Ce titre quelque peu léger masque une réalité riche et dense, celle de la vénération de Saint Spyridon, véritable tradition spirituelle, au sein de la lignée impériale des Romanov. Le texte ci-dessous est la traduction d’une conférence donnée au Monastère des Danilov à Moscou, le 13 mars 2007, par Madame Olga Nikolaevna Koulikovskaïa-Romanova, Présidente du fonds de bienfaisance de Son Altesse Impériale la Grande Princesse Olga Alexandrovna, à l’occasion de la venue en Russie de la dextre de Saint Spyridon. Voici la seconde partie du texte, la première se trouvant ici.

En 1817, suite aux démarches de la Souveraine Impératrice Élisabeth Alekseievna, une autre église Saint Spyridon fut installée dans l’Institut Élisabéthain pour dames à Saint-Pétersbourg ; on y conserve une relique provenant de Kerkyra : un morceau d’une pantoufle de velours de Saint Spyridon. A Kerkyra, un usage consiste à changer une fois l’an les pantoufles qui chaussent les pieds des saintes reliques protégeant le saint lors de ses excursions miraculeuses entreprises à travers la terre entière, en réponse aux prières des fidèles. Pareil usage prévaut chez nous avec les chaussures de Saint Serge de Radonège. Les pantoufles de Saint Spyridon, usées au bout d’un an, sont données aux fidèles. Ce genre de présent est évidemment remis aux Orthodoxes les plus illustres. La construction de l’église Saint Spyridon, grâce aux démarches mises en œuvre par l’Impératrice Élisabeth, fut clairement un cadeau spirituel de l’Impératrice à l’occasion du quarantième anniversaire de son époux béni, le Souverain Alexandre Ier.A l’été 1821, on dut se résoudre à restaurer fondamentalement la Cathédrale Saint Isaac. Décision fut prise d’installer une église de grande taille au sein du bâtiment de l’Amirauté, ce qui fut fait par l’architecte Auguste Ricard de Montferrand, l’auteur du projet de la nouvelle Cathédrale Saint Isaac. Le 12 décembre de cette année, jour anniversaire de la naissance de l’Empereur, l’église de l’Amirauté fut consacrée à Saint Spyridon, et une chapelle le fut, à Saint Isaac de Dalmatie. Et lorsque, sous le règne du Tsar Nicolas Ier Pavlovitch, la reconstruction de la Cathédrale Saint Isaac fut menée à terme, l’église Saint Spyridon de l’Amirauté ne fut pas supprimée. Et le 27 octobre 1858, le Tsar Alexandre II le Libérateur commanda d’élever l’église Saint Spyridon de l’Amirauté au rang de Cathédrale. On y conserve également une pantoufle du Saint cypriote, qui fut apportée de l’Île de Corfou en 1860 par le Grand Prince Constantin Nicolaevitch, frère de l’Empereur Alexandre II. En 1863, le peintre académicien F.G. Solntsev écrivit pour la Cathédrale Saint Spyridon de l’Amirauté une icône du Sauveur pour laquelle les joailliers F.A. Verkovtsev et F. Bouts préparèrent un luxueux oklad enchâssé de brillants. Cette icône fut exécutée en mémoire du sauvetage du Général-amiral et Grand Prince Constantin Nicolaevitch des mains des terroristes, lorsque le frère de l’Empereur servit en Pologne.
Le Grand Prince Constantin Nicolaevitch était le père d’Olga Constantinovitch, qui épousa le 15 octobre 1867 le Roi des Grecs Georges Ier, fils du Roi Christian Ier de Danemark et frère de la Princesse Dagmar, la Grande Princesse Maria Fiodorovna, future Impératrice de Russie. En 1869, le Grand Prince Constantin Nicolaevitch écrivit à sa fille Olga : «Sais-tu, ma petite colombe, que tu as un lien particulier avec un saint local dont les reliques reposent à Corfou? Il s’agit de Saint Spyridon, dont la fête correspond à celle du Régiment Finlandais de la Garde. Et toi, tu es la fille du chef de ces Finlandais, la fille de ce Régiment. Lors de l’office du Régiment, nous chantons : «Saint Père Spyridon, prie Dieu pour nous». Lorsque tu t’inclineras devant ses reliques, souviens-toi de prier pour le Régiment Finlandais et pour son chef».

