Métropolite Néophytos de Morfou. Comment je voyais Saint Païssios l’Athonite. (1)

MNMoLe texte ci-dessous est la première partie d’une version russe mise en ligne le premier février 2023 sur le site du Monastère Sretenie de Moscou, sous le titre :ПРЕПОДОБНЫЙ СТАРЕЦ ПАИСИЙ СВЯТОГОРЕЦ. ЧАСТЬ 1 Митрополит Морфский Неофит (Масурас). Le Métropolite Néophytos de Morfou propose de garder en mémoire certains traits particuliers du Saint Geronda Païssios.

Saint Païssios est un saint homme e avec lequel la Divine Providence me jugea digne de faire connaissance en 1982, quand j’étais étudiant à la Faculté de Droit. Par la suite, étant devenu diacre à Chypre, je me rendais de temps à autre à la Sainte Montagne. Je ne cache pas que l’aimant le plus puissant pour beaucoup de visiteurs, c’était la personnalité du saint Geronda Païssios. C’était quelqu’un qui pouvait sentir la douleur de l’autre, qui pratiquait la prière du cœur. C’était un grand héros de l’ascèse en ce monde. Les gens lui ouvraient leur cœur et il leur ouvrait son esprit. Il insista pour que je ne devint pas moine au Mont Athos.
– Vas à Chypre, me disait-il. Construis-y des bases et elles chasseront les bases militaires.
– Je ne comprends pas de quelles bases vous parlez?
– Eh quoi, tu es américain? Qu’est-ce que tu ne comprends pas? Je parle pourtant le Grec. A Chypre, il existe un problème spirituel. Alors, la loi spirituelle va agir : quand vous construirez des monastères, des paroisses orthodoxes, des familles orthodoxes, alors les bases pécheresses des occupants disparaîtront.
Nous sortîmes de sa cellule, dans la cour, et il dessina sur le sol un grand triangle rectangle qu’il divisa en deux triangles et me dit :
– Il viendra un temps où tu construiras des monastères. Tu feras deux cours, une pour les laïcs et l’autre pour les moines ou les moniales.
J’étais stupéfait par ce qu’il me racontait. A l’époque, j’étais un étudiant normal de vingt ans, un paquet de «Rothmans» en poche. Je ne dis pas ceci pour me vanter. Fumer était une des passions qui m’affligeaient. Je me dis avec surprise en moi-même, en entendant parler des monastères : «Est-ce possible que moi je construise de saintes demeures?». Voyant ma surprise, Geronda Païssios me dit :
– Tu ne vas pas les construire maintenant, plus tard, quand tu seras devenu une personnalité officielle.
Et en effet, plus tard, devenu hiéromoine, et puis évêque, je commençai avec Geronda Siméon à construire le Monastère Saint Georges à Mavrovouni. Et puis, en tant qu’évêque, je construisit le Monastère Saint Nicolas à Orounda, avec deux cours, comme l’avait dit Geronda Païssios. Aujourd’hui, moines et moniales en sont reconnaissants, car si d’une part les laïcs qui souffrent ont accès au monastère, les moines et les moniales conservent leur espace, leurs cellules, leur chapelle intérieure, leur réfectoire, inaccessibles aux laïcs.
Depuis lors, chaque fois que j’allai à la Sainte Montagne, je rendais visite à Geronda Païssios, et il me raconta beaucoup de choses très intéressantes, dont je ne parlerai pas dans le présent entretien. Je vais juste résumer en quelques phrases qui était pour moi Saint Païssios.
Saint Païssios était cappadocien. J’insiste, c’était un Cappadocien, un réfugié d’Asie Mineure devenu moine athonite. Aujourd’hui, c’est un Saint universel, un maître de vie orthodoxe, de vie monastique et de vie familiale, un prophète remarquable pour notre peuple au sein duquel nombreux sont ceux qui sont mis à l’épreuve de la foi et l’incroyance.
