Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

11 janvier
Hier soir, j’ai été rapidement éloigné de mon journal. Je suis allé avec Ivanouchka chez Batiouchka. Notre entretien a duré de huit heures à onze heures et demie. Batiouchka a parlé beaucoup et bien, mais comment me rappeler de tout cela? Je vais de nouveau résumer et n’écrire que des extraits.
«La pierre d’angle de la vie du moine, c’est l’humilité. L’humilité et l’obéissance. Il est possible d’acquérir différentes vertus, particulièrement concernant la chair, mais si l’orgueil existe, alors, tout est perdu. C’est comme des assignations de 500 roubles qui ne sont pas utilisées et qu’on jette au feu. Tant qu’elles restent hors du feu, elles ont une grande valeur, mais dès qu’elles tombent dans le feu, elles se transforment en cendres et il n’en reste rien.
Ou encore : l’homme qui possède de grandes vertus mais qui est orgueilleux est semblable à un grand navire, armé d’un précieux appareillage, mais qui ne peut rejoindre le port et qui périt en mer. Ainsi, on a d’un côté un grand vice fatal, l’orgueil et de l’autre, l’humilité, tellement salutaire. «Voici sur qui je porterai mes regards : Sur celui qui est doux et qui est humble, Sur celui qui craint ma parole», dit le Seigneur.
Le monachisme est une mer infinie, il est impossible de l’épuiser ou de la traverser complètement. Celui qui entame ce chemin ne comprend pas cela; il faut d’abord de la pratique. Une énorme tenture se dresse devant vous, et elle commence, à partir d’un coin inférieur, à s’élever tout doucement. Toute la sagesse du monde terrestre, qui il est vrai a un certain sens et un objectif, consistant surtout a acquérir des commodités pour la vie du corps, elle n’est rien par comparaison à la vie monastique. Ou, pour mieux dire, c’est un kopeck comparé à un milliard de roubles.
Un homme que je connais, a reçu une formation très élevée, une éducation européenne, il est allé à l’Université de Moscou et à celles de Londres et de Paris. Entré au monastère, il a écrit à un ami dans le monde, un de ses compagnons lors des études, que jusqu’alors, il n’avait rien compris. Le Saint Apôtre Paul dit que dans la vie du siècle à venir, il y aura différents niveaux de béatitude : «Autre est l’éclat du soleil, autre l’éclat de la lune, et autre l’éclat des étoiles ; même une étoile diffère en éclat d’une autre étoile». Il existe des milliards de niveaux, selon la compréhension humaine, un nombre incalculable, et les moines appartiennent au premier niveau. Et le moine du grand schème, bien sûr, s’il est digne pendant sa vie ici de son titre, il entrera parmi les séraphins. Voilà la grandeur de l’appellation de moine. C’est pourquoi vous devez rendre grâces à Dieu de vous avoir admis ici à la Skite!
N’imaginez pas une seconde que vous êtes venus ici de votre propre initiative : «Nul ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire».
La liberté nous est donnée par Dieu, et de votre part il y a seulement eu une libre acceptation. Vous vous êtes juste abstenus de résister quand Il vous a pris par la main et vous a amenés ici. Le Seigneur nous sauve, ce n’est pas nous qui nous sauvons. Lui, le Miséricordieux, nous sauve quand existe notre souhait d’être sauvés.
Rendez donc grâces à Dieu. Vous voyez vous mêmes combien de gens courent à leur perte dans le monde. Essayez alors maintenant de comprendre pourquoi le Seigneur vous a fait un telle grâce, pourquoi il vous a amenés ici au monastère, dans notre skite isolée et tranquille. Oui, c’est avec l’aide de Dieu seulement que vous pouvez suivre ce chemin étroit et rempli d’afflictions.
Ainsi, le moine suit son chemin au long du sentier qui serpente parmi les falaises et les rochers, va et vient le long des falaises, parsemé de pierres et cailloux pointus. Il s’approche du bord et puis soudain, il n’y a plus de sentier. Devant la falaise, un gouffre de deux verstes, en face de la falaise une autre falaise d’une verste. À gauche, à droite, tout autour, rien que des rochers et des falaises. On dirait qu’il n’est plus possible d’avancer. Revenir en arrière est également dangereux, des effondrements se sont produits dès après son passage. Une seule issue : sauter sur un rocher au-dessus d’un précipice, sur une pierre isolée. Effrayant, car la pierre, peut-être, va se détacher? Que faire alors? Et le Seigneur dit: «Ne crains pas, sois ferme. Je vais t’aider». Et il envoie son ange. L’ange prend la main du moine tremblant: «Eh bien, avec l’aide de Dieu…» C’est effrayant! «N’aie pas peur, espère, crois que tu surmonteras l’obstacle.» Tout tremblant, le moine se précipite au-dessus de l’abîme et, grâce à Dieu, atterrit indemne sur la pierre. «Oui, ce n’était pas si effrayant! Maintenant, je n’aurai plus peur». Et ainsi de suite, de plus en plus près du Trône de Gloire du Roi des Cieux. Voilà le chemin du moine. Et avec l’aide de Dieu, beaucoup le parcourent facilement, car Son joug est bon et le fardeau est léger (Mat.11;30).
À première vue, il semble y avoir une certaine contradiction: d’une part, ce chemin de la mise en œuvre des commandements du Seigneur est facile et bon, et d’autre part, il est étroit et rempli d’afflictions. Oui, il est étroit et rempli d’afflictions pour ceux qui l’entament sous la contrainte, sans prédisposition intérieure ou pour d’autres fins que le salut de l’âme. Pour ceux-là, il est pénible. Mais pour ceux qui deviennent moines en le souhaitant avec pureté et avec l’intention de servir le Seigneur Dieu en esprit et en vérité (J.4;23-24), il est facile. Certes, il y a des afflictions, mais elles sont nuages dans un ciel clair et radieux.

