«... en 38 années de sacerdoce presbytéral et épiscopal, j'ai prononcé environ 1250 homélies, dont 750 furent mises par écrit et constituent douze épais volumes dactylographiés...»
(Le Saint Archevêque Confesseur et chirurgien Luc de Crimée)
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Homélie prononcée par Saint Luc de Crimée, le 16 avril 1948. Il était alors Archevêque de Simferopol depuis deux ans. Le texte original traduit ici est extrait du recueil d’homélies de Saint Luc de Crimée «Hâtez-vous à la suite du Christ» (Спешите идти за Христом).

Souvent, très souvent, on entend dire que vous pensez et dites que notre époque n’est guère favorable pour faire notre salut, et que si vous aviez vécu aux temps des saints Apôtres, vous seriez devenus, bien-sûr, des saints, comme eux.
Avez-vous déjà pensé à la situation dans laquelle se trouvaient les apôtres et tous les contemporains de notre Seigneur Jésus-Christ? Avez-vous pensé à ce qu’ils ne pouvaient imaginer : que vivait avec eux, que prêchait devant eux le Fils de Dieu lui-même? Bien sûr, ils Le considéraient tous comme un Prophète; certains Le considéraient comme un grand Prophète; mais seul Saint Pierre l’appela Fils de Dieu. Quand notre Seigneur Jésus-Christ demanda aux Apôtres qui croyaient-ils qu’Il était, l’Apôtre Pierre répondit : «Tu es le Christ, le Fils du Dieu Vivant». Et cette réponse fut tellement stupéfiante, tellement profonde, tellement exceptionnelle que le Seigneur répliqua : «Heureux es-tu, Simon, fils de Jean, car ce n’est pas la chair et le sang qui te l’ont révélé, mais c’est Mon Père qui est dans les cieux»(Mat.16;17). Bienheureux es-tu, d’avoir reçu cette révélation du Père Céleste Lui-même.Ne pensez donc pas que si vous aviez vécu à l’époque des saints apôtres, vous auriez été purs et saints, car nous savons que beaucoup de gens ne croyaient pas au Christ, Le vilipendaient, Le haïssaient, et Le crucifièrent. Pourquoi pensez-vous que vous auriez été parmi ceux qui croyaient en Lui, et non parmi ceux qui vilipendèrent le Christ?
N’imaginez donc pas que le temps des Apôtres fut plus favorable au salut que l’est notre époque. Ne dites pas : «Ah, si nous avions vécu à l’époque où les grands pères de l’Église, les jeûneurs, les héros de la prière et les ermites menèrent leur podvig, quand les grands luminaires, les saints de Dieu, resplendirent dans l’Église!». Ne pensez pas que c’étaient des temps plus faciles et plus propices au salut qu’aujourd’hui. Au contraire, c’était plus dur et plus difficile qu’à l’époque actuelle, car il y avait alors beaucoup de faux christs, toutes sortes d’hérétiques, qui détournaient les gens du chemin du salut et en menèrent beaucoup, beaucoup à leur perdition. Si vous connaissiez l’histoire de l’Église, vous ne diriez pas que les temps où les trois grands saints docteurs, Basile le Grand, Grégoire le Théologien et Jean Chrysostome, menèrent leur combat ascétique étaient un temps propice au salut. Si vous saviez à quel point c’était une période difficile et affreuse, quelle tempête sévissait alors dans l’Église, comment les hérésies la déchiraient, combien de persécutions et de tourments ces trois saints et bien d’autres durent subir, alors vous sauriez que cette époque était loin d’être favorable au salut. Au contraire, notre temps est très favorable au salut, car qu’est-ce qui fait notre salut, qui nous guide sur le chemin du Christ, qu’est-ce qui fait les enfants de Dieu? A maintes reprises, j’ai dit que c’est le chemin de la souffrance, qu’on peut sauver son âme seulement sur le chemin de la souffrance, et notre temps est justement celui de la souffrance, des grandes souffrances. Donc, c’est une époque favorable, et il faut seulement endurer ces souffrances, comme les chrétiens doivent les endurer s’ils veulent être sauvés.
Par conséquent, il n’est pas nécessaire de se souvenir des temps passés et de les bénir, en maudissant l’heure actuelle. Il faut savoir qu’en tout temps et en tout lieu, les gens qui cherchent réellement le salut peuvent le trouver. Il suffit que nous cherchions le salut de toutes nos forces, de toutes les fibres de notre âme, que nous cherchions à suivre le Christ, à accomplir Ses commandements. Et si vous êtes entouré d’un grand nombre de personnes qui rejettent le Christ, de gens méchants, de ceux même qui vilipendent le Christ, cela signifie qu’il vous appartient, à vous que l’Apôtre Pierre a appelé «une race choisie, un sacerdoce royal»(1Pi.2,9), de briller face aux méchants par votre foi, votre pureté, votre sainteté. Cela nécessite un travail constant et inlassable.
Vous voyez combien il y a maintenant à côté de la gare et derrière la gare de wagons renversés, de débris de wagons et de locomotives; vous voyez ces montagnes de fer rouillé? Voilà, c’est la mort du fer, il meurt, parce que la rouille le dévore. Pourquoi ronge-t-elle le fer? Parce qu’il est délaissé, on ne l’utilise plus, les wagons traînent à l’abandon, personne ne se soucie d’eux.
Eh bien, que cela soit l’image de votre âme si elle demeure dans l’inaction, dans la négligence totale de son salut, l’image de ce que si nous ne sommes pas éternellement en mouvement vers le bien, la pureté et la sainteté, nous serons comme un bout de ferraille, mais alors ce ne sera pas la rouille qui couvrira nos âmes, mais bien le pire: la mort. La mort spirituelle prendra possession de l’âme négligente. Le mouvement est une loi générale de la nature: là où il n’y a pas de mouvement, il y a la mort. Il faut que toutes les forces de votre âme soient dans un mouvement irrépressible et continu, il faut qu’elles soient dans une action constante, qu’elles aspirent au Christ, qu’elles aspirent au Royaume de Dieu. Il est nécessaire que l’âme soit purifiée par le feu de la souffrance, comme le fer est purifié de la rouille par le feu, car elle est transformée en étant fondue par le feu.
Vous savez aussi que votre âme ne sera pas couverte par l’ombre de la mort tant que toutes les forces de votre esprit, tous vos sentiments seront dirigés vers la nécessité d’avancer, avancer, avancer, courir, aller toujours de l’avant, comme l’apôtre Paul s’efforçait d’aller de l’avant; avancer, sans jamais se souvenir du passé, tout entier vers l’avant, en avant, en avant.
Que votre esprit demeure toujours dans la poursuite constante du Christ, alors vous hériterez du salut!


Traduit du russe
Source

  1. Pp. 105 et 106 du livre « Святой Врач » (Le Saint Médecin) écrit par l'Archidiacre Vassili Marouchak. (Moscou, Danilovskii Blagovestnik, 2013)