L’ouvrage de Nicolas Berdiaev, De l’Inégalité, a été publié en 2008 par les Éditions l’Age d’homme. Le Berdiaev Petittexte ci-dessous en est extrait des pages 98 et 99.                                                                                                                         Le principe conservateur s’oppose dans la vie sociale à l’effondrement du cosmos social formé par le travail créateur et organisateur de l’histoire. Il contient la poussée des ténèbres chaotiques qui montent d’en bas. Le sens du conservatisme consiste non pas à faire obstacle au progrès et à l’élévation, mais à s’opposer à la régression et à la descente vers la nuit du chaos ; il empêche le retour vers l’état antérieur à la formation des États et des cultures. Le sens du conservatisme, c’est de faire face aux manifestations des éléments chaotiques et bestiaux dans les sociétés humaines.(…) La vie des individus, des sociétés et de toute l’humanité historique reçoit sans cesse de nouvelles sources de renouvellement, issues des forces barbares, chaotiques, intactes. Elles revigorent l’humanité en proie à la sénescence et dont le sang se glace. Des races et des classes nouvelles accèdent au cosmos historique. C’est là un processus inévitable et bienfaisant. Les ténèbres doivent entrer dans le royaume de la lumière, mais pour s’illuminer et apporter des forces vierges aux sources de la clarté et non pas, en renversant les luminaires, pour élargir le royaume de la nuit. C’est un processus organique et non mécanique. Comme toujours, il suppose donc des principes et un ordre hiérarchique de la vie. Les abattre, c’est abolir la lumière, acquise avec quelle peine et au prix de quelles souffrances ! Les luminaires doivent être gardés afin que les ténèbres communient avec la royaume de la lumière, au lieu de l’étouffer. Si le cosmos a un fondement chaotique insondable d’où sourdent des forces nouvelles, il doit cependant conserver son ordre hiérarchique, sa source centrale de lumière, et ne pas être définitivement renversé par les puissances du chaos, pour remplir son dessein divin, pour que les ténèbres s’éclairent et que le chaos puisse accéder au cosmos.
Texte original russe