Ainsi, Nicolas Mitrophanovitch, vous allez vivre ici, seulement si le Seigneur vous accorde une telle miséricorde, pendant deux ou trois ans, et vous verrez quel béatitude est la vie du moine. Vous avez peut-être déjà remarqué à quelle vitesse le temps file ici. Des années passeront, peut-être des dizaines d’années, et vous aurez l’impression que vous êtes arrivé juste le jour précédent.
Un jour, j’ai demandé à un moine qui vivait au monastère depuis cinquante ans :
– Il vous paraît long le temps que vous avez vécu au monastère?
Et il me répondit :
– Non, il me semble que je suis ici depuis cinquante jours et non cinquante ans. Et même pas cinquante jours, plutôt cinquante minutes.
Oui, le temps file avec légèreté au monastère. Vivez donc ici. Que Dieu veuille que nous nous entretenions encore ensemble, mais seulement souvenez-vous de ce que je vous dis et essayez de vivre comme un moine. Ne laissez jamais quelqu’un entrer dans votre cellule sans la prière. Que celui qui vient vous voir dise la prière et seulement après, permettez-lui d’entrer. Quand vous sortez et entrez dans votre cellule, faites les quatre métanies que prévoit la règle, en priant, et en tous temps, habituez-vous à la prière de Jésus. Quand vous rencontrez un des frères, inclinez-vous toujours le premier. Si c’est un hiéromoine, demandez sa bénédiction. Soyez humble, soyez humble, soyez humble.
Maintenant, lisez les livres, tant que vous n’avez pas d’obédience quotidienne, car alors il n’y aura plus de temps pour lire. Vous voudrez lire, mais ce ne sera pas pour le moment, vous regretterez que vous ayez lu peu, quand vous en aviez la possibilité. La lecture de livres renforcera votre volonté. L’Évangile est saturé de tous les mystères. De l’un il dévoilera un centième de centimètre, d’un autre un millier de verstes. De l’un beaucoup, d’un autre peu. Et ce petit peu, ce centième de centimètre, cela suffit pour vivre. La foi, l’espoir et l’amour agissent-ils dans notre vie?! Ces trois-là sont nécessaires pour nous. Sans eux, notre salut est impossible.
Dans l’Évangile, l’Apôtre Pierre apparaît comme un détenteur de la foi. «Tu es le Christ, le Fils du Dieu Vivant», confesse-t-il, alors que tous, à l’exception des apôtres, considéraient le Christ juste comme un homme; mais aussi parmi les apôtres, il est porte-parole de la foi. D’autres apôtres, et surtout Saint Jean le Théologien, l’Évangéliste, possèdent l’Amour. Le représentant de l’espoir, c’ est Jacques. C’est pourquoi le Christ, quand il voulut manifester Sa gloire, Se transfigura devant ces trois disciples.
J’essaie de tout expliquer et de vous montrer ce qu’est la vie du moine. La pierre angulaire de la vie monastique, c’est l’humilité, comme je l’ai déjà dit». (A suivre)
Traduit du russe
Source :                       

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.