maxresdefaultLe site Romanity.org propose une série de textes du Père Jean Romanidès. Certains en Anglais, d’autres en grec. La traduction ci-dessous est celle du début d’un très long texte en anglais dont le titre complet est : «Thérapie de la maladie neurobiologique de la Religion.La Civilisation hellénique de l’Empire Romain, Le Mensonge de Charlemagne en 794 et son Mensonge aujourd’hui.» Ce texte est présenté sur le site précité comme celui d’une conférence donnée à deux reprises aux États-Unis en 1997, et dont la base fut un long article écrit en grec et publié dans un ouvrage édité par le Saint Monastère de Koutloumousiou en 1996. La longueur de ce texte obligé d’en proposer la traduction en extraits successifs. En voici le septième.

Dans l’Église Orthodoxe, il n’y a pas de Pères grecs et de Pères latins mais seulement des Pères qui parlaient grec ou latin. Nous commençons donc par affirmer que dans l’Église, il n’existe pas de ‘Pères grecs’ ou de ‘Pères latins’. Tous les Pères de l’Église au sein de l’empire Romain sont des Pères de l’Église, hellénophones ou latinophones selon leurs caractéristiques locales. La distinction entre ‘Pères grecs ou latins’ fut littéralement inventée par les Francs Carolingiens. A quelle fin? Pour dissimuler le fait qu’il n’exista aucun Père de ‘leur Eglise’ avant Raban Maur (776-856). Dès lors, ils divisèrent simplement en deux les Pères Romains, les qualifiant de Pères grecs ou de latins. De cette façon, ils rattachèrent simplement Raban Maur et ses successeurs aux soi-disant ‘Pères latins’ de l’Eglise. Mais les Pères de l’Eglise qui écrivaient soit en grec, soit en latin, ou dans les deux langues, n’étaient ni des Latins ni des Grecs, mais simplement les Pères Romains de l’Église.

Chrétiens romains et Grecs romains.
Il est absolument remarquable que dans la tradition romaine, depuis Constantin le Grand, les Romains aient fait une nette distinction entre Chrétiens romains et Grecs romains. L’appellation Grec romain signifie simplement ‘païen’. Le titre de l’ouvrage de Saint Athanase le Grand «Contre les Grecs» signifiait dans la langue des Romains «Contre les païens». On en déduit donc que la dénomination franque ‘Pères grecs de l’Église’ signifie dans la langue des Romains ‘Père païens de l’Église’…
romiosini_01Nous recourons à l’expression ‘franco-latin’ pour désigner les membres surtout Teutons de la royauté et de la noblesse médiévales en Europe Occidentale, et qui se disaient eux-mêmes ‘Latins’. Nous les nommons ‘franco-latins’ de manière à opérer une distinction entre eux et les deux groupes de véritables Latins dans l’histoire Romaine. Les Franco-latins ne disposaient pas des sources de l’histoire romaine et ils souhaitaient couper les Romains occidentaux, qu’ils venaient de conquérir, des Romains orientaux. Dès l’époque de Charlemagne, ils imaginèrent dès lors que les premiers Latins, ou Romains, parlaient le latin. On sait aujourd’hui qu’il s’agit là d’une erreur historique fondamentale. Tous mes écrits indiquent que les Romains aimaient la civilisation hellénique à un point tel que Rome elle-même voyait la lumière de l’Histoire s’exprimer en grec. J’ai donc souligné l’apparition historique de Rome en tant que cité hellénophone, par opposition à la position carolingienne et franque abordant l’histoire romaine comme celle d’un peuple soi-disant latin qui se mit à parler aussi le grec. Nous répétons donc que l’entourage de Charlemagne soit inventa soit en vint à croire la fable selon laquele l’Empereur Constantin le Grand (306-337) aurait déplacé la capitale de l’Empire romain de la Rome ancienne en Italie vers la nouvelle Rome-Constantinople et aurait soi-disant, de façon délibérée, abandonné la langue latine au profit de la langue et de la nationalité grecques.

Les vrais Latins de l’histoire romaine.