Personne ne veut écouter aucune idée, même si celles-ci sortent de la bouche d’un saint homme, mais on veut «capturer» le cœur des autres. Saint Païssios était notre homme de l’Est, d’Asie Mineure, tout comme Saint Jacques d’Eubée. Ils étaient originaires de deux régions différentes d’Asie Mineure, et réfugiés dès leur enfance. Ceux qui ont été réfugiés peuvent le mieux comprendre Geronda Païssios et Geronda Jacques. Comme le disent les médecins d’aujourd’hui, et particulièrement les psychiatres qui ont étudié Lacan, les dix premières années de la vie s’avèrent décisives pour tout le monde, indépendamment du fait qu’on soit saint ou pas. Pour bien comprendre Saint Païssios, nous devons examiner les dix premières années de sa vie.
Saint Païssios naquit à Farassa, en Asie Mineure, dans une famille comptant huit enfants. Il fut baptisé, rapidement après sa naissance, par le prêtre du village, Saint Arsène de Cappadoce, qui lui donna son nom, Arsène. Quand les parents émirent une objection, Saint Arsène leur répondit, de façon prophétique :
– Permettez que je laisse un moine après moi!
Le quatorze septembre 1924, la famille s’installa dans l’Île de Corfou, et puis, à Konitsa. C’est là que le petit Arsène termina l’école primaire. Le dix novembre 1924, son protecteur, Saint Arsène, mourut, à Corfou. Telles furent les dix premières années de la vie de Saint Païssios. Un de ses camarades de classe raconta que dès son enfance, le Saint se distinguait par sa compassion ; cela a une importance fondamentale. Un autre de ses traits est son aspiration à l’ascétisme. Les mercredi et vendredi, il refusait de manger de l’huile d’olive et du lait, et il commença à jeûner quand il était encore très jeune, tout comme Saint Jacques d’Eubée. Imitant leurs maman respectives, Saint Païssios, sa maman Evlampia et Saint Jacques, sa maman Theodora, voyant comment elles faisaient des métanies, ils étaient encore petits enfants quand ils commencèrent eux-mêmes à faire des métanies devant les icônes. Plus tard, à l’âge de sept ans, ils ressentirent la nécessité de quitter leur maison et de se rendre dans des chapelles éloignées de leur village pour y faire les prières du soir. Ils agissaient ainsi parce que cela leur procurait de la joie et la prière était pour eux quelque chose de tangible. Et qu’apprenons-nous de Saint Païssios? Que la grâce est tangible. L’homme sent la grâce, son action, et s’il ne la sent pas, cela veut dire qu’il a en lui l’un ou l’autre problème psychologique ou spirituel. Même les enfants atteint du syndrome de Down, quand on les amène à la divine liturgie dans une église, ils la vivent. Dès leur petite enfance, les deux gerondas goûtèrent à la grâce et y aspirèrent de toutes leurs forces, particulièrement par l’ascétisme, devenant des exemples de vaisseaux de l’Esprit-Saint. Qu’entendons-nous par «vaisseau» ? C’est de la théologie de Saint Païssios. Il me dit :
– Écoute, le Seigneur t’a donné un grand vaisseau. Il te sera difficile de le remplir!
Je ne comprenait pas ce à quoi il faisait allusion avec le terme vaisseau. Il me dit :
– Il y a des gens qui naissent avec un vaisseau de la taille d’un dé à coudre. Si ce dé à coudre est rempli de la grâce de Dieu, pour eux, cela suffira. Ils y a des hommes dont le vaisseau a la taille d’une tasse de café. Si la grâce de Dieu remplit cette petite tasse, ce sera suffisant pour eux. D’autre ont un vaisseau spirituel de la taille d’un verre d’eau, d’autres encore, la taille d’une carafe, et d’autres, la taille d’un réservoir d’eau, rempli de temps à autres et utilisé pour arroser les champs voisins. Au plus grand est notre vaisseau devant accueillir la grâce, au plus grande est notre responsabilité devant Dieu, Qui nous l’a donné, et devant nos bons parents, qui ont «fabriqués» ce vaisseau. Il ne dépend pas de nos capacités ni de notre dignité, mais de notre maman, de notre grand-mère, de notre père, de notre grand-père, de l’un ou l’autre prêtre ou moine ou moniale ou de bienfaiteurs dans notre lignée. Les gens d’aujourd’hui peuvent appeler ça dna, ou hérédité, ou encore d’un autre terme issu de la psychologie contemporaine. Mais aucune explication n’est aussi précise que celle de Saint Païssios. Sois attentif au vaisseau que t’a donné le Seigneur afin que tu le remplisses! (A suivre)
Traduit du russe
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