Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

(…) Entre autres choses, Batiouchka nous a parlé ici d’un moine qui avait non seulement acquis l’humilité, mais aussi d’autres vertus: la patience et la prière incessante, prononcée dans le cœur. Un moine, voyant une colonne de feu s’élever du toit du réfectoire, entra dans le réfectoire et vit ce moine tout en feu, agenouillé, en prière. Ce moine, le Père Théodote, un des moines de notre skite le connaît et se souvient de lui.
«Au Désert de Glinsk, il y avait voici peu un novice rasophore, le Père Théodote. Autrefois, il fut soldat et ainsi, pour sa grande taille et son physique robuste, lorsqu’il entra au monastère, on lui donna pour obédience d’apporter du bois de chauffage et de l’eau dans la cuisine. Et il conserva cette obédience jusqu’à la fin de sa vie. Tout le monde le dédaignait, il dormait où il pouvait, parfois à même le sol, parfois sur le bois de chauffage. Personne ne lui prêtait attention. Il vécut jusqu’à 70 ans.
Un jour, le Père Archimandrite Héliodore, un homme de bonne vie, revint de la Liturgie et s’assit près de la fenêtre ouverte en attendant le samovar. Appuyé contre le dossier d’une chaise, il tomba dans un léger sommeil et vit un jardin merveilleux, quelque chose de surnaturel. Et l’air n’était pas le même, et les plantes, les arbres, et les fruits qu’ils portaient n’étaient pas les mêmes que sur terre. En un mot, un jardin d’une beauté indescriptible. Et ici, au milieu du jardin, le Père Héliodore vit le Père Théodote.
– C’est toi, Père Théodote?
– Oui, Batiouchka.
– Comment? Toi, ici !?
– Oui, cela m’est donné.
– Mais où sommes-nous?
– Au Paradis.
– Et tu pourrais me donner de ces fruits?
– Oui, je peux.
Juste à ce moment, un cri retentit dans la cour et le Père Héliodore s’éveilla; tout avait disparu. Il vit alors que dans la cour, le cuisinier courrait derrière le Père Théodote et lui assénait des coups de bâton sur le dos. Le Père Héliodore mit fin au supplice du Père Théodote et interdit au cuisinier de le battre. Ensuite, ayant appelé le Père Théodote dans sa cellule, le Père Héliodore lui demanda où il était allé.
Il répondit :
– J’étais dans la cuisine. Je n’ai pas rangé les bûches convenablement et le cuisinier s’est mit à me battre. Et puis quoi. Cela m’est égal, je suis coupable. Et je n’ai pas eu mal, j’ai gonflé mes muscles, le bâton a rebondi sur moi et je n’ai pas eu mal.
– Non, Père Théodote, raconte-moi où tu es allé aujourd’hui.
– Eh bien, à la cuisine.
– Père Théodote, agenouille-toi devant les icônes. Je m’agenouille à côté de toi. Je suis ton père spirituel, alors, raconte-moi où tu es allé aujourd’hui.
– Bon, si c’est ainsi, promets-moi devant Dieu de ne le répéter à personne avant ma mort.
– D’accord, je le promets.
– Au paradis et d’ailleurs, je t’y ai vu.
Alors, le Père Héliodore comprit qu’il n’avait pas fait un rêve, mais qu’il lui avait été donné de voir le Paradis.
– Mais alors, Père Théodote, les fruits que tu m’as donnés pourraient se retrouver chez moi?
– Bien sûr, mais, il faut que Dieu en aie décidé ainsi…
L’humilité, la patience et la prière du cœur incessante, voilà ce que possédait le Père Théodote. C’est une prière dont nous n’avons aucune idée. Remarquez que tous les saints qui ont été honorés de voir le Paradis, le dépeignent comme un jardin de beauté indescriptible, indicible. Il s’avéra que le Père Théodote était spirituellement beaucoup plus élevé que le Père Héliodore, bien que le premier fût un novice et le dernier un archimandrite. Il n’est pas important de savoir quelle obédience accomplir, mais plutôt comment l’accomplir: avec humilité, patience et avec la prière».
Je ne me souviens pas de tout. Le Père Barsanuphe termina en disant qu’il vénérait son starets le Père Anatole [N.d.T.: le Starets Anatole Zertsalov], ce qu’on pouvait entendre quand il en parlait. Batiouchka se souvenait toujours avec une une pieuse vénération de son ancien starets.
«J’ai commencé à faiblir, dit enfin Batiouchka, à faiblir. J’ai l’impression qu’il ne me reste plus longtemps à vivre. Je demande seulement à Dieu que vous teniez bon, que vous soyez forts. Eh bien, prions.» Il a commencé à prier pour nous deux, nous avons aussi prié. Puis il nous a bénis et nous sommes partis.
En arrivant dans ma cellule, j’ai prié pour que le Seigneur Miséricordieux prolonge la vie du Père Barsanuphe et que par les instruction de celui-ci, Il nous fasse tenir debout et nous fortifie, comme Batiouchka lui-même L’en avait prié. Sauve-le, Seigneur, aie pitié! C’est la première fois que je vois quelqu’un comme ça. Je n’ai jamais entendu des conversations comme celles de Batiouchka. Je me souviens, c’était l’année dernière que nous avons parlé avec Batiouchka; avec quelle attention et quelle douceur j’écoutais alors Batiouchka. Ce jour-là, j’ai compris non pas avec mon intelligence, mais avec mon cœur la signification et la hauteur du monachisme. Je ne saurais peut-être répondre à la question de savoir ce que Batiouchka a dit du monachisme. Maintenant, je ne me souviens presque plus de rien de ce que Batiouchka a dit à l’époque. Mais j’ai senti et compris avec mon cœur, avec ma conscience intérieure profonde, et en quelque sorte joyeusement, ce que dit Batiouchka, et c’était bon pour moi à l’époque. Et cette année, il y eut récemment une conversation au cours de laquelle Batiouchka lui-même a admis qu’il n’avait peut-être jamais parlé ainsi à personne. Si c’est possible, j’écrirai aussi ce dont je me souviendrai de cette conversation.(A suivre)
Traduit du russe
Source :                       

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.