Agionoros.rua mis en ligne une série de textes concernant des ascètes contemporains. Plusieurs de ces textes concernent Geronda Seraphim (Dimopoulos), dont une biographie fut publiée en 2011 : «Père Seraphim Dimopoulos (1937-2008). Un ascète dans le monde contemporain» («Πατήρ Σεραφείμ Δημόπουλος (1937-2008) Ένας ασκητής στον συγχρονό κόσμο»). Les textes publiés par Agionoros.ru ne sont pas extraits de ce livre, mais ont plutôt pour objet d’apporter un éclairage complémentaire. Voici la sixième partie de la série. Les premières parties se trouvent ici.

Athanasios Chrisovergis, le maire de la ville d’Ambelonas, a raconté ceci : «Un jour, je me rendis en voiture du côté de Larissa. A peine étais-je sorti d’Ambelonas que j’aperçus le Père Seraphim qui cheminait dans la même direction. Je lui proposai de l’emmener, ce qu’il accepta avec joie. Au bout de quelques minutes, examinant la qualité luxueuse des sièges de ma voiture, il me dit : «Je suis convaincu de ce que de nombreux Chrétiens, qui veulent vivre pieusement, aspirent à posséder de belles voitures et à vivre dans le confort».
«Inclinons-nous pour prier : ‘Très Sainte Mère de Dieu, Sauve-nous!’, et demandons au Saint Esprit de nous éclairer ; sans Lui, nous ne pouvons rien faire».
«On reconnaît à leur visage ceux qui abusent de la nourriture carnée, surtout à leurs yeux, qui sont troubles. Ceux qui font preuve d’abstinence ont les yeux clairs, limpides».
«L’homme spirituel fait preuve de retenue et de mesure jusque dans l’usage de l’eau».
«Sachez que le Seigneur veut que nous soyons joyeux en cette vie terrestre, plutôt que plongés dans la tristesse et le désespoir».

Un des enfants spirituels de Geronda Seraphim expliqua à celui-ci qu’il était plongé dans une lutte contre les pensées impures. Geronda lui adressa alors le conseil suivant :
Aujourd’hui, quand tu rentreras à la maison, débarrasse-toi de ton téléviseur.
Les paroles de Geronda prirent le jeune homme au dépourvu car justement, il envisageait sérieusement d’acheter un nouveau téléviseur, plus moderne et doté d’un écran plus grand.
Geronda, je vis seul, et le téléviseur, c’est une forme de compagnie pour moi.
La compagnie du diable! Jette ce téléviseur!
Mais le fils spirituel de Geronda trouvait dommage de jeter le téléviseur. Il débrancha le câble et ne regarda plus d’émission pendant un temps. Quand il se décida à le brancher à nouveau, il tomba sans cesse sur des passages obscènes. Un jour, il vit à l’écran une femme se transformer en démon. Cela lui permit de se décider à se débarrasser du téléviseur. En peu de temps, sa conscience s’éclaircit et les pensées impures cessèrent de l’importuner. Et par la suite, le simple fait de regarder une émission chez des amis ou connaissances lui occasionnait des maux de tête.
Un jour, un couple vint prendre conseil auprès de Geronda Seraphim, se plaignant amèrement de l’incompréhension qui régnait entre eux et leurs enfants. Ceux-ci n’obéissaient pas, étudiaient mal, etc. Les ayant écoutés avec attention, Geronda leur répondit : «Si vous souhaitez une amélioration rapide de la situation, sortez le téléviseur de la maison et débarrassez-vous-en». Les époux suggérèrent de limiter son utilisation à quelques émissions par semaine, mais Geronda demeurait inflexible : «Parmi les familles que je connais, celles qui n’ont pas de téléviseur se trouvent dans une situation spirituelle meilleure que celles qui en ont un. La télévision produit de grands dégâts».
Un de ses enfants spirituels raconte : «Je fréquentai longtemps Geronda Seraphim. De temps à autre, il me disait : «Bénis! Et prie pour moi!». Je me demandai pourquoi un archimandrite qui a consacré inconditionnellement sa vie au Seigneur m’adressait pareille demande, à moi un laïc pécheur. Je suis arrivé à la conclusion que la raison en était la grande humilité de Geronda. Il m’avait incité à me rendre au Mont Athos, et de participer aux offices. Il m’a dit : «La Sainte Montagne, c’est l’université spirituelle. Ici, nous sommes à l’école primaire». Parfois, Geronda faisait allusion à ma vocation monastique : «Dieu donne un chemin à chacun. Pour certains, c’est la vie monastique, pour d’autres, c’est la vie de couple». D’habitude, Geronda donnait sa bénédiction à ceux de ses enfants spirituels qui souhaitaient travailler pour la mission orthodoxe de Madagascar. Mais quand je lui fis part de mon souhait de partir en Afrique, Geronda Seraphim refusa, sans une hésitation, à me donner sa bénédiction. Quoi qu’il en soit, jamais la pensée de mener la vie monastique ne m’avait effleuré. Mon pèlerinage au Mont Athos changea tout. Lorsque j’exprimai à Geronda mon souhait de suivre la voie du combat monastique, Geronda me dit : «La volonté de Dieu est que tu deviennes moine». Et quelques temps plus tard, je reçus la tonsure monastique à la Sainte Montagne.
