L’ensemble de textes ci-dessous est la traduction d’un choix d’extraits du livre Живой Колос (Le Colosse Vivant), Ed. Otchii Dom, Moscou, 2018. Il s’agit d’extraits du chapitre I de ce livre, pages 30, 32 et 33, intitulé «La Foi et l’Église Orthodoxe». Le livre tout entier est constitué lui-même d’une sélection opérée par l’éditeur en collaboration avec le Monastère Saint Jean à Saint-Pétersbourg, parmi les notes de Journal rédigées en 1907 et 1908 par notre Saint Père Jean de Kronstadt.

Souviens-toi de l’union divine, sainte, spirituelle, céleste, dont tu fais partie (je veux dire, l’Église céleste et terrestre), dans cette union vivante des plus intime (la communion aux Saints Dons) avec Dieu Lui-même, avec la Mère de Dieu, avec les saints anges, avec tous les saints hommes et femmes de l’Église terrestre, avec toute la hiérarchie, et les fidèles chrétiens. Comme en témoigne la constitution de la proscomidie, de la liturgie des catéchumènes et des fidèles. Atteins cette union, et alors, tu raisonneras et te sentiras à son image. «Ayez en vous les sentiments qui étaient en Jésus-Christ»(Phil.2,5).

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Quelle idée merveilleuse, sainte, captivante pour la raison, le cœur et la volonté, que l’idée de l’Église universelle du Christ, avec à sa tête Son Fondateur-même, le Christ-Dieu! L’Évangile et la Liturgie reflètent, tels des miroirs, la bonté et la justice de Dieu, toute la divine économie déployée par Dieu pour le salut du genre humain, toute l’appréciation divine de l’humanité dans sa chute, créée au départ à l’image de Dieu, toute la merveilleuse relation entre Dieu et les hommes nés une seconde fois, toute la déification, l’élévation jusqu’aux cieux de la nature humaine et de sa coprécipitation avec Dieu. Combien divinement, dans quelle béatitude, à travers quels labeurs physiques et spirituels, les saints n’accomplirent-ils pas leur chemin de vie, chemin préparatoire, et combien furent-ils glorifiés par Dieu pendant leur vie et après leur mort! Quels parfums émanaient de leurs âmes et de leurs corps, vivants ou morts! Approfondissez cette idée de l’Église, creusez l’idée de la Liturgie, dans sa partie préparatoire (la proscomidie), dans la liturgie des catéchumènes et dans la liturgie des fidèles. Voyez l’idée de l’Église comme Corps du Christ, Auquel les fidèles chrétiens sont unis indissociablement. Voyez l’action mutuelle des membres les uns sur les autres, terrestres, célestes, prophètes, patriarches, apôtres, martyrs, saints évêques, saints moines, et tous les saints. Voyez le soin que prend l’Église terrestre de ceux qui sont en enfer ou des défunts. Voyez la relation de l’Église terrestre avec les habitants des Cieux, ou avec les membres parfaits de l’Église du Christ qui ont reçu les biens éternels et incorruptibles. Voyez notre relation avec tous les saints ; nous les glorifions, nous les choyons, nous les magnifions, nous implorons leur aide dans la victoire sur nos passions et sur les ennemis invisibles. Comme nous remercions Dieu de les avoir glorifiés et fait d’eux nos intercesseurs, particulièrement la Très Sainte Mère de Dieu. Et pour parfaire tout notre émerveillement devant la miséricorde divine, nous communions (certains d’entre nous) chaque jour aux Très Saints Corps et Sang du Christ, dans une relation d’absolue sincérité avec la Tête Elle-même de l’Église, en gage de la vie éternelle aux Cieux. O sainte Église! O divine Liturgie! Comme vous êtes divines, saintes et donatrices de vie! L’idée de l’Église n’existe pas dans la foi catholique. Elle a été réduite à néant : pas de proscomidie, les laïcs ne reçoivent pas le Saint Sang, alors qu’Il est indispensable. Buvez-en tous, dit le Seigneur, Car ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui est versé pour plusieurs en rémission de péchés (Mat.26, 27-28).

