Dernier texte de la série traduisant la conférence “La Ville est Tombée”, mais elle demeure en vie IEROTHEOS_MHT_NAYPAKTOY donnée à Patras en 2002 par Son Éminence le Métropolite Hiérotheos de Naupacte, à propos de la chute de Constantinople. Les précédents se trouvent ici.                            La chute de Constantinople fut l’un des événements essentiels de l’histoire. On observera que Constantinople fut inaugurée par Constantin le Grand et sa mère Hélène le 11 Mai 330, et que la chute se produisit le 29 Mai 1453, alors que l’Empereur s’appelait Constantin, et sa mère Hélène. La fondation se déroula dans les fastes et la magnificence. La chute est associée à une Divine Liturgie au caractère et à la perspective eschatologiques qui ne s’estompent que dans l’éternité, dans l’intemporalité du temps qui imprègne la Divine Eucharistie, comme l’expriment les paroles du prêtre : «Ce qui est à toi, le tenant de toi, nous te l’offrons en tout et pour tout».
Mais malgré la dimension tragique de la chute et des événements qui s’en suivirent, on peut identifier des éléments positifs. Sous l’occupation turque, l’Église Orthodoxe s’organisa selon ses propres forces; on forgea l’unité des Églises Orthodoxes, et on préserva les dogmes. Le Sultan choisit en qualité de Patriarche le chef de file du courant hésychaste, Gennadios Scholarios. L’Église Orthodoxe fut autonome à l’intérieur du système de millet tel que défini par le Sultan.
La conservation de la doctrine et de l’esprit hésychaste de l’Église Orthodoxe permit de voir apparaître confesseurs, martyrs et néomartyrs, elle inspira les ascètes, fortifia les gens ordinaires, et de manière générale, elle sauvegarda les éléments vénérables et sacrés de notre race et de la tradition orthodoxe. L’esprit de l’Empire Romain, la Romiosini ne disparut pas avec la chute de Constantinople. Elle fut préservée par l’Église Orthodoxe, et en particulier par la primauté de martyr du Trône Œcuménique, par le monachisme orthodoxe, et à travers la culture propre à la Romiosini ; l’iconographie, l’architecture des églises, la musique et la méthode de psychothérapie médicale qui abrite la noblesse et la grandeur de la Tradition Orthodoxe. Lorsque la Romiosini était un État organisé, elle constituait la spiritualité du fondement de celui-ci. Maintenant que l’État a été aboli, elle appartient au monde entier, à tout l’Écoumène, car les Romains vivent dans toutes les parties du monde. Et nous espérons que cet esprit de Romiosini, sa culture et sa médecine spirituelle, exprimée dans la tradition neptique et philocalique prévaudra sur toute la terre. Après tout, aujourd’hui, même en Europe, en Amérique et en Asie vivent des Romains par le cœur et l’esprit, fussent-il hellénophones, arabophones, slavophones, anglophones, ou francophones… L’amour dont ils font montre à ‘égard de la Romiosini indique que celle-ci est habitée d’une grande puissance. L’esprit de l’Empire Romain est vivant, malgré son extinction en tant qu’État organisé.

« La Romiosini est une race qui embrasse le monde entier et personne n’a été à même de l’éliminer, personne, car depuis les hauteurs, mon Dieu la couvre de Sa protection. La Romiosini périra quand le monde ne sera plus ! ». (Vassilis Michaelides)

A la veille de la chute de Constantinople coexistèrent trois courants; un pro-occidental, un Grec ancien et un autre, hésychaste, qui prit le dessus. Ces trois courants existent encore aujourd’hui, ou plutôt, des personnes représentent ces trois traditions. Mais si nous voulons nous développer dans l’Écoumène, nous devons nous en tenir à la tradition de Saint Grégoire Palamas, Saint Marc Evgenikos et Saint Gennadios Scholarios, car cette tradition apporte la réponse aux problèmes existentiels de l’humanité. C’est elle que recherche l’humanité contemporaine tourmentée en Orient et en Occident.
Ainsi, aujourd’hui, notre lamentation n’est pas nourrie seulement de la chute de Constantinople. Nous glorifions aussi l’esprit et la beauté de cette culture et de cette tradition qui parvint à pénétrer jusqu’aux tréfonds de la Divine Liturgie à Sainte Sophia, et qui s’est imposée à l’ADN spirituel de l’humanité. Dans cette mesure, l’esprit du dernier dirigeant de l’Empire, Constantin Paleologue, est vivant. Et le dernier empereur n’est pas seulement enfermé sous le marbre ; il domine et règne chez ceux qui ressentent leur Romanité, dans leur perception spirituelle œcuménique. Lorsque le Sultan lui demanda de lui livrer la Ville, le dernier empereur répondit : «Je ne livrerai pas la ville. Te livrer la ville ne relève pas de mon autorité, ni de celui de quiconque y habite. Après l’avoir décidé ensemble, tous nous mourrons sans essayer de sauver nos vies». Ces paroles montrent que la ville n’a pas été offerte. Elle reste vivante, ayant pris la suite de ces combattants bénis jusqu’à la tombe donatrice de vie, et elle s’est relevée, et elle est maintenant la cité spirituelle de tous les Romains qui habitent tous les coins de la terre et voient la Ville céleste «dont l’Artisan et le Créateur est Dieu».

Après la chute de la Ville, le Patriarcat Œcuménique endossa une lourde responsabilité, et le Patriarche Œcuménique devint l’ethnarque et le témoin de notre Nation. Au sein de l’organisation de l’Empire Ottoman, le Patriarcat Œcuménique, en dépit de tous les problèmes dont il dû faire l’expérience, s’affirma comme le lien assurant la cohésion de tous les autres patriarcats, et il garda allumée la flamme de la foi, de la théologie et de la vie communautaire. L’Église martyre s’avéra pépinière de néomartyrs ; de nombreux patriarches et évêques devinrent des martyrs. L’esprit de la civilisation romaine a survécu et il vit. L’essentiel est qu’aujourd’hui encore le Patriarcat Œcuménique occupe le siège de la primauté dans l’Église et il préside aux responsabilités, tâches et initiatives destinées à sauvegarder l’unité des Églises Orthodoxes. De la sorte, nous nous souvenons que le brillant Empire Romain chrétien d’il y a mille ans demeure fort et vivant. Le Patriarcat Œcuménique jouit d’une vaste expérience en tous domaines, c’est la raison pour laquelle les différentes Églises autocéphales devraient collaborer étroitement avec lui. La vie et l’activité de l’institution et du ministère du Patriarcat Œcuménique s’étendent sur le monde entier, de l’Amérique à l’Asie. Elles eαγια-σοφια-εκκλησιαxpriment l’universalité de l’esprit de la Romiosini, et la vie hésychaste de la Tradition Orthodoxe, avec la présence bénie du Mont Athos, et elles préservent non seulement la Ville de l’Empereur, mais l’esprit tout entier de l’Empire Romain, ce que nous appelons Byzance.
Voilà pourquoi «La Ville est tombée» mais elle demeure vivante.

Le texte original grec a été traduit avec l’appui de la traduction anglaise proposée sur l’excellent blogue Mystagogy.