L’église St Spyridon Oranienbaum

Saint Spyridon était en outre le Saint Protecteur du Régiment de la Garde de Volhynie. Une église dédiée à Saint Spyridon fut construite à Oranienbaum, près de Saint Pétersbourg, à l’usage de ce régiment. On y construisit ensuite l’école des officiers d’infanterie et l’église Saint Spyridon fut rattachée à cette école. La paroisse de l’église Saint Spyridon était composée des officiers de cette école, de leurs familles et de leur domesticité, ce qui représentait environ 700 paroissiens. Certains membres prestigieux de la Maison Impériale furent des membres intermittents de la paroisse Saint Spyridon d’Oranienbaum. C’était le cas lorsque les entraînements de l’École du Bataillon d’Infanterie étaient placés sous le commandement en second de leurs Altesses Impériales en vue de les familiariser avec les unités de combat. C’est ainsi qu’en 1864, sous le commandement du Général Major Von Notbeke, le bataillon se réjouit de la présence de leurs Altesses Impériales les Grands Princes Alexandre Alexandrovitch (le futur Empereur Alexandre III le Pacificateur) et Vladimir Alexandrovitch. En 1869, ce fut le cas de Son Altesse Impériale le Grand Prince Alexis Alexandrovitch et, respectivement en 1872 et en 1876, sous le commandement du Général Major Danilov, ce fut le tour de Leurs Altesses Impériales les Grands Princes Nikolaï Nikolaevitch, et Sergueï Alexandrovitch. En 1879, sous le commandement du Général Major Villamov, vinrent Leurs Altesses Impériales les Grands Princes Sergeï et Paul Alexandrovitch et Dimitri Konstantinovitch. Quant à Son Altesse Impériale Eugène Maximilianovitch, duc de Leuchtenberg et prince Romanovsky, il daigna participer à l’entière campagne d’exercices 1865-1866 de L’École du Bataillon d’Infanterie. Après qu’elle eut subit une restauration importante en 1896, l’église Saint Spyridon fut consacrée à nouveau. A l’office de consécration participa Saint Jean de Kronstadt.

Alexandre III

Au fil des années, de nouvelles chapelles apparurent dans la Cathédrale Saint Spyridon de l’Amirauté : en 1874 fut consacrée une chapelle de la Conception de Sainte Anne ; à l’automne 1889 on consacra la chapelle du Prophète Osée, en mémoire du sauvetage de la famille impériale lors de l’accident de train du 17/29 octobre 1888, à Borki. Un nouveau lien mystique apparaissait dès lors, entre Saint Spyridon et la famille du Souverain, l’Empereur Alexandre III.
C’est en l’église Saint Spyridon à Kerkyra que son vénérées les reliques du Saint Thaumaturge de Trimithonte. A proximité de cette église, on peut découvrir le Palais d’été de Mon Repos, qui fut la propriété du Roi Georges et de la Reine Olga Konstantinovna. Le quatrième enfant du couple royal de Grèce, le Prince André Grigorievitch, épousa la Comtesse Alice Battenberg, nièce de la sainte Impératrice-martyre Alexandra-Fiodorovna. Trois filles naquirent d’abord de ce mariage. Ce fut le 10 juin 1921 qui vint au monde, précisément à Mon Repos, le fils tant espéré, qui fut nommé Philippe. La naissance eut lieu soudainement ; on eut tout juste le temps d’allonger la mère sur la table de la salle à manger. Des années plus tard, le Prince grec Philippe épousa une jeune anglaise, que nous connaissons mieux sous le nom d’Élisabeth II, Reine d’Angleterre. (…)