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Si le pape de Rome avait été en parfaite union de pensée, d’âme et d’enseignement avec le Seigneur, on pourrait, toutefois pas au sens propre du terme, l’appeler ‘tête de l’Église’, mais comme il est en désaccord avec la pensée et les enseignements du Christ, il est hérétique et ne peut être appelé ‘tête de l’Église’ et proclamer l’enseignement de l’Église car Elle est «la colonne et l’appui de la vérité» (1Tim.3, 15). Le pape et les papistes sont un roseau qui plie comme le vent souffle. Ils ont complètement altéré la vérité du Christ, dans son enseignement, dans sa liturgie (sans levain, sans la proscomidie) et dans sa gestion qui asservit à son hérésie tout le catholicisme et le rend incorrigible, car le pape, avec toutes ses hérésies, est considéré comme infaillible par l’institution catholique, c’est-à-dire incorrigible, contre tout discernement.

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La Proscomidie présente de façon manifeste l’Église toute entière avec le Christ à Sa Tête, et tous ses membres, célestes, terrestres, et du monde d’en-bas, les défunts. O merveilleuse unité de Dieu avec les hommes! Les catholiques romains ont rejeté la proscomidie. Ce faisant, ils ont décapité l’Église, rompant le lien entre l’Église militante visible et l’Église triomphante, invisible, afin de remplacer le Christ à Sa tête par une tête humaine, qui n’est pas libérée des idées fausses auxquelles elle fait participer tous ses membres, clercs et laïcs. O, qu’elle est sage, la vraie et salvatrice institution de l’Église, protégée de l’erreur par l’Esprit Saint, l’Illuminateur, et le Christ, la Tête Toute Puissante!

