Vladimir Igorievitch Karpets, juriste, orthodoxe Vieux-Croyant, a écrit entre autres un ouvrage intitulé Социал-Монархизм (Le Social-Monarchisme), publié en 2014, livre qui n’a pas été traduit en Français à ce jour. karpec-00 Le texte ci-dessous est un extrait du livre, dans lequel l’auteur esquisse les prémices de sa thèse. Nous avons déjà proposé, en guise d’introduction, la traduction d’un extrait de ce livre ici. Aux lecteurs initiés à la langue russe, nous conseillons la lecture du blog de Vladimir Igorievitch.

Monarchisme, socialisme et libéralisme.

Le socialisme du XXe siècle revendiqua la succession  politique et historique des soi-disant «Lumières» et des révolutions anti-traditionnelles et anti-monarchiques qu’elles engendrèrent, avant tout les révolutions du XVIIIe siècle, française et américaine. Rejetant le règne de la propriété privée, établi par ces révolutions, et de plus, détruisant toutes institutions traditionnelles, de la religion à la famille (Ces éléments sont évoqués dans les documents relatifs aux programmes fondamentaux du socialisme, dont le Manifeste du Parti Communiste), le socialisme du XIXe siècle agit en tant que moyen externe de mise en œuvre des doctrines gnostiques de l’anéantissement du monde, dont la création même était considérée par le jeune Marx comme la source de l’aliénation (on ne peut toutefois nier que ces doctrines aient un contenu conséquent).

Ce socialisme du XIXe siècle, pour les nombreux scientifiques qui l’ont étudié, dont le distingué mathématicien et historien russe, Chafarevitch, est absolument identique au socialisme en tant que tel, c’est-à-dire réellement hostile à la Russie impériale monarchiste et orthodoxe, non seulement au niveau politique, mais de façon totale et profonde. Friedrich Engels a écrit «qu’aucune révolution en Europe ou dans le monde entier ne peut vaincre tant que subsiste l’État russe dans sa forme actuelle». Cette thèse fut reflétée comme dans un miroir, de façon absolument opposée du point de vue politique, en 1849 par le diplomate et poète F.I. Tioutchev dans son article «La Russie et la Révolution»: «Depuis longtemps il n’existe en Europe que deux forces réelles: la révolution et la Russie. Ces deux forces se dressent aujourd’hui l’une face à l’autre. Mais demain peut-être en viendront-elles aux prises. Aucune sorte d’entente ou d’accord n’est possible entre elles. La vie de l’une d’elles signifie la mort de l’autre. Et de l’issue de la lutte entre elles, une lutte grandiose, dépendra pour des siècles l’avenir politique et religieux de SM-l’humanité».
Néanmoins, la confrontation entre «Russie et Révolution», monarchie et socialisme, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, se déploya sur fond de destruction générale de la société traditionnelle et de retrait de la religion (apostasie). L’établissement des rapports bourgeois fondés sur la propriété privée, mena à la croissance de l’individualisme et, concomitamment, à la démocratie, ainsi qu’à la déchéance d’une vision du monde fondée sur la religion. En Europe ces processus commencèrent à l’époque de la Réforme, en Russie, lors de la période du schisme, le «raskol», à la moitié du XVIIe siècle. Ces tendances ne sont pas visibles lors des périodes antérieures. Le résultat fut qu’au XIXe siècle apparut un tout nouveau type d’homme, le bourgeois (…), «l’Européen moyen en tant qu’outil de destruction mondiale» (K.N. Leontiev). (…) Paradoxalement, le «bourgeois, «l’Européen moyen» et, parallèlement, son idéologie, le libéralisme démocratique, devinrent «l’ennemi commun» de la monarchie et du socialisme. (…) Le bourgeois et la bourgeoisie ne pouvaient être acceptés ni «à droite», ni «à gauche». En outre, par bourgeois il convient de comprendre ici pas tant le propriétaire ou le producteur dans le sens de classe sociale, qu’un type historique et culturel. Alors, tout prend son sens. Le monarchisme et le socialisme, opposants historiques, furent confrontés à un troisième opposant, ennemi commun. Et aujourd’hui, celui-ci triomphe. Mais en même temps, il conduit le monde à la crise, le plaçant à la limite de l’anéantissement. (A suivre)