. Je restai planté là, et finis par me dire «Eh bien, d’accord!» Et je retournai auprès de Batiouchka Cyrille,qui me demanda :
– Qu’est-ce que Saint Serge t’a dit?
Et il sourit, plissant légèrement les yeux. Je répondis:
Eh bien, quoi?.. Il a dit: «Va à Optino!» Il y avait là un bienheureux…
Et le père Cyril répliqua:
– Eh bien alors, vas-y!
Nous rentrâmes dans la cellule où Batiouchka lut les complies.

Starets Elian et Père Héliodore

«Je suis venu près de vous, à Optino. Vous me prenez près de vous?»
Quand j’arrivai à Optino, tout était en ruines, aucune atmosphère, ni toits ni murs. Rien. Comme si des Messerschmidts avaient bombardé pendant deux mois. Rien, pas de clôture, rien, un espace délabré. Tout était envahi par la végétation, les églises étaient aussi délabrées, des granges, des grands-mères, des hommes ivres. Je pensai : «Mais qu’est-ce que c’est? J’étais à la Laure, est-ce un monastère ici? Où est ce monastère?»
Il n’y avait alors qu’une seule église, celle d’ l’Entrée au Temple de la Très Sainte Mère de Dieu, j’y arrivai au moment où on en sortait des machines-outils. Il y avait là une petite chapelle, à Saint-Nicolas. Je vis un petit vieux en sortir. Je le regardai, me demandai: «D’où vient ce vieillard?». Et lui, immédiatement, il «m’intercepta» ; il lisait dans les pensées, ils les «captait». Je me dis : «Oh, un starets! C’est peut-être Elian? Bon, si c’est Elian, alors, je reste!». Voilà mes pensées pécheresses. Je hâtai le pas, courus derrière lui et lui dis :
– Batiouchka, vous êtes Elian?
– Eh bien oui, c’est moi!
– Je suis Georges!
– Oui! Génial!
– Batiouchka Cyrille m’ envoyé auprès de vous.
– Très bien!
– Je suis venu près de vous, à Optino. Vous me prenez près de vous?
– Je te prends!
J’étais si heureux. Une telle grâce émanait de lui. J’avais des ailes, en rentrant à la Laure! Batiouchka Cyrille demanda :
– Eh bien, quoi?
– Très bien!
Il sourit:
– Eh bien, tu vois!»  (A suivre)
Traduit du russe
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