Poursuivant l’entreprise de présentation en français des icônes de la Très Sainte Mère de Dieu, le texte ci-dessous est la traduction d’un original russe préparé par Madame Nadejda Dmitrieva, et mis en ligne sur le site Pravoslavie.ru le 25 juillet 2005. Il est complété par quelques éléments tirés du site Athos.guide.
Depuis les temps anciens, le peuple russe a trouvé dans son âme le seul mot vrai pour s’adresser à la Sainte Vierge Qui enfanta Dieu: dans la vie quotidienne, il L’a appelée, et il L’appelle encore maintenant de la même façon qu’on appelle sa propre mère, d’un mot plein de tendresse et d’amour: «Matouchka!». Les gens ont vu spirituellement que, non pas dans un sens allégorique conditionnel, mais bien dans la réalité ontologique la plus élevée : la Très Sainte Mère de Dieu est la Mère de l’Église, la Mère par le Sang, le Sang du Christ, de chaque croyant.
Archiprêtre Lev Lebedev

Les événements qui ont marqué le début de la glorification de l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu «aux trois mains» remontent au VIIIe siècle, à l’époque de l’iconoclasme. Les guerriers de l’Empereur hérétique Léon l’Isaurien parcouraient les maisons des chrétiens orthodoxes, à la recherche des icônes, qu’ils confisquaient et brûlaient, et ceux qui vénéraient les icônes étaient soumis à la torture et à la mort.Au-delà des terres byzantines, à Damas la musulmane, les Orthodoxes n’étaient pas gênés dans leur vénération des icônes. La raison en était que le premier ministre du calife local était un chrétien zélé, théologien et hymnographe, Jean Damascène (commémoré par l’Église le 4 décembre). A ses nombreuses connaissances à Byzance, Jean adressa des lettres dans lesquelles, sur la base des Saintes Écritures et Traditions, il prouvait la justesse de la vénération des icônes. Les lettres inspirées de Jean Damascène furent recopiées secrètement, transmises de main en main, et contribuèrent beaucoup à l’affermissement de la vérité des Orthodoxes et à la dénonciation de l’hérésie iconoclaste.

Furieux, l’empereur voulut priver l’Église de l’invincible défenseur de l’Orthodoxie, et il décida d’éliminer sournoisement Jean Damascène. Il ordonna à des clercs habiles d’examiner attentivement l’écriture de Jean et de rédiger, comme si elle l’avait été de la main de ce dernier, une fausse lettre à l’empereur contenant une proposition de trahison. La lettre indiquait que la ville de Damas était négligemment gardée par les Sarrasins et que l’armée byzantine pourrait facilement la maîtriser, le premier ministre promettant de fournir toute l’aide nécessaire. L’empereur envoya la fausse lettre au calife, expliquant hypocritement que, malgré les propositions de Jean, il souhaitait la paix et l’amitié avec le calife et conseillait à celui-ci d’exécuter le ministre traître.
Le calife tomba dans une rage féroce, oubliant le service dévoué que son ministre avait presté pendant de nombreuses années, et il ordonna qu’on lui coupât la main droite, celle qui était sensée avoir écrit la lettre de trahison. La main tranchée fut exposée à la vue de tous sur la place du bazar. Jean souffrit d’une douleur terrible, plus terrible encore du fait qu’il avait subi un châtiment immérité… Vers le soir, il demanda au calife la permission d’enterrer la main coupée. Se souvenant du zèle passé de son ministre, le calife donna son accord.
Après s’être enfermé chez lui, Jean Damascène appliqua la main coupée contre la plaie et s’enfonça dans la prière. Le Saint demanda à la Très Sainte Mère de Dieu de guérir sa main droite, qui écrivit en défense de l’Orthodoxie, et il fit vœu d’utiliser cette main pour créer des œuvres à la gloire de la Souveraine.
Alors, il s’endormit. Dans une vision en songe, la Très Sainte Mère de Dieu lui apparut et dit: «Tu es guéri, travaille diligemment avec cette main». Lorsqu’il s’éveilla, Jean Damascène déversa sa gratitude à la merveilleuse Guérisseuse dans un chant divin «Toute créature se réjouit à Ton sujet, Toute Réjouie…». La nouvelle du miracle se répandit rapidement dans toute la ville. Le calife honteux demanda pardon à Jean Damascène et l’appela à retourner aux affaires de l’administration publique, mais à partir de ce moment, Jean consacra toutes ses forces au service du seul Dieu. Il se retira au Monastère Saint Savva le Sanctifié, où il reçut la tonsure monastique. Et le Saint y emmena l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu qui lui avait envoyé la guérison. En mémoire du miracle, il fixa au bas de l’icône un moulage en argent de sa main droite. Depuis lors, on peignit cette dextre sur toutes les copies de l’icône miraculeuse, qui fut appelée «aux trois mains». Jusqu’au XIIIe siècle, l’icône demeura au monastère. Alors elle fut emmenée par un autre Saint Savva, l’Archevêque de Serbie. Lors de l’invasion de la Serbie par les agaréniens, les Orthodoxes, qui souhaitaient protéger l’icône, la placèrent sur le dos d’une mule qu’ils lâchèrent sans aucun guide. Elle emmena spontanément sa précieuse charge jusqu’à la Sainte Montagne de l’Athos et s’arrêta aux portes du Monastère de Chilandar. Les moines y reçurent l’icône comme un cadeau très précieux et ils organisèrent une procession quotidienne sur le lieu où la mule s’était arrêtée.