Le Saint Tsar Nicolas II

Le 30 juin 1904, le Régiment de la Garde de Finlande reçut un télégramme de l’Empereur Nicolas II : «Dieu nous a donné un fils, un héritier. Ainsi, cher Chef des Finlandais, je congratule sincèrement le Régiment à cette occasion». La joie du Régiment ne connut pas de limite. Quelques jours après la naissance de Son Altesse Alexis Nikolaevitch, le Capitaine Svichievski fit commander la confection d’un triptyque de style russe ancien, sur lequel seraient représentés le Visage du Sauveur, Non-fait de Main d’Homme, Saint Spyridon et Saint Alexis. Le Souverain fit part de sa reconnaissance aux Finlandais, et leur annonça de vive voix que le triptyque du Régiment avait été installé par ses propres soins sur le berceau de l’héritier impérial et qu’il y demeurerait à jamais.
En 1903-1904, en vue du centenaire du Régiment de la Garde de Finlande, on construisit, sur base du projet de l’architecte S.P. Kondratiev, au coin de la Grande Avenue et de la 19e Ligne, une église Saint Spyridon, qui devint l’église officielle du Régiment. La consécration de cette église, jour de joie dans l’histoire du Régiment, se déroula le jour de la fête onomastique du Tsarevitch Alexis Nikolaevitch, en 1904. Deux ans plus tard, le centenaire du célèbre Régiment fut célébré solennellement. Aujourd’hui, on continue à célébrer la liturgie dans cette église historique restaurée, et les fidèles pétersbourgeois savent les innombrables miracles par lesquels Saint Spyridon ne se lasse pas de les aider dans les circonstances les plus pénibles de l’existence, et de guérir les malades que l’espoir abandonne.

L’église St Spyridon au Marais de la Chèvre. Photo de 1912

Je souhaite revenir maintenant à l’histoire de l’église Saint Spyridon, construite à Moscou par le Saint Patriarche Philarète (Romanov) et au lien mystique qui unit cette église à la lignée impériale des Romanov.
Le 19 juillet 1918, le journal soviétique Izvestia annonça que le saint Tsar martyr Nicolas Alexandrovitch avait été fusillé. Deux jours plus tard, Alexandre Dimitrievitch Samarine, Haut-Procureur du Saint Synode, ordonna la célébration d’une pannychide dans l’église Saint Spyridon de Trimithonte, rue Spyridonovka, à la mémoire du Souverain assassiné. Cet office fut célébré par l’Higoumène Néophyte, qui nomma le Tsar-martyr en recourant à son titre officiel complet, plutôt qu’à l’appellation d’empereur défunt ou à celle de ‘citoyen Romanov’. Certains «paroissiens» s’empressèrent d’aller le dénoncer et l’higoumène fut arrêté le soir même par la Tcheka et fusillé quelques temps plus tard en tant que «contre-révolutionnaire actif». A.D. Samarine échappa au même sort ; l’Higoumène Néophyte n’avait pas révélé le nom de celui qui avait commandé la célébration de la pannychide. Toutefois, il finit par recevoir un avis d’expulsion de Moscou et souffrit le sort des vagabonds.

1930 : Destruction de l’église St Spyridon au Marais de la Chèvre

L’église Saint Spyridon de Trimithonte, au Marais des Chèvres, tomba en disgrâce et fut rasée à l’été 1930. En 1934, on y érigea à sa place un immeuble à appartements de quatre étages, qui porta l’adresse : Spyridonovka, 21/1. Pendant quelques temps, la rue porta le nom du «Comte» Alexis Tolstoï. Elle récupéra son appellation officielle après 1991, mais à ce jour, ce petit coin sacré de la Moscou de jadis n’a pas encore vu resurgir le témoin matériel de sa marque spirituelle.(…)
Traduit du russe

Saint Spyridon, prie Dieu pour nous
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