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O Divine Liturgie Orthodoxe, sainte, toute céleste, toute englobante, concentrant ciel et terre! Quel miracle tu es, combien tu es désirée, infiniment empreinte de bonté, de sagesse, de justice, de divine sainteté, d’une inaccessible grandeur. Ta partie préparatoire, la proscomidie représente déjà, succinctement et en traits généraux, ta divine grandeur, ta dimension salvatrice et ta beauté céleste. Ici sont représentées de façon figurative, très inégale, sur les parties d’un pain de froment:
1) L’Agneau de Dieu Lui-même, Jésus Christ, qui prend les péchés du monde,
2) La Mère de Dieu, en l’honneur de Laquelle une parcelle triangulaire est prélevée d’une prosphore particulière et déposée à droite de l’Agneau
3) Le chœur de tous les saints ; le Précurseur, les prophètes, les Apôtres, les saints évêques, les martyrs, les saints moines, les anargyres, les Saints et Justes Joachim et Anna, les saints du jour et le saint dont la Liturgie porte le nom. C’est l’Église céleste, triomphante, qui jouit de l’unité avec l’Église terrestre,
4) Toute l’Église terrestre est représentée dans différentes parcelles prélevées, tout l’épiscopat de l’Église sur terre, dans le Christ, en tant que serviteurs célébrant les Mystères, priant et enseignant,
5) et finalement, est représenté le troisième cercle de l’Église, les défunts, enfants de l’Église morts dans la foi et le repentir.
Voyez donc quelle merveilleuse union divine, de ceux qui sont aux cieux, sur terre, et en terre! Et au centre du Diskos se tient Divinement l’Agneau de Dieu, réjouissant, majestueux, immolé et perforé ; un grand morceau de pain cubique, qui sera transmuté en Corps du Christ, et à côté du Diskos, se trouve le Calice, image de cette Coupe miraculeuse, avec le vin à propos de laquelle, le soir du Mystère, le Seigneur clama: Buvez de Celle-ci, Ceci est Mon Sang de la Nouvelle Alliance. Mais écoutez ce que lit le prêtre, cette prière qui clôt la proscomidie: «Dieu, notre Dieu, Toi qui nous as envoyé le pain céleste, nourriture du monde entier, notre Seigneur et Dieu, Jésus-Christ, Sauveur, Rédempteur et Bienfaiteur, qui nous bénis et nous sanctifie, Toi-même, bénis cette offrande, et reçois-la sur Ton saint autel céleste. Souviens-Toi, dans Ta bonté et Ton amour pour les hommes, de ceux qui l’ont offerte, et de ceux pour qui ils l’ont offerte, et préserve-nous de toute condamnation quand nous célébrons Tes divins mystères»1
Quel amour divin et touchant exprime cette prière au Père Céleste ! Quel amour de Dieu pour le monde, indicible, non seulement par des bouches humaines mais aussi par les bouches spirituelles des anges! Il ne s’agit pas d’une quelconque nourriture terrestre, ni d’une manne céleste, mais du Corps et Sang de Son Fils Lui-même, donné en nourriture et en boisson, notre relation et notre dissolution la plus intime entre le Divin et l’humain! O amour indicible, O honneur suprême! O kénose stupéfiant tous les esprits des anges, chérubins et séraphins! O sagesse divine. O justice de Dieu, miséricorde, beauté et grandeur du Mystère indescriptible!
Et nous, prêtres et évêques indignes, accomplissons tellement souvent cette liturgie, communiant parfois quotidiennement aux Saints Mystères! O triomphe de l’amour de Dieu! O béatitude! O notre affermissement, notre divinisation, si souvent reçus! Quelle est notre attitude envers la Liturgie? Une attitude d’amour, de gratitude, de crainte omniprésente? Nous transformons-nous afin de devenir meilleurs? Nous rendons-nous célestes, divins, saints? Au moment d’accomplir la proscomidie, le prêtre dit, en traçant trois fois le signe de la croix sur l’Agneau : «En Mémoire de notre Seigneur, Dieu et Sauveur, Jésus Christ». Ensuite, préparant la portion cubique de la prosphore qui sera appelée par la suite ‘l’Agneau’ ou ‘le Très Saint Corps du Christ’, il prononce les paroles du Prophète Isaïe: «Comme une brebis, il fut mené à l’immolation» (Es.53,7) et il extrait la partie cubique du milieu de la prosphore, et disant «Car sa vie est enlevée de la terre» (Es.53,7), il la place sur le Diskos, et en pratiquant une incision en forme de croix sur l’Agneau renversé, il dit encore :«Est immolé, l’Agneau de Dieu Qui enlève le péché du monde, pour la vie et le salut du monde», ensuite, retournant l’Agneau, sceau au-dessus, il dit : «L’un des soldats Lui perça le côté de sa lance et aussitôt il en jaillit du sang et de l’eau» (Jean, 19,34). O indescriptible amour de Dieu! O indicible miracle des miracles, la Liturgie! Prosterne-toi devant elle, humanité, et verse des larmes de repentir: c’est bien pour tes péchés qu’elle est célébrée!

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Regarde combien tu as de parents, de proches, de ceux qui te sont chers dans le Christ: la Mère de Dieu, les saints anges, les patriarches, les prophètes, les apôtres, les saints évêques, les saints moines, l’immense chœur des martyrs, des justes et de tous les saints. Célèbre attentivement, en pleine conscience, de tout ton cœur, avec dévotion et gratitude la proscomidie et toute la Liturgie. Réfléchis-y profondément, attendris-toi et pleure devant Dieu des larmes de repentir et d’admiration. Que de biens Dieu a-T-il offerts aux Chrétiens orthodoxes à travers la célébration de la liturgie! La mort révélera clairement toute la richesse des biens préparés par Dieu pour celui qui L’aime : «aujourd’hui nous voyons au moyen d’un miroir, d’une manière obscure» (1Cor.13,12).2

Traduit du russe.

  1. La traduction de cet extrait de la Divine Liturgie, ainsi que des suivants, est due au Père Placide Deseille, de bienheureuse mémoire, et extraite des «Divines Liturgies», Monastère Saint Antoine le Grand et Monastère de Solan, 2009
  2. L’impératif utilisé dans ce paragraphe est compréhensible dans la mesure où il s’agit d’un extrait du Journal de Saint Jean, où il notait ses propres réflexions.