Ce texte est la traduction des propos du Métropolite Athanasios publiés sur le site Pravoslavie.ru, le 08 juillet 2019. Le texte russe porte le titre et le sous-titre suivants: La Force de la Prière . Réflexions à propos du livre du Starets Sophrony au sujet de Saint Silouane. Le Métropolite Athanasios y examine en profondeur différents aspects de la prière. Comme toujours en ce qui le concerne, ses profondes connaissances théologiques sont exprimée à travers un sens pratique qui est certainement un des plus beaux et séduisants ornements de Son Éminence.
Ouvrons le livre «Saint Silouane l’Athonite» écrit par l’Archimandrite Sophrony (Sakharov). A la fin du troisième chapitre, le Père Sophrony écrit au sujet du Starets: «Jusqu’à la fin de sa vie, malgré la diminution de ses forces et la maladie, il garda l’habitude d’entrecouper son sommeil1 ».
Comme dans les autres vies de saints, nous voyons ici combien paradoxale est la vie des héros de l’ascèse. Nonobstant l’approche de la fin de sa vie, l’épuisement des forces de son corps et l’intensification de la maladie, en lui vivait encore l’esprit du podvig et de la prière. Les saints pères disent que quand l’homme mène son podvig et atteint le succès dans sa vie spirituelle, alors, il reçoit par la grâce divine, un renouvellement des forces corporelles. C’est ainsi que parfois, nous remarquons que les gens qui, nous semble-t-il, devraient être physiquement faibles, quand ils prient et œuvrent pour la gloire de Dieu, par exemple quand ils doivent prêcher la parole de Dieu ou dévoiler la volonté de Dieu, ils reçoivent un renouveau de leurs forces. David parle de cela dans les psaumes : «Il te fait rajeunir comme l’aigle»(Ps.102,5).
Je me souviens de Geronda Porphyrios, qui était une collection vivante de maladies. Jamais au cours de mon existence je n’ai rencontré homme plus malade que lui. Le moindre changement de temps, de pression atmosphérique, lui était pénible au point qu’il semblait qu’il allait en mourir. Je me souviens, un jour, nous naviguions dans les eaux athonites, et on l’avait amené sur le bateau couché sur un brancard. Et sincèrement, quand je le vis, emballé de plus dans une couverture, je crus qu’il était mort. Mais à ce moment un hiéromoine de la Skite Nouvelle s’approcha de lui et dit : «Geronda, mon père est très malade». Immédiatement, Geronda Porphyrios ouvrit les yeux et commença à parler du père de ce moine, racontant ce que fut sa vie, comment était le village où il vivait, de quelle maladie il souffrait, quels médicaments on lui administrait, quels étaient les symptômes visibles chez lui, et ce qu’il fallait faire pour qu’il guérisse. C’est-à-dire que Geronda Porphyrios, aidant ce hiéromoine, sortit lui-même de son infirmité. De tels exemples, tirés de la vie des gens, montrent que la grâce de Dieu peut mettre fin à n’importe quelle maladie ou infirmité humaine.
Sur la Sainte Montagne vivait un geronda, le Père Georges. Il était le dernier disciple du grand héros de l’ascèse athonite Hadji-Georgi. En 1976, des voleurs s’introduisirent dans sa cellule, et la pillèrent. En plus de cela, ils battirent cruellement ce vieillard impotent âgé de 90 ans. Avant de partir, les voleurs décidèrent de le lier. Alors, Geronda Georges leur demanda de l’attacher à la stacidia dans l’église, et dy allumer un cierge, afin qu’il puisse y lire l’office, car ce matin-là, aucun autre moine ne viendrait. Imaginez-vous la scène : un petit vieux de 90 ans, perclus de maladies, roué de coups, et qui n’exprime qu’un seul souhait:qu’on l’attache à une stacidia dans l’église afin qu’il puisse y prier toute la nuit !
L’exemple de ces gerondas est stupéfiant. Physiquement, il étaient épuisés, sans force, à demi-morts, et dans la prière, il retrouvèrent un sorte de vigueur propre à la jeunesse. C’est la prière qui leur donne ces forces, c’est bien grâce à la prière que l’homme reprend force. Je ne sais pas si vous avez remarqué que lorsque vous luttez toute la nuit dans la prière, vous ne vous fatiguez pas aussi fort que si vous aviez passé la nuit devant le téléviseur, ou à de vaines discussions. La prière peut occasionner un peu d’épuisement corporel, mais celui-ci s’évapore rapidement. Finalement, il ne reste qu’une sorte de relaxation qui se diffuse dans le corps et dans l’âme. C’est la raison pour laquelle nous voyons que de nombreux saints et saintes conservent jusqu’à la fin de leur vie cette habitude de prier. Moi-même, je me rappelle ces exemples de gerondas qui passaient toutes les heures de la nuit en prière, sans fatigue ni murmure. Ils craignaient de manquer fût-ce un court instant de l’office, et leur vigueur digne de la jeunesse aspirait à ce que cet office se prolonge sans jamais finir.