Constantin le Grand n’était pas latin, il était romain. Comme nous l’avons vu, les premiers Latins de l’histoire étaient des peuples hellénophones conquis par les Romains, qui parlaient également la konstantinlangue hellénique. Ces Latins furent absorbés dans la nation romaine, leur appellation de latins n’étant plus qu’un nom, honoré par leurs descendants, la famille de Jules César. Mais ce nom de Latin resurgit avec vigueur à l’occasion des guerres qui se déroulèrent en Italie entre 91 et 83 av. JC dans lesquelles s’illustrèrent le groupe de ceux qui luttaient pour devenir entièrement indépendants de Rome et celui de ceux qui exigeaient la citoyenneté romaine. Le premier groupe fut défait, et le second dû se satisfaire du nom de Latin au lieu de celui de Romain. Ce n’est qu’en 212 ap. JC que ces Latins reçurent le nom de Romains. Tout cela se produisit 95 ans avant que Constantin n’entame son règne. Non seulement Constantin n’était pas un Latin, mais les Latins qui vivaient en 211 étaient probablement tous morts en 306.
Les sources romaines de l’histoire finirent par devenir accessibles aux barbares franco-latins. Mais au lieu de corriger leur interprétation erronée de l’histoire romaine, ils se firent spécialistes de la manipulation des sources romaines de façon à les faire correspondre au mensonge de Charlemagne. Ainsi, Constantin le Grand et ses successeurs auraient abandonné le latin et la nationalité latine pour devenir gres et parler le grec. Selon la «Cambridge Medieval History vol. IV, part I, 1967, p.776 », Constantin le Grand fut empereur romain entre 306 et 324 et «empereur byzantin» entre 324 et 337. Conformément à la ‘noble’ tradition britannique, les parties I & II du volume IV traitent de «l’Empire byzantin». Les deux volumes reprennent toutefois l’introduction de J.B.Bury au volume IV original qui fut publié en 1923. Bury y écrit que «Nous avons toutefois altéré le nom correct, qui est simplement ‘Empire Romain’ en y ajoutant la mention ‘d’Orient’, etc. Un autre historien, Finlay pose une étrange question «Quand l’empire Romain s’est-il transformé en Empire byzantin? La réponse est qu’il ne s’est transformé en rien d’autre qu’en lui-même». Malgré cela, dans les deux nouveaux volumes IV remplaçant l’ancien volume, ‘l’Empire Romain d’Orient’ est remplacé par ‘l’Empire Byzantin’, pourquoi?

Pourquoi Byzantin ?
Pourquoi donc cet ‘Empire Byzantin’ qui jamais n’exista est-il si essentiel à la politique britannique, française et russe de ‘diviser pour régner’? La réponse-clé à cette question peut être trouvée dans le Protocole de Londres du 31 août 1836, signé par les représentants de ces trois empires à l’occasion de Greece_in_the_Treaty_of_Sèvresla finalisation de la carte délimitant les frontières entre l’Hellade de l’empire Ottoman. De nombreux Romains qui combattirent pour l’indépendance se retrouvèrent à l’extérieur des frontières de la zone libérée appelée ‘Hellas’. Ce protocole mentionne deux groupes de ‘Grecs’ ayant alors le droit d’émigrer vers l’Hellade du fait qu’ils sont devenus légalement des Hellènes. Du point de vue historique, les termes Grecs et Hellènes font référence à un seul et même peuple ancien. Le premier est l’appellation latine pour les Grecs et le second est l’appellation grecque pour désigner les Grecs. Par contraste flagrant, en turc et en grec de l’époque, les Grecs sont appelés ‘Romains’. Mais ces Romains furent qualifiés de Grecs par les Franco-latins depuis 794. Charlemagne et ses conseillers choisirent de nommer ‘Grecs’ les Romains libres de manière à ce que les Romains occidentaux finissent par croire que les Romains de l’Empire Romain ne sont pas romains mais ‘grecs et hérétiques’.
Le texte français du Protocole précité mentionne ceci : «Il est bien compris que ceux qui suivent doivent être considérés comme des ‘Hellènes’ : 1) Les ‘Grecs’ et 2) Les ‘Hellènes’». Voilà donc les deux termes exprimant le problème qui devait être résolu. La traduction turque de ces termes est parfaitement flagsclaire. Les Grecs sont appelés ‘Rumlar’, Romains, et les Hellènes sont désignés en turc par le mot ‘Younanlar’, ‘Hellènes’. Mais le fond du problème était autre. Pour s’assurer le soutien des trois empires, qui ne souhaitent qui diviser et conquérir, les Romains devaient non seulement s’appeler Hellènes, mais ils durent adopter une législation aux termes de laquelle la Révolution Hellénique n’était pas seulement une libération de l’empire Ottoman, mais également une libération de l’empire Romain alors déchu, que les Britanniques, les Français et les Russes se mirent à appeler ‘Empire Byzantin’. C’est pourquoi ‘l’empire grec’ qui naquit dans l’imagination franque en 794 devait maintenant devenir l’empire Byzantin. Car enfin, écrire que les ‘Hellènes’ avaient été libérés des Grecs aurait fait pouffer de rire même le dernier des idiots!
Voici quelques années, pendant les célébrations organisées à l’Occasion de la Fête grecque de l’indépendance, le 25 mars, la BBC a tenté de faire croire que les Turcs avaient libéré les Hellènes des Byzantins. Mais cette tentative provoqua un retour de flamme que j’ai mentionné dans un de mes livres.
Couv-les-prolégomènes-197x300La contamination par le terme ‘byzantin’ concerne même les sources arabes. La traduction arabe du mot ‘Romain’ et ‘Rum’. Charles Issawi, Professeur de Sciences Politiques à l’Université Américaine de Beyrouth a traduit et publié dans son ouvrage «Une Philosophie Arabe de l’Histoire» des extraits des ‘Prolégomènes’ d’Ibn Khaldoun de Tunis (1332-1406). Et le mot arabe ‘Rum’ est traduit en anglais ‘Roman’ pour la période allant jusqu’à la mort de l’Empereur Romain Héraclius, en 641, mais il recourt à l’anglais ‘Byzantine’ pour traduire le même ‘Rum’ arabe, pour toute la période postérieure à la mort d’Héraclius, et couverte dans le texte d’Ibn Khaldoun. (A suivre)

Traduit de l’anglais.
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