D’habitude c’est sur la route qui conduisait chez Geronda que je réfléchissais à ce dont j’allais lui parler. Et chaque fois, lisant dans mes pensées, il entamait la conversation en me fournissant les réponses qui m’apaisaient. Je rendais visite à Geronda environ une fois par semaine, mais une fois, il m’arriva de ne pas y aller pendant plus de deux semaines d’affilée. En marchant vers la kelia de Geronda, je pensai : «Je me demande si j’ai manqué à Geronda… ». Me voyant arriver de loin, il me cria : «Viens ici. Tu m’as manqué. Où étais-tu?».
J’ai connu un homme âgé qui ne s’était pas confessé une seule fois dans sa vie. Je décidai de le convaincre de se rendre auprès de Geronda Seraphim. Je lui racontai ses nombreux dons spirituels et ensuite, je décidai de le «préparer» afin qu’il ne soit pas surpris par certaines particularités de Geronda. Ainsi, je lui expliquai que le désordre régnait dans sa kelia, et que lui-même ne se lavait pas. Je ne parvins pas à convaincre l’homme, mais lors de ma visite suivante auprès de Geronda, celui-ci me dit : «Tu as dit juste. Que suis-je? Seulement de la saleté».
Un jour, je fis la connaissance d’un couple d’époux déjà âgés qui paraissaient mener une vie vertueuse. Ils me dirent qu’ils ne s’étaient jamais confessés. Je pensais qu’il était nécessaire qu’ils aillent voir Geronda afin qu’il les confesse, d’autant qu’ils avaient déjà entendu parler de lui. Quand nous arrivâmes à la kelia, Geronda ferma sa porte avec le verrou et nous interdit d’entrer. Sur le chemin du retour, le couple m’avoua qu’ils n’avaient pas envie de se confesser, mais avaient juste eu envie de voir Geronda et de discuter avec lui. Je compris alors le comportement de Geronda ; il ne souhaitait pas perdre de temps en conversations futiles avec des gens dépourvus du sens du repentir et venant le voir juste pour satisfaire leur curiosité oisive.
Un jour, alors que je participais à une grande tablée, la conversation s’arrêta sur Geronda Seraphim. Les participants racontaient qu’il était difficile de trouver Geronda, et quand il était chez lui, il ne leur ouvrait pas la porte et les chassait même. J’intervins fièrement en affirmant que pour ma part, il m’accueillait toujours et s’adressait à moi en m’appelant par mon nom. Deux ou trois jours plus tard, je me rendis à la kelia de Geronda. Cette fois-là, il refusa longtemps de m’ouvrir la porte. Ensuite il sortit et me regarda en me disant :
– Mais qui es-tu, toi?
– Un tel…
– Qui ça?
Complètement déboussolé, je commençai à expliquer où j’habitais, quel était mon travail, etc., afin que Geronda «se souvienne» de moi. Mon orgueil fut ainsi rabaissé et je cessai de croire que Geronda me plaçait à un niveau supérieur à celui des autres. Geronda m’avait immédiatement guéri de mon autosatisfaction.
Un jour, j’étais assis auprès de Geronda, avec un autre de ses enfants spirituels, dans la cour devant sa petite maison. Geronda expliquait un thème spirituel, et j’étais plongé dans mes pensées. Je pensais à une de nos connaissances communes, un autre fils spirituel, appelé Yannis, qui était parti travailler à la mission orthodoxe à Madagascar. Les pensées commençaient à surgir dans ma tête : «Geronda, comment est-il, là-bas? Comment va Yannis en Afrique? Seigneur, fait que Geronda se tourne vers moi et me réponde, afin de m’affermir dans ma foi». A l’instant même, Geronda interrompit ses explications, se tourna vers moi et dit : «Que demandes-tu là à propos de Yannis?». J’en eus le souffle coupé et ne répondis rien lorsque Geronda répéta sa question. Ensuite, Geronda Seraphim se tourna et reprit ses explications comme si rien ne s’était passé. (A suivre)
Traduit du russe
Sources 1,2.