Le texte ci-dessous est la traduction d’un original russe publié le 25 janvier 2022 sur le site Pravoslavie.ru et intitulé : L’Archimandrite Job (Goumerov):«Seul le fils, et non le mercenaire, travaille par amour pour le Père». Entretien de Madame Olga Orlova avec l’Archimandrite Job.
L’Archimandrite Job (Goumérov) naquit en 1942. En 1966, il fut diplômé de la faculté de Philosophie de l’Université d’État de Moscou. Puis il poursuivit des études supérieures et soutint sa thèse de doctorat à l’Institut de Philosophie sur le thème «Analyse Systémique du mécanisme de changement de l’organisation sociale». Pendant 15 ans, il travailla comme chercheur principal à l’Institut de Recherche Scientifique de l’Académie des sciences. En 1984, il reçut le Saint Baptême. En 1990, il fut diplômé de l’Académie de Théologie de Moscou et devint docteur en théologie. En 1990, il fut ordonné hiérodiacre, la même année, hiéromoine. Il desservit les église Saint-Vladimir «des Vieux Jardins», Saint-Nicolas à Khamovniki, et du Monastère Saint-Jean-Baptiste à Moscou. Il a enseigné les fondements de la théologie au Séminaire de Moscou et les Saintes Écritures de l’Ancien Testament à l’Académie de Théologie. Depuis 2003, il est membre de la communauté du Monastère de Sretenski.
L’Archimandrite Job (Goumerov), ce membre de la communauté du Monastère de la Sainte Rencontre, à Moscou, que tous nous aimons, a maintenant quatre vingt ans. Pendant de très nombreuses années, tant que ses forces physiques le lui permirent, Batiouchka Job prépara à lui seul toutes les réponses de la rubrique «Questions au Prêtre» du portail Pravoslavie.ru, il enseigna, prêcha et rédigea des livres et articles apologétiques, agiographiques, missionnaires, et un ouvrage autobiographique. Il est difficile d’estimer combien de personnes dans le monde entier se sont familiarisées avec les purs dogmes orthodoxe grâce à ses ouvrages et à ses prières, combien de chrétiens ont été réconfortés par ses propos apaisants, combien d’entre eux ont reçu la rémission de leurs péchés sous son épitrachilion. Ces dernières années, Batiouchka Job a choisi de vivre en reclus, se concentrant sur l’affaire principale d’un moine (et en général de tout chrétien) : la prière. Il donc d’autant plus précieux pour nous d’entendre la voix de Batiouchka et d’obtenir des réponses brèves, mais extrêmement concises sur le sens des choses les plus importantes de la vie.

Sans podvig, il est difficile d’être appelé «fils».
Père Job, dites-nous, de la hauteur de toutes ces années que vous avez vécues, ce qui vous paraît essentiel dans la vie.
L’amour pour Dieu et pour la Reine des Cieux. Quand l’homme devient croyant et commence à vivre dans l’Église, il passe inévitablement par trois situations que les saints pères désignent au moyen de trois appellations : esclave, mercenaire et fils. Saint Grégoire le Théologien, dans ses «Propos sur le Saint Baptême» écrit : «Si tu es un esclave, tu crains les coups. Si tu es mercenaire, tu as une chose en tête: recevoir. Si tu es supérieur à l’esclave et au mercenaire, si tu es fils, tu as honte devant Dieu en tant que Père; tu fais bien, car il est bon de se soumettre au Père. Alors que tu n’espérais rien recevoir, tu reçois, car faire plaisir au Père c’est une récompense en soi». Beaucoup de chrétiens restent longtemps au rang de mercenaire, n’ayant pas la détermination de suivre la voie du podvig, alors que sans celui-ci, il est impossible de rejoindre le rang de fils. Seul le fils, et non l’esclave ou le mercenaire, travaille par amour pour son Père. «Il n’y a point de crainte dans l’amour ; mais l’amour parfait bannit la crainte, car la crainte suppose un châtiment ; celui qui craint n’est pas parfait dans l’amour.» (1Jean 4;18).
L’action de grâce incessante ennoblit particulièrement notre prière.
Comment acquérir la paix de l’âme? De nos jours, il y a tellement de discorde, d’opinions divergentes, de peurs.
Ce qu’il faut c’est développer en soi l’habitude de prier Dieu constamment. Notre prière est particulièrement ennoblie par l’action de grâces incessante. Nous ne devons pas seulement recevoir ce que nous demandons. La possibilité même de communiquer avec notre Père Céleste est un grand bien. C’est par le fruit de notre prière que nous apprenons si le Seigneur a accepté nos supplications. Si après la prière de demande, nous avons trouvé la paix intérieure et la paix de l’esprit, même si nous n’avons pas reçu ce que nous demandions, alors la prière n’est pas restée stérile.
Et comment apprendre à ne pas avoir peur dans nos temps troublés?
Non seulement il faut croire en notre Seigneur Jésus Christ, mais il faut entièrement s’en remettre à Lui. Le Saint Apôtre Paul appelle l’Apôtre Timothée à «ranimer la grâce que Dieu… car ce n’est pas un esprit de crainte que Dieu nous a donné mais un esprit de force, d’amour et de chaste sagesse» (2Tim.1;6-7).
Dieu attend de nous la constance.
