L’article ci-dessous est la suite de l’étude de l’histoire de la formation du Canon de l’écriture du Nouveau Testament entamée avec le texte (traduit ici en cinq parties) «Le Nouveau Testament aux temps apostoliques». Le Saint Hiéromartyr, alors Archimandrite Hilarion, y examine la place des livres et la constitution progressive du Nouveau Testament dans l’Église chrétienne dans la période historique qui suivit celle des Apôtres, le temps des apologistes et des auteurs de polémiques anti-gnostiques. Le texte original compte 99 notes de bas-de pages; toutes sont des références (Épiphane de Chypre, Saint Eusèbe, Saint Irénée, Tertullien, etc.). Pour la simplicité de la lecture, nous avons omis ces notes et renvoyons à l’original ceux qui souhaiteront les examiner.

Ainsi, en la seconde moitié du IIe siècle, deux mouvements hérétiques de premier plan, le marcionisme (et en partie le gnosticisme) et le montanisme, affectèrent de manière significative le trésor de l’Église, le Nouveau Testament. Les marcionites réduisaient le Nouveau Testament; les montanistes, au contraire, étaient enclins à l’allonger. Les écrivains de l’église se sont trouvés devant une double tâche: contre les marcionites pour protéger l’appartenance au Nouveau Testament des livres saints rejetés par Marcion, et contre les montanistes, pour établir précisément les livres du Nouveau Testament et protéger cette série de l’invasion d’œuvres plus récentes produites par la fausse prophétie. Dans les deux cas, les écrivains de l’ Église ont dû parler de la composition du Nouveau Testament. Ce raisonnement des écrivains de l’église a commencé précisément au cours de la seconde moitié du IIe siècle; il est très important pour l’histoire du Nouveau Testament dans l’Église ancienne. En outre, dans leurs polémiques avec les hérétiques, les écrivains de l’Église citent parfois de nombreux passages du Nouveau Testament. Ces citations permettent également de juger de la composition du Nouveau Testament dans différentes Églises locales de l’époque. Il faut seulement se rappeler constamment que l’absence de mention de l’un ou l’autre livre du Nouveau Testament ne signifie forcément que l’écrivain de l’Église concerné ne possédait pas ce livre, ou que celui-ci était inconnu dans l’Église dont l’écrivain faisait partie. Certains écrivains ne citent pas de livre simplement parce qu’ils n’avaient pas de raison de le faire. Effectivement, certains livres du Nouveau Testament offrent peu de raisons de les mentionner ou d’en citer des extraits. Telles sont les courtes Épîtres de Jude, les 2e et 3e de Saint Jean, et celle à Philémon. Il est fort possible que nous ne trouvions pas les textes de ces épîtres dans certaines “séries complètes” des des épîtres chez certains écrivains de l’église, et cela ne signifie certainement pas qu’ils ne sont pas en usage dans l’Église.

Saint Jean le Théologien

On peut penser que le marcionisme et le montanisme ont non seulement incité les écrivains de l’Église à parler de la composition du nouveau Testament, mais ont également forcé l’Église à évaluer plus précisément son héritage des écrits apostoliques. L’indépendance de la vie ecclésiastique locale au IIe siècle a également affecté le Nouveau Testament. Les Églises locales différaient les unes par rapport aux autres, et ce pouvait être le cas dans la composition du Canon du Nouveau Testament. Après tout, le Nouveau Testament n’était pas encore délimité dans une composition obligatoire pour tous, et les livres du Nouveau Testament se répandirent progressivement. En outre, certains écrivains de l’Église recouraient assez librement à des sources autres que les écritures apostoliques authentiques. Avant les écrivains du IIe siècle, il y eut beaucoup de légendes différentes et orales, parfois conformes à la réalité, et parfois s’en écartant. Ces traditions étaient souvent utilisées de la même façon que les livres des apôtres. Cependant, bientôt ces légendes furent ornées de fictions et d’ajouts. Une tradition se format, au caractère légendaire. Beaucoup de ces légendes sont apparues en particulier chez les gnostiques. Chaque secte gnostique avait sa propre tradition, celle de Jacques, frère du Seigneur, celle de Philippe, celle de Matthias, élu à la place de Judas, celle de Glaucias, traducteur de Pierre, ou celle de Jude Thaddée, compagnon de Paul. On y trouve même les propos que l’Apôtre Paul n’a pas prononcés mais entendus, et qui l’auraient «ravi jusqu’au troisième ciel» (2Cor.12, 2–4).
Il est clair que face aux différences initiales dans Canon du Nouveau Testament entre les différentes Églises locales et avec l’attitude libre envers les écritures et les traditions, après le prises de positions des gnostiques (en particulier des marcionites) et des montanistes, l’Église ne pouvait plus rester sans réagir. Il était nécessaire de tracer avec précision une certaine frontière entre ce qui était canonique, véritablement apostolique et sacré, et ce qui était non canonique, non authentiquement apostolique, parfois utile et édifiant, et parfois tout à fait nuisible et faux.
Voilà pourquoi, c’est avec la lutte de l’Église contre le gnosticisme et le montanisme que commence dans le plein sens du terme l’histoire du Canon du Nouveau Testament . Auparavant, il y eut une période préhistorique, lorsque la composition du Nouveau Testament n’était presque pas une question de l’Église universelle, mais seulement une question touchant les Église locales.
Les écrits polémiques des écrivains de l’église du IIe siècle nous donnent l’occasion de découvrir quelle était la composition du Nouveau Testament à la fin du IIe siècle dans différentes Églises. Malheureusement, nous ne disposons pas de suffisamment d’informations sur toutes les Églises. En particulier, les données concernant les Églises d’Orient sont très lacunaires. (A suivre)
Traduit du russe
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