Très Sainte Mère de Dieu ”aux trois mains” à Chilandar (Photo : Athos Guide)

Un jour, l’higoumène âgé du Monastère de Chilandar s’endormit dans le Seigneur. L’élection du nouvel higoumène provoqua querelles et divisions entre les frères. Alors, la Très Sainte Mère de Dieu, apparaissant à un frère reclus, annonça que dorénavant Elle-même serait l’higoumène du monastère. En signe de cela, l’icône «aux trois mains» qui se trouvait dans le sanctuaire de l’église principale du monastère se transporta miraculeusement dans les airs jusqu’au milieu de l’église, à la place de l’higoumène. Certains moines crurent qu’il s’agissait d’une tromperie et remirent l’icône à sa place dans le sanctuaire. Le déplacement miraculeux se reproduisit deux fois encore. Alors, l’icône demeura à la place qu’Elle avait choisie. Depuis lors et jusqu’à ce jour, Chilandar est dirigé par un Hiéromoine-Supérieur, qui se tient pendant les offices à la place de l’higoumène, là où l’Icône «aux trois mains», l’Higoumène du monastère, est conservée. Et les moines viennent recevoir Sa bénédiction; La vénérant comme on vénère un higoumène.
Pendant la guerre gréco-turque, l’Athos demeura hors d’atteinte du pouvoir des mécréants. Les Turcs admirent que souvent ils apercevaient une mystérieuse Femme qui gardait les murailles du Monastère de Chilandar rendant toute approche impossible.
Lors de la fête de la Théophanie, l’icône aux trois mains est transférée dans le narthex de l’église principale. Le 12/25 juillet, d’exceptionnelles vigiles de toute la nuit sont célébrées en l’honneur de la Très Sainte Mère de Dieu, et plus particulièrement en souvenir de Son arrivée au monastère.
C’est une icône à double face, au dos de laquelle est représenté Saint Nicolas. La Très Sainte Mère de Dieu est représentée tenant le Christ sur Sa main droite, selon le type iconographique «Odigitria». La chasuble d’argent avec dorure, créé en 1862 et ornée de pierres précieuses, ne laisse apercevoir que les visages et les mains. L’icône elle-même est décorée de nombreuses offrandes, parmi lesquelles il y a aussi des pièces anciennes. Selon la légende, l’icône fut peinte par le Saint Évangéliste Luc. Dans la partie inférieure de l’icône, une inscription en vieux slave est conservée: «Pour la santé de Praskovia, Mikhaïl, Elena, Jean et leurs enfants, Nadejda, Nikolaï et leurs enfants, Maria, Olga, Natalia et leurs proches».
L’icône miraculeuse de la Très Sainte Mère de Dieu «aux trois mains» se répandit largement dans le monde orthodoxe slave. Il en existe de nombreuses copies, dont la plupart respectent avec précision le type iconographique, exprimant ainsi leur respect envers l’original. L’icône «aux trois mains» est vénérée depuis longtemps en Russie; il y en existe beaucoup de copies, également devenues célèbres par des miracles. Dès 1661, les moines de Chilandar envoyèrent une telle copie au Monastère de la Nouvelle-Jérusalem. Une autre copie fut réalisée en 1716; elle réside à Moscou dans l’église du Monastère de la Dormition du quartier des Potiers (Procure Bulgare). L’intercession miraculeuse de l’icône y est reconnue du fait que cette église ne fut jamais fermée et conserva toutes ses cloches, même à l’époque des persécutions de la foi les plus violentes. Maintenant, dans l’église, devant cette icône, on lit chaque jour l’acathiste. Une autre copie est placée dans un kiot, sur le mur Ouest extérieur de cette église, et on y entend en permanence les prières s’élever vers la Très Sainte Mère de Dieu «aux trois mains».
On trouve encore des copies miraculeuses de l’icône athonite, parfois d’un type iconographique un peu différent, dans l’église moscovite du Pokrov des Golikov, à Toula dans l’église de la Très Sainte Mère de Dieu de Vladimir sur la Rjavets, au Désert de la Rive Blanche sous Briansk, à Voronège au Monastère d’Akatov-Saint Alexis, au Désert Saint Nil sur le lac de Seliger, et dans maints autres endroits.
Traduit du russe
Sources : 1, 2.