Qu’est-ce qui change en l’homme au fil des années? Vers quoi faut-il tendre, qu’est-ce qu’il ne faut pas manquer dans le tourbillon des jours? Dans la Sainte Écriture on lit que certains sont «nés en vain» (3Ezdras 9;22). Comment n’être pas condamné? On dit tout de même qu’il est possible de communier pour sa propre condamnation…
C’est notre infirmité commune à toute l’humanité que notre Seigneur Jésus Christ nous appelle à vaincre : «Depuis les jours de Jean-Baptiste jusqu’à présent, le royaume des cieux est emporté de force, et les violents s’en emparent» (Mat.11;12). Notre salut, c’est de la grâce de Dieu qu’il viendra, mais il nous sera donné seulement si nous le voulons assidûment et si nous accomplissons le travail nécessaire. Dieu attend de nous la constance. C’est alors seulement qu’est possible la croissance spirituelle. La parole de Dieu nous en indique les moyens. Avant tout, la crainte de Dieu ne doit pas faiblir ; elle est à la racine de toutes les vertus. Elle naît de la foi et grandit en nous au fur et à mesure que nous nous débarrassons des entraves de nos attachements au monde. Il est difficile d’obtenir des succès intérieurs si on ne fait rien extérieurement.
Relisez souvent le Sermon sur la Montagne.
Comment marcher sur cette voie étroite de la vie spirituelle intérieure? Si on est éduqué dans pareille disposition depuis l’enfance, c’est une chose, mais si on ne l’a pas été, c’en est une autre… Quels conseils pratiques pouvez-vous donner?
Il faut écouter l’appel du Sermon sur la Montagne. Ce sermon contient l’essence de tout l’enseignement évangélique, et l’appel à passer par la «porte étroite» et à marcher sur la «voie étroite qui conduit à la vie», signifie accomplir tous les commandements évangéliques. Sur cette voie, les disciples du Christ doivent, par le travail spirituel, se purifier des péchés, mener une lutte sans faiblesse contre les habitudes impures et les passions, et vaincre les multiples tentations du monde. Il faut commencer chaque journée avec la pensée que nous n’avons encore rien fait pour notre salut, et qu’il n’y aura pas un autre jour pour le faire.
Prenons-nous en compte la Divine Providence?
Pourquoi le Chrétien doit-il prendre sur lui toute la faute de ce qui se passe, particulièrement dans les situations conflictuelles ?
Parce que dans chaque tentation, surtout celles liées à la perte de la paix entre les gens, il y a au moins deux niveaux. Le premier est le niveau humain : tous nous avons une nature déchue, asservie au péché, tous nous sommes descendants d’Adam et Eve, nos ancêtres qui ne parvinrent pas à demeurer dans les hauteurs du paradis. «Le monde entier est plongé dans le mal»(1Jean 5;19). Et c’est, bien-sûr, notre nature déchue qui génère constamment tous ces conflits, ces malentendus, ces querelles et disputes. Le deuxième niveau, c’est la Divine Providence. LE Seigneur permet que nous passions à travers tout cela pour nous donner des leçons spirituelles que nous devons assimiler sinon parfaitement, du moins avec excellence. Car autrement, nous ne pourrons acquérir aucune vertu, pas une seule. Mais voilà, ce deuxième niveau, nous le perdons souvent de vue.
La miséricorde de Dieu surpasse nos œuvres, mais nous ne pouvons faiblir.
Il semble qu’au plus longtemps on vive, au plus il est difficile de tenir; de nombreux Chrétiens remarquent cela. Cette période, peut-on y échapper? Quel est cet état; quand considère que ce qu’on fait est juste, c’est quelque chose de très retors, on glisse rapidement dans l’orgueil, quand on considère que ce qu’on fait est mal, c’est oppressant, on est au bord du découragement? Comment trouver un point d’appui intérieur?
Au tout début de la vie spirituelle, quand l’homme avance avec foi et résolution sur le chemin du salut et accomplit les premiers pas de la purification du cœur, le Seigneur envoie la grâce à ce débutant, et elle surpasse réellement ses œuvres. Dieu la lui donne pour que, quand il affrontera les premières tentations et épreuves, ce débutant ne fasse pas demi-tour et ne revienne à sa vie précédente, et pour que les démons, profitant de son manque d’expérience, ne lui dérobent sa foi qui n’est pas encore affermie. Cette période peut durer plus ou moins longtemps selon chacun.
Mais parfois, l’état d’affaiblissement spirituel et de tiédissement peut résulter du manque d’attention portée à la vie intérieure, de la diminution de la crainte de Dieu et du fait qu’on se détourne de Sa sainte volonté. La raison peut également être une dépendance envers quelque chose de mondain, de non-spirituel. Dans un tel état, les saints pères conseillent de renforcer la prière à Dieu avec repentir et espoir.
Le Chrétien doit toujours être prêt pour les tribulations.
Batiouchka, y a-t-il un passage de l’Écriture Sainte que vous aimiez particulièrement?
Oui, ce sont ces paroles du Seigneur, notre Sauveur : «Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai. Prenez sur vous mon joug, et recevez mes leçons, car je suis doux et humble de cœur ; et vous trouverez le repos de vos âmes. Car mon joug est doux et mon fardeau léger» (Mat.11;28-30).
Maintenant, on parle souvent des tribulations qui commencent, on dit que des temps difficile nous attendent. Quand la mer de la vie devient tempétueuse, comment ne pas sombrer? A quoi doivent s’accrocher les Chrétiens contemporains?
Le Chrétien doit toujours être prêt pour des temps difficiles, pour les tribulations qui approchent et placer son espérance inlassable en Dieu. Les Saints Apôtres l’on rappelé dans leurs épîtres synodales : «Bien-aimés, ne soyez point surpris de l’incendie qui s’est allumé au milieu de vous pour vous éprouver, comme s’il vous arrivait quelque chose d’extraordinaire. Mais, dans la mesure où vous avez part aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin que, lorsque sa gloire sera manifestée, vous soyez aussi dans la joie et l’allégresse»(1Pierre 4;12-13).
Traduit du russe
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