Plus loin, nous lisons : «Il lui restait ainsi beaucoup de temps pour la prière en solitude;il priait constamment, changeant, selon les circonstances, le mode de sa prière, mais elle devenait particulièrement intense la nuit,…2 ». Quand l’homme travaille dur et lorsque la prière devient une partie de lu-même, alors, la monotonie se dissipe et c’est la prière elle-même qui apprend à l’homme comment il doit prier. Cette prière-là se transfigure en glorification de Dieu et le cœur se réjouit de la grandeur de Dieu, ou elle se fait en repentir, ou encore devient douleur pour le monde entier. Chaque fois, on se trouve devant une hypostase différente de la prière, en fonction du besoin de l’âme à chaque instant. C’est pourquoi dans la prière, l’homme n’est jamais enseignant;c’est la prière elle-même qui nous apprend à prier. Nous ne savions pas comment prier, mais comme le dit l’Apôtre Paul : «Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils, lequel crie: Abba! Père!» (Gal.4,6). Et ici, nous voyons que la prière n’est pas une invention de l’homme. Ce n’est pas nous qui dirigeons l’esprit de prière, c’est l’Esprit de Dieu qui nous dirige. Il arrive que Dieu Lui-même enseigne à l’âme et lui donne ce qu’Il estime nécessaire. A ce moment, l’homme doit, plutôt que faire sa propre volonté, adopter le rôle de l’élève et donner à Dieu la possibilité d’agir.
Je souhaite dire encore une chose au sujet de la prière nocturne. Elle est tellement nécessaire que dans les monastère, on se prive du jour au profit de la nuit. Dans l’organisation monastique, la journée est ordonnée de façon telle que les moines aient la possibilité de se reposer et de dormir pendant le jour, pour ensuite lutter avec vigueur pendant la nuit. Si l’homme apprend à mettre à la période nocturne à profit pour prier, alors, comme le dit Abba Isaac, «la prière nocturne fait surgir une lumière aveuglante dans l’âme de l’homme». Les ténèbres de la nuit deviennent se font lumière dans l’âme de l’homme. Il existe des monastère dont l’organisation prévoit un repos ou un sommeil diurne d’une ou deux heures afin de consacrer plus de temps à la prière du soir. Je pense que les laïcs peuvent appliquer ce genre d’organisation dans leur vie. Je connais même des gens, des familles, qui parviennent à vivre selon ce rythme. Pendant la journée, ils trouvent tune paire d’heure pour le repos, et le soir, quand ils ont terminé leurs occupations, il s’adonnent à la prière. C’est très bénéfique, et je vous conseille d’essayer.
A Thessalonique, je connais une famille, très liée à la Sainte Montagne, qui, au lieu d’organiser des soirées festives à la maison, organisent des soirées de prières. Ainsi, ils téléphonent à leurs amis et les invitent : «Venez aujourd’hui, vers vingt et une heures pour la prière commune». De la même façon que nous les moines, nous rendons visite l’un l’autre dans nos kalivas sur l’Athos et y prions les vigiles de toute la nuit, ces gens organisent celles-ci chez eux à la maison. Il est tout à fait possible de prier ailleurs qu’à l’église. On peut célébrer soi-même l’office à la maison. C’est très simple et très efficace. Donc, ces gens se réunissent par exemple vers vingt eux heures et commencent à lire les complies et ensuite l’Acathiste à la Très Sainte Mère de Dieu, ensuite la paraclisis, l’office de minuit, les matines et d’autres prières et vers deux ou trois heures du matin, ils terminent leur veillée de prière. Après, on peut boire ensemble une tasse de thé avant de rentrer à la maison. De cette façon, les gens transforment leurs soirées mondaines en soirées de prière. Au lieu de jouer aux cartes ou de perdre leur temps à des futilités, ils prient ensemble.
Je connais aussi à Thessalonique une famille nombreuse, dans laquelle les six enfants sont devenus moines et moniales. Depuis leur enfance, ces jeunes ont participé aux veillées de prière organisées par leurs parents. Leur maman rendait souvent visite au Saint Geronda Païssios quand il venait à Souroti. Elle a transformé sa maison entière en monastère. Chaque jour, à midi, toutes les femmes de cet immeuble à étages se rassemblaient dans le hall et priaient ensemble. Le soir, la famille, avec tous les enfants, célébrait les vigiles de toute la nuit, dans l’un ou l’autre appartement. La télévision et les commérages avaient fait place à la prière.
Essayez vous-mêmes et consacrez votre soirée à la prière;ce n’est vraiment pas compliqué. Prenez un livre de prière, par exemple l’horologion ou le Psautier de David, ou les Ménées, et essayez de prier serait-ce une heure seulement, et vous verrez quel bénéfice et quelle douceur vous procure la prière, et quel changement s’opère dans l’âme après la prière. Et si le lendemain, vous avez décidé de communier aux Saints Dons du Christ, ou de participer à d’autres Mystères, alors, il est nécessaire de vous y préparer longuement par la prière, afin qu’augmente encore la grâce qui nous est accordée à travers ces Mystères.
Demeurez toutefois attentifs. N’endommagez pas votre âme. Si par exemple, nous décidons de pratiquer la prière du cœur sans père spirituel, alors, nous risquons d’être trompés par notre imagination, et de nous retrouver dans une situation pénible. Le mieux est de toujours demander la bénédiction du père spirituel, afin qu’il puisse nous indiquer la succession de prières qui nous convienne et identifier les prières liturgiques que nous devrons lire. Il faut d’ailleurs commencer par ces prières instituées par l’Église.;nous en avons toute une gamme : les heures, vêpres, complies, l’Acathiste à la Très Sainte Mère de Dieu, l’office de minuit, les matines. On peut prier les heures. Je vous conseille donc d’acquérir ces livres, de les étudier et d’apprendre à prier avec eux. Lorsque vous y serez habitués, vous comprendrez que vous ne pouvez vous passer de la prière. Je connais des gens qui emmènent leur livre de prière dans l’autobus, dans le train, en avion, et qui le lisent pendant toute la durée des trajets. (A suivre)
Traduit du russe